Le désenchantement du monde ?
Extrait du document
«
« La nature n'est pas une déesse ».
À cette phrase de Descartes, le XVIIe siècle dans son ensemble fait écho.
Que
signifie-t-elle ?
D'abord le refus de la conception anthropomorphiste de la nature, qui était largement développée à la Renaissance :
la nature n'est pas une personne (« Dame Nature ») dont il s'agirait de deviner les intentions.
Les faits naturels sont
des phénomènes objectifs, sans conscience.
Cela implique du même coup le rejet d'une explication finaliste de
l'univers : puisque la nature n'est pas une personne, elle ne poursuit aucun but.
Les phénomènes naturels se
produisent en vertu d'autres phénomènes qui en sont les causes, et non en vue d'une fin.
Autre refus, lié au premier : celui d'une conception « magique » de la nature.
Pour un « savant » du xve ou du xvie
siècle, tout dans l'univers était possible, admissible, y compris les transformations les plus extravagantes, les
phénomènes prodigieux.
Le XVIIe siècle impose au contraire l'idée, propre à la conscience scientifique moderne, d'un
déterminisme naturel.
Il existe des lois dans la nature qui rendent prévisibles certains phénomènes, et impossibles —
ou du moins incroyables — certains autres.
Galilée disait déjà : "La nature est écrite en langage mathématique."
Galilée est un savant du XVI ième siècle, connu comme le véritable fondateur de la physique moderne, et l'homme auquel l'Inquisition intenta un
procès pour avoir soutenu que la Terre tournait sur elle-même et autour du soleil.
Dans un ouvrage polémique, « L'essayeur », écrit en 1623, on lit cette phrase :
« La philosophie [ici synonyme de science] est écrite dans ce très vaste livre qui
constamment se tient ouvert devant nos yeux –je veux dire l'univers- mais on ne peut le
comprendre si d'abord on n'apprend pas à comprendre la langue et à connaître les
caractères dans lesquels il est écrit.
Or il est écrit en langage mathématique et ses
caractères sont les triangles, les cercles, et autres figures géométriques, sans lesquels il
est absolument impossible d'en comprendre un mot, sans lesquels on erre vraiment dans
un labyrinthe obscur .
»
Dans notre citation, la nature est comparée à un livre, que la science a pour but de déchiffrer.
Mais l'alphabet qui
permettrait de lire cet ouvrage, d'arracher à l'univers ses secrets, ce sont les mathématiques.
Faire de la physique,
saisir les lois de la nature, c'est d'abord calculer, faire des mathématiques.
Galilée est le premier à pratiquer la
physique telle que nous la connaissons: celle où les lois de la nature sont écrites sous forme d'équations
mathématiques, et où les paramètres se mesurent.
Pour un homme du vingtième siècle cette imbrication de la physique et des mathématiques va de soi, comme il
semble évident que nous devons mesurer et calculer les phénomènes observés.
Pourtant, c'est une véritable
révolution qui se manifeste dans ces lignes : elles signent la fin d'une tradition d'au moins vingt et un siècle.
La
tradition inaugurée par Aristote, et que Saint Thomas a christianisé au treizième siècle.
Pour comprendre la
portée de cette révolution qui manifeste et renforce une véritable crise de civilisation, il faut d'abord exposer la
vision du monde et des sciences qui prédominait jusqu'à Galilée.
Koyré a magnifiquement résumé le changement du monde qui s'opère entre le XVI ième et le XVII ième : on passe du « monde clos à l'univers
infini ».
Pour les anciens, le monde était fini, comparable à une sphère, dont le centre était la Terre, immobile au centre du
monde, et la circonférence les étoiles fixes.
L'espace est non seulement fini, clos, achevé, mais parfaitement
ordonné.
De plus, les anciens séparaient ce monde en deux zones : le supralunaire (au-dessus de la Lune), et le sublunaire
(au-dessous de la Lune).
Ils croyaient que le monde supralunaire était parfait, immuable, car on observe à l'oeil nu
que le cours des astres est régulier, et toujours identique, et l'un ne peut voir aucun accident, aucun changement à
la surface des étoiles.
Par contre, sur Terre, tout change, tout se modifie constamment : les choses apparaissent,
se transforment et meurent.
Tout est dans un perpétuel changement.
Notre monde était considéré comme celui de
la génération et de la corruption, par opposition à celui des astres.
C'est ainsi qu'on en arrivait à penser une hiérarchie et une imitation d'un monde à un autre.
Notre monde imparfait
et changeant tentait d'imiter le caractère incorruptible et parfait du monde des étoiles.
Par exemple, si l'individu doit
mourir, en se reproduisant il perpétue l'espèce.
L'individu meurt mais l'espèce est immortelle.
Se reproduire revient à
tenter d'imiter, autant qu'il se possible, l'immortalité du monde supralunaire.
On a donc un monde orienté de façon absolue.
Non seulement la Terre est le centre du monde, mais chaque chose
a sa place naturelle, chaque élément son lieu naturel.
Ainsi la pierre est attirée par la terre, et y retombera toujours
si on la lance, ainsi le feu « monte » vers son lieu naturel, l'éther.
Cette vision du mode est celle d'un cosmos, clos,
achevé, hiérarchisé.
Chaque chose, dont l'homme, y a sa place et sa fonction.
Enfin, cette vision, qui est celle que les contemporains de Galilée reçoivent d'Aristote, interdit que l'on fasse de la
physique mathématique.
La physique s'occupe des corps concrets & naturels.
La mathématique s'occupe d'objets
abstraits.
On ne trouve pas sur Terre d'objets parfaitement sphériques comme ceux qu'étudient les mathématiques,
on ne trouve pas dans la nature où tout est en trois dimensions de cercle censé se situer dans un espace à deux
dimensions, puisque le cercle mathématique n'a pas d'épaisseur..
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