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Le développement de la technique obéit-il à une fatalité ?

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« Avertissement Ambiguïté du terme «fatalité»: l'interpréter par référence à un Destin conçu à l'ancienne comme dirigeant l'existence en secret ne mène à rien.

Il est donc préférable d'en préciser la signification: on y entend une nécessité interne à la technique elle-même, qui obligerait les sociétés à en poursuivre le développement même si elles ne le «veulent» pas vraiment. 1.

Inégalité du développement technique — Notre société est imprégnée de technique à un point tel qu'on peut avoir tendance à oublier que le développement technique n'a rien d'universel: • opposition sociétés «primitives» — sociétés industrialisées; • dans certaines sociétés «primitives», un certain seuil technique est atteint, mais n'est pas prolongé (cf.

les travaux de Leroi-Gourhan): le développement technique n'a donc rien de fatal. — La question n'a ainsi un sens précis qu'à l'intérieur d'une société industrialisée.

On l'explicite de la façon suivante: le développement de la technique obéit-il en Occident à un déterminisme strictement interne, tel qu'une fois mis en route, il se déploie automatiquement, ou dépend-il de facteurs autres ? II.

Réussite matérielle et idéologie du progrès — Tout objet technique, même élémentaire, ne se maintient (n'est conservé) que s'il prouve son utilité et son efficacité. — Une société cherche à augmenter cette efficacité (et donc à perfectionner sa technique) à partir du moment où elle se conçoit comme intégrée dans un processus historique.

Ce qui suppose: • l'abandon des mythes fondateurs dont l'effet est de figer le social dans un état répétitif; • la conception d'une histoire potentiellement cumulative — telle qu'elle se met en place dans la philosophie grecque (Aristote) et se confirme dans la pensée chrétienne. — A quoi va s'ajouter la notion d'un progrès possible et souhaitable, dans une histoire orientée (à partir notamment du «moment» de la création divine), qui encourage à chercher une efficacité technique de plus en plus prononcée. — Il apparaît ainsi que la technique ne prend son véritable essor qu'en fonction de facteurs idéologiques.

Mais une fois ce départ effectué, des rapports dialectiques se mettent en place entre le niveau matériel (performances et résultats déjà obtenus) et le niveau idéologique: le premier renforce la croyance au progrès qui à son tour suscite de nouvelles recherches... — Historiquement, la liaison qui s'établit entre science et technique légitime rationnellement le progrès technique, à la fois comme illustration de l'avancée des connaissances scientifiques, et comme mise en service de moyens nouveaux pour la recherche scientifique ultérieure.

La formule cartésienne « se rendre maître et possesseur de la nature » implique la constitution d'un ensemble technoscientifique qui a désormais une finalité ayant valeur programmatique. III.

Technique et réification — Dans le monde contemporain (depuis en fait le XIXe siècle), la technique est remarquable, non seulement pour son efficacité, mais aussi pour sa rentabilité économique.

Plus globalement, c'est tout le techno-scientifique qui devient l'espace d'enjeux (et de luttes) économiques. — Dès lors, le développement de la technique est soumis aux lois du développement économique: • si l'on admet la thèse marxiste de la réification, qui affirme qu'à partir d'un certain seuil de développement, le système de production économique échappe à la volonté de ses initiateurs et acquiert une sorte d'autonomie, le développement de la technique est à considérer du même point de vue (fétichisme de la marchandise): il est, en ce sens, «fatal», c'est-à-dire peu contrôlable. FÉTICHISME DE LA MARCHANDISE CHEZ MARX Dans les sociétés primitives, le fétiche est un objet sacré qui concentre tous les pouvoirs et confère à celui qui le possède la toute-puissance.

Pareillement, dans le capitalisme, la marchandise prend une individualité et une autonomisation si forte qu'elle nous fait oublier ses origines à savoir qu'elle est le produit d'une aliénation.

De même, l'argent est l'élément central du système capitaliste qui fait de la production et de l'échange des marchandises non plus seulement des moyens mais des fins en soi.

A u lieu d'être le médiateur entre deux marchandises, l'argent devient le moteur qui tend à tout transformer en capital (ou valeur d'échange).

Le fétiche de tous les fétiches est en définitive l'argent lui-même. (ex.

des techniques militaires: qui ne les juge pas déplorables? leur développement n'en continue pas moins) • si au contraire on pense que l'économique (tout comme le politique ou la technique) reste contrôlable par la volonté humaine, on semble pouvoir admettre que le ralentissement, sinon l'arrêt, du développement de la technique, serait concevable (par exemple par suite de préoccupations écologiques).

Reste cependant une objection — d'ordre plus idéologique: il existe aussi une consommation massive de la technique, et il n'est pas évident qu'elle puisse être abaissée dans la mesure où les besoins qu'elle suscite, bien qu'initialement artificiels, s'intègrent rapidement à la panoplie des besoins qui paraissent absolument nécessaires. Conclusion Que l'on adopte un point de vue marxiste ou libéral, le résultat est à peu près le même: la technique moderne n'est guère contrôlable dans son développement.

D'autant moins qu'elle dépend de découvertes scientifiques dont les retombées peuvent être aussi bien négatives que positives.

Si par hypothèse on décidait de n'encourager que le développement des recherches et des techniques favorables au bonheur humain, on voit mal comment il serait possible de garantir l'inexistence définitive d'effets négatifs.

Version «moderne» du vieux mythe de l'apprenti sorcier. • La technique, parce qu'elle fait passer la science aux actes, pose le problème de la finalité — voire de la moralité de la science : l'arme nucléaire, par exemple, est-elle seulement la perversion d'un pur et innocent désir de connaître ? ou bien, la science est-elle responsable, dès son principe, des terrifiantes applications qu'on en peut faire ? • Les dangers que font aujourd'hui courir à l'humanité les progrès techniques (cf.

également les manipulations génétiques) mettent-ils en cause l'usage qu'on fait de la science ou la science elle-même ? « L'esprit humain, déclarait Auguste Comte, doit procéder aux recherches théoriques en faisant complètement abstraction de toute considération pratique » (Comte, C ours de philosophie positive, 1830/1842).

Mais est-il possible, et si oui, est-il légitime de procéder de la sorte ? Quelle que soit votre réponse, la question est incontournable dans tout devoir tournant autour de la valeur de la science.. »

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