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Le bonheur est-il nécessairement un rêve ?

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« Dans les termes de la philosophie socratique qui prend pour objet l'homme et en fait le centre de sa réflexion, le bonheur apparaît comme la finalité de l'existence humaine.

Bien qu'il ne faille pas chez Socrate (Platon) préjuger d'une dualité radicale entre l'âme et le corps, l'âme est assurée d'une certaine supériorité.

L'âme est l'essence de l'homme en tant qu'elle est au principe de sa rationalité (l'homme comme animal raisonnable – Aristote).

Cette essence manifeste son excellence dans la pratique de la vertu.

La vertu est l'excellence de l'âme.

Et cette excellence est ce qui seul permet à l'homme d'espérer atteindre le bonheur. Ainsi, se demander si le bonheur est nécessairement un rêve revient à s'interroger sur la possibilité de réaliser l'essence de l'homme dans son existence, c'est-à-dire si ce qui en l'homme est le lieu suprême de sa valeur (l'âme) peut s'exercer dans la pratique de la vertu afin de rendre effective la fin visée (le bonheur). L'enjeu s'articule alors autour de l'acception du terme de “ rêve ” : s'agit-il de le comprendre en tant que fiction illusoire ou bien plutôt comme un idéal ? En éclairant la définition de la notion de nécessité (“ nécessairement un rêve ”), répondre à ce problème doit permettre de déterminer l'accessibilité et la possibilité de réalisation du bonheur. I.

Le bonheur comme fiction : anthropologie pessimiste Dans son livre La Cité de Dieu, Augustin pense le souverain bien (le bonheur) représenté par la cité céleste de manière fondamentalement négative : le bien est la privation des souffrances endurées par l'homme dans le parcours de sa vie terrestre.

Le malheur humain, opposé au bonheur comme la réalité à la fiction, est ce qui même doit exhorter l'homme de bien à rechercher un bonheur qui soit absolu. Relativement aux moindres bonheurs humains terrestres et éphémères, le bonheur véritable dont l'homme jouira dans la cité céleste sera véritable et plein.

Le bonheur de la Cité de Dieu réalisera l'essence de l'homme dans sa perfection.

Mais jamais ce bonheur ne saurait être actuel. De ce bonheur qui ne peut que rester fiction et projet dans un horizon lointain, seule la foi peut assurer de l'existence, et par-là même de l'obtention.

Penser le bonheur comme étant nécessairement un rêve exige en conséquence une profonde et intime espérance – à moins d'être irréductiblement et résolument pessimiste (Schopenhauer).

Et le bonheur dans son acception de fiction ne peut alors que devenir un idéal. II.

Le bonheur comme idéal régulateur non constitutif Ainsi le bonheur comme fiction trouve sens dans la possibilité, ou plutôt la nécessité d'espérer – car que serait un bonheur fictif miné par la conscience de son impossible réalisation si ce n'est le malheur même.

La relation de l'espoir à son but est ce qui doit être envisagé afin de réfléchir à l'effectivité possible du bonheur. Le bonheur comme fin de l'homme dont la réalisation reste problématique se clarifie à l'aide de la notion kantienne d'idée.

Faire du bonheur une idée au sens de Kant (Critique de la raison pure) assure la transition entre la dimension fictive du bonheur, nécessairement suppléée par l'espérance, et le bonheur comme idéal. Le bonheur peut alors être pensé comme idéal régulateur, c'est-à-dire qui oriente et guide ma vie pratique, mais non-constitutif, ou encore présentement non-effectif, inactuel.

Le bonheur est alors nécessairement un rêve en ce qu'il dirige et focalise l'être de l'homme dans le monde, de l'homme pratiquant la vertu, mais reste toujours encore au-delà du présent : y tendre est jamais ne pouvoir être assuré de sa présence. III.

Le bonheur comme rêve nécessaire Mais ce bonheur régulateur visé comme une fin dont l'inatteignable dimension n'entame pas la dignité, ce bonheur poursuivi et qui toujours échappe, ne consiste-t-il pas justement en son impossible réalisation ? Autrement dit, n'est-il pas la réalisation de l'essence de l'homme dans sa tension permanente et inassouvissable ? Dire du bonheur qu'il est nécessairement un rêve peut dès lors signifier qu'il est un rêve nécessaire à son effectuation pratique.

En effet, c'est parce que le bonheur est un rêve, un rêve nécessairement inaccessible (comme tout rêve au sens d'idéal régulateur), qu'il peut se dénoncer comme illusion.

Le bonheur comme idéal devient effectif par la conscience de son idéalité même : il doit être poursuivit comme idéal régulateur pour se réaliser.

Alors s'abolit son caractère transcendantal d'au-delà de la vie finie de l'homme – au-delà qui est contre la vie et en sépare.

Le bonheur devient immanent.

Dans la quête du bonheur comme absolu inatteignable se réalisait toujours déjà son existence, et l'homme lui-même devenait son essence en augmentant sa perfection (Spinoza). Devenu, de nécessairement rêve qu'il était, rêve nécessaire à la réalisation de l'homme, le bonheur n'est même plus rêve puisqu'il est toujours déjà.

Et sa temporalité projetée dans un au-delà éternel par Augustin est maintenant “ strictement contemporaine, coexistante à l'existence dans la durée ” (Deleuze), c'est-à-dire bonheur présent. Conclusion - - - Poser la question de l'onirisme du bonheur consiste à en déterminer l'effectivité.

Déterminer l'effectivité du bonheur est interroger sa temporalité en tant que réalisation de ce qui n'est pas (encore).

La question suppose que le bonheur ne soit pas (présent). Concevoir le bonheur comme étant nécessairement un rêve engage, pour ne pas sombrer dans le pessimisme, à se reposer sur l'espoir.

Fonder en l'espoir, le bonheur comme rêve-fiction devient ainsi rêve-idéal. Le bonheur nécessairement rêve est alors rêve nécessaire.

Or l'idéal comme régulateur consiste ici en l'inachèvement. Mais l'inachèvement n'est pas le bonheur.

Et s'il reste promesse d'un au-delà, l'idéal n'est que fiction élaborée, illusion transcendantale : le bonheur comme idéal régulateur non-constitutif est dénoncé comme ce qui. »

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