Le bonheur est-il un problème public ?
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«
Discussion :
Les mots s'entrechoquent à première lecture : que le mot bonheur soit associé au mot problème paraît assez
déconcertant.
Comment le bonheur peut-il entrer dans une catégorie aussi restrictive que celle des problèmes
publics que gère un état par exemple.
L'état devrait donc prendre en charge le bonheur de ses citoyens de la même
manière qu'il doit songer à améliorer l'éclairage des rues ou organiser le calendrier du travail.
Proposition de plan :
Première partie : Le bonheur collectif
Si le reproche que l'on a longtemps fait aux sociétés communistes était de vouloir décider d'un bonheur collectif, qui
serait le même pour tous, alors comment le bonheur peut-il être un problème public dans une société démocratique ?
On voit que les différents régimes politiques ne parviennent à approcher la question du bonheur des citoyens qu'en légiférant c'est-à-dire en
permettant de résoudre les disparités les plus criantes en concédant certains avantages matériels ou économiques.
Le problème se trouve donc
toujours quelque peu déplacé : "Le mythe du bonheur est celui qui recueille et incarne dans les sociétés modernes le mythe de l'Égalité." J.
Baudrillard, La société de consommation.
En outre la question du bonheur collectif, même si elle se heurte aux limites que l'on vient de mentionner ne peut
manquer d'être sérieusement prise en considération :
"Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères." La Bruyère, Les Caractères.
On comprend d'abord que la jouissance
individuelle est difficilement permise quand domine la souffrance alentour.
Pourtant la conquête des sociétés modernes semble être la place prépondérante qu'elles attribuent à l'individualité,
ainsi chacun doit être capable de trouver son bonheur tout seul.
Et puisque l'individualité semble être une valeur
bénéfique pour tous alors à quoi bon s'occuper du bonheur d'une population entière ? Si le bonheur devenait un
problème public, alors, en un sens la société concernée ne serait plus individualiste, puisqu'elle sous-entendrait
qu'elle a pour rôle de rendre les gens heureux.
Pourtant il est bien déterminé dans son champ d'action qu'elle tient à se soustraire totalement à cette fonction.
Deuxième partie : L'individualisme
Ainsi la société enfante des hommes, mais elle est n'est pas contrairement à une mère, préoccupée par leur avenir.
Chacun doit s'occuper de son propre bonheur, tout en restant bien dans les limites qui lui sont instaurées.
« Tout homme est capable de faire du bien à un homme; mais c'est ressembler aux dieux que de contribuer au
bonheur d'une société entière.
» Lettres persanes, Montesquieu.
La société n'a pas cette puissance de la divinité et
elle ne peut mettre en oeuvre que des outils imparfaits ou utiliser des méthodes relativement inefficaces.
Jean Onimus, Bonheurs, bonheur : « Or notre civilisation individualiste, en fondant le bonheur collectif sur l'égoïsme des individus, et la richesse
générale sur la concurrence des intérêts particuliers, n'a guère favorisé cette ouverture.
Chacun vit séparé, méfiant, conscient de ses droits, cloîtré
dans son privé, et considère le voisin comme un étranger, peut-être un concurrent, voire un adversaire.
» Ainsi le bonheur pourrait être un
problème public si le malheur des uns pouvait affecter le bonheur des autres.
Seulement il semble que dans les
sociétés modernes cette relation n'existe pas, bien au contraire, puisque l'on a pour habitude de dire « ce qui fait le
malheur des uns, fait le bonheur des autres ».
Ce proverbe illustre bien quel rapport nous entretenons entre
individus d'une même société.
Loin d'être de la solidarité, il s'avère être une compétition dans la recherche du
bonheur.
Ainsi lorsque quelqu'un est malheureux c'est en quelque sorte un concurrent de moins dans cette quête, et
un peu plus de joie pour soi-même.
En aucun cas, si je convoite la place de mon voisin, je ne peux souhaiter sa
réussite.
Ainsi lorsque Bakounine disait « ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tous s'étend à
l'infini » ne semble pas pouvoir s'appliquer au bonheur.
Si dans le principe de la liberté, il est nécessaire qu'il n'y ait
pas un homme en esclavage pour que les autres soient libres, il est au contraire nécessaire que beaucoup soient
malheureux pour que peu soient heureux.
Le bonheur des uns passe donc avant tout par le sacrifice des autres..
»
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