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L'artiste travaille-t-il quand il crée ?

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Un artiste est un individu qui pratique cette activité singulière qu’est l’art. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art » désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de J ean-Jacques Rousseau. Aujourd’hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des œuvres un état de la sensibilité et de la pensée d’une époque, en s’opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement. Ni labeur, ni distraction, l’œuvre d’art incarne et suggère un sentiment de la vie.
Le verbe « travailler » désigne toute activité exercée en vue d’obtenir un résultat utile, c'est-à-dire servant valablement de moyen à la réalisation d’une fin. Plus spécifiquement, « travailler » désigne l’ensemble des activités accomplies par l’homme pour produire des biens et des services en contrepartie desquels il est rémunéré.
 
Le concept de création peut s’entendre notamment de deux manières différentes. Il y a d’une part la création entendue comme production : elle est l’œuvre d’un agent doué d’une volonté, qui fait advenir quelque chose à l’être en vue d’une fin donnée, et sans l’intervention duquel cette chose serait demeurée dans le néant. Un des problèmes posé par cette définition est le statut de l’existence : l’agent producteur fait-il advenir l’objet créé à partir du rien ? Telle est la thèse inventée et défendue par Saint Augustin, pour qui Dieu a créé l’univers ex nihilo, par la seule force de sa volonté. Mais la création comme production peut s’entendre également comme une opération de mise en forme : le créateur est celui qui agence une matière qu’il n’a en revanche pas créée. Platon dans le Timée expose cette idée en évoquant une création du monde sur le modèle de l’artisanat : le créateur est celui qui modèle la chora, donné brut qu’il change en matière organisée. Le second concept de création est celui d’événement. La création ne désigne que le passage d’un état à un autre, du rien au quelque chose, sans que l’on puisse imputer cette translation à un quelconque agent. Le problème que pose ce concept n’est pas celui de l’existence, mais celui du temps : à quel moment se produit ce passage du rien au quelque chose ? Le monde a-t-il été créé à un moment donné, identifiable ? Ou s’agit-il d’une opération atemporelle qu’il n’est pas besoin de dater, de justifier ?
 
Lorsque nous posons la question « l’artiste travaille-t-il quand il crée ? » nous nous interrogeons d’une part sur la nature de l’activité exercée par l’artiste, et d’autre part sur l’identité particulière de ce dernier. En effet, chercher à savoir si l’artiste travaille quand il crée revient à déterminer si l’activité de l’artiste est assimilable à un travail et si ce dernier n’est lui-même, contrairement à toutes les mythologies qui agrandissent sa figure, qu’un travailleur parmi les autres.
La question au centre de notre travail sera donc de savoir si l’activité de l’artiste fait de lui un travailleur parmi les autres.
 


« Un artiste est un individu qui pratique cette activité singulière qu'est l'art.

Jusqu'au dix-huitième siècle, le terme « art » désignait l'ensemble des techniques de production d'artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau.

Aujourd'hui, par art nous entendons plutôt une activité créatrice gratuite, mais sérieuse, qui représente dans des œuvres un état de la sensibilité et de la pensée d'une époque, en s'opposant à la fois à la disgrâce qui frappe les activités techniques utilitaires, jugées serviles, et à la futilité des activités ludiques vouées au divertissement.

Ni labeur, ni distraction, l'œuvre d'art incarne et suggère un sentiment de la vie. Le verbe « travailler » désigne toute activité exercée en vue d'obtenir un résultat utile, c'est-à-dire servant valablement de moyen à la réalisation d'une fin.

Plus spécifiquement, « travailler » désigne l'ensemble des activités accomplies par l'homme pour produire des biens et des services en contrepartie desquels il est rémunéré. Le concept de création peut s'entendre notamment de deux manières différentes.

Il y a d'une part la création entendue comme production : elle est l'œuvre d'un agent doué d'une volonté, qui fait advenir quelque chose à l'être en vue d'une fin donnée, et sans l'intervention duquel cette chose serait demeurée dans le néant.

Un des problèmes posé par cette définition est le statut de l'existence : l'agent producteur fait-il advenir l'objet créé à partir du rien ? Telle est la thèse inventée et défendue par Saint Augustin, pour qui Dieu a créé l'univers ex nihilo, par la seule force de sa volonté.

Mais la création comme production peut s'entendre également comme une opération de mise en forme : le créateur est celui qui agence une matière qu'il n'a en revanche pas créée.

Platon dans le Timée expose cette idée en évoquant une création du monde sur le modèle de l'artisanat : le créateur est celui qui modèle la chora, donné brut qu'il change en matière organisée.

Le second concept de création est celui d'événement.

La création ne désigne que le passage d'un état à un autre, du rien au quelque chose, sans que l'on puisse imputer cette translation à un quelconque agent.

Le problème que pose ce concept n'est pas celui de l'existence, mais celui du temps : à quel moment se produit ce passage du rien au quelque chose ? Le monde a-t-il été créé à un moment donné, identifiable ? Ou s'agit-il d'une opération atemporelle qu'il n'est pas besoin de dater, de justifier ? Lorsque nous posons la question « l'artiste travaille-t-il quand il crée ? » nous nous interrogeons d'une part sur la nature de l'activité exercée par l'artiste, et d'autre part sur l'identité particulière de ce dernier.

En effet, chercher à savoir si l'artiste travaille quand il crée revient à déterminer si l'activité de l'artiste est assimilable à un travail et si ce dernier n'est lui-même, contrairement à toutes les mythologies qui agrandissent sa figure, qu'un travailleur parmi les autres. La question au centre de notre travail sera donc de savoir si l'activité de l'artiste fait de lui un travailleur parmi les autres. I. En quoi la création artistique est-elle assimilable à un travail ? a. Les critères de l'identification de la création artistique et du travail Nous commencerons par dire qu'a priori, il est possible d'affirmer que lorsque l'artiste crée, il travaille effectivement. En effet, il faut bien voir que durant des siècles, l'artiste était considéré comme un artisan, c'est-à-dire comme le confrère d'un être dont il n'est pas douteux qu'il travaille.

C'est ainsi que jusqu'au dix-huitième siècle, le terme « art » désignait l'ensemble des techniques de production d'artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau.

Ainsi, l'activité de l'artiste et celle de l'artisan étaient recouvertes par le même terme.

Il semble donc que l'activité de l'artiste peut s'identifier dans un premier temps à celle de l'artisan, car il s'agit de l'application d'une technique, d'une part, mais aussi de la mise en forme d'une matière.

En effet, qu'il soit sculpteur, musicien, ou écrivain, l'artiste imprime une forme au marbre, aux sons, aux mots, et ce, au même titre que l'artisan à la terre cuite, par exemple.

Nous pouvons donc avancer que dans la mesure où il existe de nombreux critères d'identification entre l'artiste et l'artisan, l'artiste se livre au travail lorsqu'il s'adonne à son activité propre, qui est la création.

Il est même possible d'établir le syllogisme suivant : L'artiste est un artisan Or l'artisan travaille Donc l'artiste travaille.. »

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