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Le civisme est il une valeur dépassée ?

Extrait du document

« Introduction C'est à une notion ambiguë qu'à affaire la philosophie lorsqu'elle aborde le civisme.

Pourtant rien ne semble plus adéquat à l'homme que cette dernière au regard de l'adage aristotélicien qui voyait en ce dernier un « animal politique ».

Le civisme serait alors la manifestation concrète d'une nature humaine profondément citoyenne (« politique » vient du grec « polís » signifiant cité).

L'humain reconnaît, en ce sens, sa responsabilité (morale, politique, sociale) envers l'espace public (et son autorité) dans lequel il intervient.

Le sujet ici présent contient en outre un présupposé que le philosophe ne manquera pas d'interroger avec grand intérêt : le civisme serait une valeur...

dépassée.

C'est certes en termes philosophiques, politiques et moraux que se pose la question de la citoyenneté exemplaire (Platon parlait de « l'homme beau et bon »,« kaloskagathos », et fait l' Apologie de Socrate). Parler d'exemple de civisme, c'est-à-dire d'une volonté individuelle exemplaire de servir les lois, les règles, les normes qui régissent son espace socio-politique, c'est en même temps, implicitement mais fatalement reconnaître son contraire (en le supposant, même !) : l'action incivique (mauvaise volonté ou absence de volonté civique), voire anticivique (volonté de nuire au modèle dominant de citoyenneté). Un regard sur notre actualité intensifie encore un peu plus notre doute.

En effet, elle présente un paradoxe redoutable.

D'une part nul ne peut contester cette empreinte politique que pose l'humain dans l'histoire et qui s'accentue à mesure des actuels « chantiers » géopolitiques (Europe, mondialisation).

Malgré cela une chose frappe l'esprit par la contradiction qu'elle apporte : l'individualisme ambiant, sorte d'affirmation du caractère inaliénable et absolument libre de l'individu, est cela même qui contredit l'idée même du civisme.

En effet, comment peut-on concilier cette idée – moderne – d'une liberté individuelle inaliénable avec ce sens du devoir citoyen (héritage de la pensée grecque antique) ? Remarquons, en outre, que cette volonté de (ré)éducation civique qui battait déjà son plein en France dans les années 80, réapparaît aujourd'hui comme pour signifier une mise en danger d'une valeur morale et politique traditionnelle. En d'autres termes, le civisme est-il une valeur ? Si oui celle-ci est-elle devenue obsolète ? Un premier moment sera l'occasion de s'interroger sur les origines et la nature même du civisme. Nous en viendrons enfin à déterminer la nature et les raisons d'une actuelle crise « citoyenne ». I.

Un fondement incertain Il est d'emblée remarquable de constater que le terme lui-même, « civisme », est très récent.

L'Académie française l'admet pour la première fois dans le supplément du Dictionnaire de 1798, mais il apparaît déjà dans l'Année littéraire de 1770 (toute emprunte du Contrat social de Rousseau) et Marat l'utilise dans ses pamphlets dès 1790.

Le terme « civisme » provient du latin civis signifiant « citoyen », habitant de la cité. En dehors de ces aspects étymologiques, Montesquieu aborde une pensée qui viendra déterminer le sentiment qui fonde la valeur civique (bien que Montesquieu ne la nomme jamais !) : « Cet amour [des lois], demandant une préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulières...

» (De l'esprit des lois, IV,5).

Avoir le sens civique c'est donc privilégier, selon cette acception, l'intérêt public au dépend du particulier.

La chose publique (du latin res publica qui a donné le terme « république ») est donc le moteur et l'objet d'un sentiment (« amour » des lois !) civique.

Le sens de la notion de civisme a évolué dans le temps jusqu'à trouver ses lettres de noblesse dans le cadre de l'Etat républicain et démocratique.

Comme valeur, la notion porte en elle une ambiguïté remarquable.

Si elle est définie, en première instance, comme devoir, vertu.

Mais selon un autre point de vue, le civisme apparaît alors non plus comme une valeur, mais comme une démarche positive : elle serait la manifestation d'un modèle d'ordre historique et social.

Le civisme serait alors en ce sens une médiation entre une désintégration sociale (dénoncée comme incivisme et anti-civisme) et une forme de coalescence.

Cette ambiguïté est illustrée ainsi par Siegfried : « Ce civisme [...], ce dévouement à la chose publique, en vertu desquels, tout en revendiquant son quant-à-soi, on estime devoir s'encadrer dans la communauté et collaborer à la vie sociale » (André Siegfried, L'Âme des peuples). Le paradoxe provient du fait que le citoyen, en même temps qu'il affirme une autonomie et une indépendance vis-àvis de la République (le gérondif de Siegfried donne un sens libéral et protestant au civisme), reconnaît en même temps son statut de serviteur à son égard. La préservation du « quant-à-soi » est en effet à la fois ce qui rend possible ce consentement individuel au respect de la chose publique et également ce qui porte en soi les germes d'une contestation de cette valeur.

En outre le civisme est l'affirmation d'un ordre émanent du groupe politique et non plus de Dieu.

L'Église catholique aura alors toutes les peines du monde à accepter cette promulgation qui dérange évidemment ses valeurs dogmatiques.

La valeur du civisme se mesure alors à son caractère de réforme de l'ordre divin au profit d'un ordre politique et d'une reconnaissance (inadmissible pour l'Église) du caractère autonome des consciences.

Toutefois cette dernière refuse l'incivisme et parvient finalement à une sorte de compromission avec les exigences civiques.

De sorte que les catholiques se retrouvent tiraillés entre le devoir de respecter les règles qui découlent du civisme et le refus de ses fondements. Le civisme reçoit donc un traitement – historique, philosophique, politique – ambigu.

Cette valeur va même recevoir toute sa portée polémique lorsque Kant, de manière illustre, va la déterminer moralement.

Le fondement du civisme. »

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