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Le réel et l'imaginaire se contredisent-ils ?

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« Le terme « réel » désigne l'ensemble des choses qui existent effectivement, qui n'ont pas qu'un statut de représentation dans ma pensée mais qui une consistante effective, puisqu'elles peuvent m'affecter, agir sur moi, alors que je suis capable d'agir sur elles. L'imaginaire est l'ensemble des productions de cette faculté de l'esprit qu'est l'imagination.

L'imagination est une faculté mentale qui permet de créer des images inédites par combinaisons et modifications d'images dont nous avons eu l'intuition dans la réalité. L'imaginaire est donc un terme désignant les images produites par cette faculté créatrice qu'est l'imagination. Le verbe « contredire » signifie qu'il existe une opposition entre les discours tenus par deux instances distinctes, ici le réel et l'imaginaire.

Dans la contradiction, il y a une opposition insoluble sur laquelle les parties en présence ne s'ont pas capables de s'accorder. A première vue, réel et imaginaire semblent être des antonymes parfaits.

Intuitivement, nous présentons le réel comme l'univers de ce qui existe alors que l'imaginaire est le domaine de ce qui n'est pas- quand il ne nous détourne pas directement du réel. Nous nous demanderons si les rapports entre réel et imaginaire ne sont pas moins des rapports de contradiction que de tensions. I. a. Le réel et l'imaginaire se contredisent termes à termes Réel et imaginaire : une contradiction ontologique A première vue, réel et imaginaire se contredisent pour des raisons ontologiques.

Le réel désigne en effet l'ensemble des choses qui ont une existence effective, c'est-à-dire qui peuvent affecter nos sens, et qui ne dépendent en rien de notre propre existence : nous pouvons être ou n'être pas, le réel n'en sera nullement affecté.

A l'inverse, l'imaginaire, en tant qu'il désigne l'ensemble des productions de l'imagination, possède un autre statut ontologique : les produits de l'imaginaire ne sauraient exister sans nous, sans notre faculté d'imaginer qui les fait parvenir à l'être.

Réel et imaginaire se contredisent donc ontologiquement. b. Réel et imaginaire : les produits de deux facultés distinctes Allant plus loin, réel et imaginaire semblent se contredire parce qu'ils relèvent de facultés distinctes.

Pour Platon, le réel est perçu par l'intelligence, par les facultés intellectives de l'esprit.

Au contraire, l'imagination contredit le réel parce qu'il l'en détourne, parce qu'il présente à l'homme des apparences comme s'il s'agissait de réalités.

On connait notamment la critique Platonicienne de l'art, et le bannissement qu'il promet au poète dans la cité idéale.

Pensons à Don Quichotte, détourné du réel par les apparences suscitées dans son esprit par les productions de l'imaginaire livresque des romans de chevalerie. II. a. La tension entre imaginaire et réel : l'imaginaire est une interprétation du réel L'imaginaire est un entrainement à l'action dans le monde réel Par delà ces apparentes contradictions, nous nous demanderons si les rapports de l'imaginaire et du réel ne sont pas moins des rapports de contradictions que de tensions.

En effet, il existe une tension entre imaginaire et réel, qui fait de l'imaginaire un discours non pas concurrent, ou séducteur, par rapport à celui tenu par le réel, mais au contraire un discours investigateur du réel.

Toute la doctrine classique de la création littéraire démontre que les productions de l'imaginaire (notamment le roman) fournissent aux hommes des modes d'actions possibles dans le réel.

Prévost, dans l'avant propos de Manon Lescaut, montre que le roman supplée à l'ignorance du lecteur, vient compléter sa faible expérience du réel, et peut donc lui éviter des erreurs et des catastrophes.

L'imaginaire ne contredit donc pas le réel, mais désigne des modes possibles de comportements dans le réel. b. L'imaginaire produit des modèles pour la compréhension du réel Mais allant plus loin, nous pouvons voir que l'imaginaire fournit aussi au réel des modes d'interprétation, permettant de mieux le comprendre.

C'est ainsi que des découvertes scientifiques ont pour point de départ des intuitions, des métaphores produites par l'imaginaire : on a pensé le « courant électrique » à partir du modèle hydraulique, par exemple.

L'imaginaire produit donc des intuitions, des métaphores, qui à leur tour permettent de comprendre le réel. III. a. La tension entre imaginaire et réel : l'imaginaire est un appel à la modification du réel L'imaginaire assigne des fins au réel : l'exemple de l'utopie Mais par delà cette capacité exploratoire et interprétative du réel, l'imaginaire a également une fonction exhortatoire : elle peut désigner à l'homme non pas ce qui est, mais ce dont la possibilité existe.

La contradiction entre réel et imaginaire est donc plutôt une tension : une tension entre l'état actuel des choses, et ce qu'elles pourraient être.

Pensons à la pluralité des récits utopiques, qui présentent à l'homme non pas l'état réel de la société (notamment dans l'Utopie de More), mais l'état potentiel de celle-ci.

Réel et imaginaire ne se contredisent pas, car l'imaginaire a pour orientation téléologique la modification du réel. b. L'imaginaire fournit au réel un modèle à imiter : l'exemple des imaginaires nationaux Dans un entretien donné dans l'émission Campus, Michel Tournier déclarait il y a quelques années que les peuples produisent toujours des représentations imaginaires de ce qu'ils sont, qui désignent le plus souvent un fantasme plutôt qu'une réalité, une représentation idéalisée plutôt qu'une image fidèle.

Les français, par exemple, se veulent et se représentent comme des êtres courtois, pour qui l'élégance et la distinction sont des valeurs nationales (le fameux « bon goût » qui fait rire outre manche !).

Quand bien même la plupart des français ne correspondent pas à cette représentation imaginaire, il n'en reste pas moins que l'imaginaire fournit un modèle idéal auxquels ils s'efforcent de correspondre.

Plus largement, l'imaginaire produit des représentations idéalisées qui ne restent pas à l'état chimérique, abstrait, irréel, mais qui s'incarnent dans la tentative d'un individu pour les réaliser, s'y conformer. Conclusion : A première vue, ontologiquement, réel et imaginaire se contredisent.

Mais leurs rapports sont moins contradictoires que tendus. L'imaginaire, loin de mériter le traditionnel mépris qui lui est attaché, permet au contraire d'interpréter ce qui est, et d'exhorter à l'amélioration du réel.. »

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