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Le monde est-il notre invention?

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« Introduction Le monde (du latin « mundus ») caractérise l'ensemble de tout ce qui existe.

Aussi, il désigne l'ensemble des choses d'une même espèce, par exemple, le monde physique opposé au monde moral, ou encore le monde extérieur et le monde intérieur.

Mais il apparaît que le monde est toujours celui d'un sujet particulier, d'une conscience, monde qui est pour elle un horizon de sens.

On retrouve en ce sens le concept phénoménologique d' « être-au-monde ». C omment penser alors un monde qui s'écarte du monde toujours déjà là sous nos yeux ? Il semble que toute volonté de créer, d'inventer, se base sur une matière toujours préexistante, et qu'on ne peut, de surcroît, embrasser en totalité.

Ainsi le monde est toujours celui d'une conscience, et même si elle a le pouvoir d'en donner une infinité de conceptions, il reste toujours en avance sur toutes volontés, ou toutes compréhensions. I.

un monde ou des mondes ? a.

Le monde intelligible désigne l'ensemble des réalités intelligibles, ou Idées, que l'esprit peut saisir, par opposition au monde sensible qui désigne l'ensemble des choses qui sont connues par les sens.

C ette distinction, d'origine platonicienne (cf.

Phèdre) et surtout néoplatonicienne, a été souvent reprise et utilisée dans l'histoire de la philosophie, et notamment par Malebranche : « On connaît les choses corporelles par leurs idées, c'est-à-dire en Dieu, puisqu'il n'y a que Dieu qui renferme le monde intelligible, où se trouvent les Idées de toutes choses » (La Recherche de la vérité, III).

Il y a ainsi, telle sera la critique de Nietzsche, un « arrière monde » dans toute philosophie qui cherche du sens autre part que dans ce monde-ci.

C e monde intelligible est une chimère, le symptôme de ceux qui sont en quête d'un idéal, puisque l'aspect chaotique et multicolore du monde sensible les empêche de satisfaire leur besoin d'un sens unique. b.

Le monde est chez Leibniz un ensemble harmonieux, dont la beauté réside dans l'accord des parties.

Le monde est le meilleur des mondes possibles, parce qu'il satisfait à la double exigence d'unité et de diversité, c'est-à-dire du maximum d'ordre et du maximum de variété.

Cette double exigence est elle-même conforme, d'une part, au principe de continuité, selon lequel « la nature ne fait pas de sauts », qui assure au monde ordre et unité ; et, d'autre part, au principe des indiscernables, selon lequel il n'existe pas dans la nature deux êtres exactement semblables, ce qui lui assure sa variété.

Enfin, si Leibniz affirme que le monde est le meilleur des mondes possibles, ce n'est pas le résultat d'un optimisme naïf, comme Voltaire a c r u pouvoir lui en faire reproche (cf.

Candide), mais parce que cette thèse est la seule qui soit conforme au principe de raison suffisante, selon lequel il doit toujours être possible d'expliquer « pourquoi quelque chose existe plutôt que rien et pourquoi ainsi et non autrement ».

En effet, si tous les mondes possibles étaient également bons ou mauvais, il n'y aurait aucune raison pour que Dieu créât l'un plutôt que l'autre.

Toutefois, le meilleur des mondes possibles n'est pas un monde parfait.

Le mal existe mais Dieu n'en est pas responsable.

Le monde est pour chaque monade, chaque être, un point de vue (cf.

Discours de métaphysique, §1). c.

On peut considérer le monde comme notre invention dans la mesure où il n'est pas pleinement saisissable par les sens, ou par l'entendement.

A insi le monde est pour Kant une idée, l'une des trois Idées de la raison, avec celle de l'âme et celle de Dieu.

La raison, en tant qu'elle vise la totalité, remonte vers l'inconditionné, comme son principe.

Ce faisant, elle dépasse le champ de l'expérience possible et, en ce qui concerne par exemple l'idée de monde, tombe dans des contradictions ou antinomies.

En tant que tout ce qui existe dans l'espace et dans le temps, on peut aussi bien affirmer du monde qu'il a un commencement dans le temps et qu'il est limité dans l'espace, ou au contraire qu'il est infini aussi bien dans le temps que dans l'espace (cf.

Critique de la raison pure, « L'antinomie de la raison pure »). II.

Le sens phénoménologique de monde a.

Selon H.

Arendt, le monde est « lié aux productions humaines, aux objets fabriqués de main d'homme, ainsi qu'aux relations qui existent entre ses habitants ».

Seul l'être humain habite un monde, c'est-à-dire un séjour stable dont la permanence et la continuité se concrétisent dans les œuvres qui en sont l'expression la plus manifeste (cf.

Condition de l'homme moderne).

Heidegger présentera l' « être-au-monde » pour signifier le refus de séparer le monde intérieur et le monde extérieur, et pour souligner que le monde en général est d'abord cette structure de sens visée par l'homme comme horizon de son action, de ses projets avant d'être un objet de connaissance.

L'homme, pour la phénoménologie, n'est pas face au monde, mais il est dans le monde. b.

U n homme se décide ainsi lui-même son existence, cela à travers le choix des possibilités.

Heidegger montre que le Dasein (l'existant) est fondamentalement « être-au-monde », c'est-à-dire qu'il est familier, habitué au monde.

C ette familiarité se caractérise par le commerce qu'il entretient avec l'outil.

L'outil est toujours fonction, et permet de renvoyer à une constitution du monde.

Le monde se dessine ainsi à travers un système de renvoi des choses entre-elles, et donc à partir des possibilités du Dasein, qui peut à tout moment utiliser selon des fins propres des outils, et constituer du sens (cf. Être et Temps). c.

Dans la Phénoménologie de la perception, M.

Merleau-Ponty décrit la manière dont, avant toute objectivation scientifique, notre rapport au monde se constitue sur l'horizon infiniment ouvert de la perception.

La conscience est ainsi toujours engagée, parce qu'elle est toujours en contact avec le monde.

L'homme ne se tient pas face au monde, mais est une partie de la « chair du monde » (cf.

Le visible et l'invisible ), dans laquelle se fonde le sens et le devenir visible de toutes choses.

Le monde n'est jamais totalement visible pour une conscience, d'où les diverses « conceptions du monde », ainsi que l'originalité propre à ceux qui désirent le considérer autrement, comme par exemple les poètes. d.

Le monde peut s'avérer être proprement notre invention grâce à cette faculté qu'est l'imagination.

Baudelaire montrera alors que pour connaître le réel, il faut d'abord l'inventer.

A insi l'imagination « décompose toute la création, et, avec des matériaux amassés et disposés suivant des règles dont on ne peut trouver l'origine que dans le plus profond de l'âme, elle crée un monde nouveau, elle produit la sensation du neuf » (Curiosités esthétiques, Salon de 1859). L'imagination, reine des facultés, permet à tout sujet d'élaborer son monde à partir de matériaux déjà existants.

Elle est « la reine du vrai, et le possible est une des provinces du vrai.

Elle est positivement apparentée avec l'infini » (ibid.). Conclusion D e l'invention pathologique d'un monde au-delà du monde sensible, au monde d'ici-bas dévoilé par les yeux de l'imagination, en passant par le monde comme lieu de toute constitution de sens, on peut appuyer que toute tentative d'explication du monde se structure avant tout sur le monde lui-même, en tant qu'ouverture fondamentale au sens.

Ainsi chacun a la liberté, au regard de cette ouverture de l'être sur le sujet, de constituer du sens, de rendre malléables la compréhension de ses représentations.

Si comme l'affirme Schopenhauer, « le monde est ma représentation », on peut ajouter qu'il est aussi « notre invention », puisque l'homme est cet être capable d'attribuer indéfiniment du sens à ses représentations.. »

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