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L'art nous éloigne-t-il du réel ?

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« VOCABULAIRE: ART: 1) Au sens ancien, tout savoir-faire humain, toute pratique produisant un résultat non naturel (artificiel).

2) Au sens esthétique moderne, production ou création d'oeuvres destinées à plaire (beaux-arts), c'est-à-dire à susciter par leur aspect, une appréciation esthétique positive. Réalité / Réel : Réalité: * Caractère de ce qui a une existence concrète, par opposition aux apparences, aux illusions ou aux fictions de notre imagination. * Ensemble des choses et des faits réels. Réel: * Comme adjectif : qui existe effectivement, et pas seulement à titre d'idée, de représentation ou de mot (exemple : un pouvoir réel). * Comme nom : l'ensemble des choses qui existent, le monde extérieur (synonyme : réalité). Il convient ici de réfléchir sur le sens du mot « réel ».

Il y a le réel perçu par les sens (ce qui est empiriquement), le réel informé par la science ou par l'esprit de l'homme, le réel en soi ou l'être. Partant de là, on montrera que l'art nous éloigne du réel perçu par les sens (l'art est création et non imitation de ce qui est empiriquement).

L'art vise donc à dépasser ce qui est, à organiser des formes nouvelles.

Il est donc création d'un monde de formes, d'un monde à part irréductible à celui que nous percevons. C'est en s'éloignant le plus du réel empirique que l'art nous rapproche de ce qui est vraiment.

L'essentiel n'est-il pas, en effet, invisible ? L'art nous dévoile ce qui est véritablement, dans son essence. Introduction Dans leurs contrastes, les deux tableaux les plus célèbres du monde, la Joconde et Guernica, témoignent de l'opposition de deux esthétiques : au sourire énigmatique du premier, expression souveraine de l'intelligence, s'oppose la beauté « convulsive » du second qui casse définitivement les reins à l'idéalisation, et fait place à tous les mythes mortifères de la modernité.

Il nous apparaît aujourd'hui qu'une beauté qui n'aurait pas « quelque chose de sauvage, de brut, de frappant et d'énorme » (Diderot) trahirait la réalité du réel, la douleur et la mort et ferait de l'art une dérisoire évasion.

« Le beau est le commencement du terrible » (Rilke).

Mais cette « Terribilità » comme disait Vasari parlant des sculptures de Michel-Ange, n'est-elle pas ce que l'art a justement cherché d'abord à domestiquer dans sa quête de la beauté ? I - Le beau est la vérité du sublime a) C'est sa victoire sur le Minotaure qui fit de Thésée le premier roi d'Athènes.

L'art, dans sa quête de la beauté, exprime le même triomphe ; il n'est devenu « art » qu'en « sortant » de la religion archaïque. b) C'est avec la statuaire grecque que s'est accomplie cette unité de la vie intérieure et de la forme extérieure que l'on appelle la beauté. Les monuments énigmatiques de l'ancienne Égypte restent, en comparaison, marqués par une inadéquation entre la forme et le fond qui est le propre du symbole équivoque ; ils sont sublimes, non encore beaux. c) « L'inventeur de la peinture doit être ce narcisse qui fut transformé en fleur » écrit Alberti pour qui la pulsion picturale s'accomplit aussi dans la figuration de la forme humaine dans laquelle se réalise l'idéal du beau puisqu'en chaque point du corps humain la vie intérieure de l'esprit y palpite et se manifeste comme la pulsation du sang sous la peau.

Dès qu'il y a beauté c'est que la vérité, le Sujet ou l'homme en tant qu'il est conscience de soi commencent à se manifester.

« Il s'agit toujours de retrouver l'homme partout où nous avons trouvé ce qui l'écrase » (Malraux). Mais l'art occidental après avoir connu, en sa jeunesse, le style sublime, puis le beau style de la maturité (Winkelmann) n'était-il pas condamné à entrer en une décadence, celle qui provoquera la réaction moderniste ? II - Le retour du tragique a) « Sers Dieu, abandonne les idoles » (Le Coran, sourate 16), « ne fais pas d'images sculptées » (Exode XX, 5-6).

Pendant deux siècles les byzantins connurent aussi le vertige iconoclaste.

Notre époque fascinée par les images est en même temps celle où, pour les artistes, aucune forme n'arrive à correspondre à la vérité douloureuse à laquelle ils se sentent appelés.

Déjà dans la CFJ c'est dans l'analytique du sublime que s'opère le passage de l'ordre de la nature à celui de la liberté.

C'est au moment où mon imagination, rabrouée par un excès de grandeur ou de puissance, échoue à « comprendre » qu'elle connaît une exaltation dévastatrice : la négation de l'esthétique (de la sensibilité) est le plus haut moment de l'esthétique. b) « Pas de surface vraiment belle sans une terrifiante profondeur » (Nietzsche).

L'art, défi et déni de l'abîme est accès apotropaïque à la vérité. c) C'est ce choc de l'oeuvre d'art qui d'un coup nous arrache à notre monde familier que Heidegger interprète comme le choc insolite du « il y a » (l'ekphanestaton).

L'art n'est pas d'abord forme et figure : ce qu'il fait briller ou resplendir, c'est qu'il y a de l'étant présent.

Mais comme on le voit, on ne peut parler du beau sans utiliser le lexique du sublime. III - L'illusion esthétique a) « Le beau ne plaît ni ne déplaît, il arrête », écrivait Alain ; c'est à la modalité plus ou moins brutale de cet arrêt que pourrait se référer la distinction du beau et du sublime.

Si l'oeuvre belle est un jeu, elle n'est pas qu'un jeu, en tant justement qu'elle touche à la limite (sub-limis), qu'elle ravit et ravage, « comme la foudre » (Longin). b) Inversement le sublime dans son sérieux demeure un jeu : le spectateur ne doit pas être menacé par le spectacle sublime.

Le sublime doit s'allier au beau sinon l'étonnement se transforme en épouvante.

La delightfull horror (Burke) que connaît celui qui échappe de justesse à la mort est un « flirt » avec le terrible.

Contre toutes les tentations de dionysisme sauvage — avis aux rockers ! — il faut rappeler que l'art n'est pas la vie et qu'il n'a jamais sauvé personne. c) On voit donc que l'art a le redoutable pouvoir de nous faire entendre la voix du tout Autre sans, pour autant, cesser d'être un divertissement.

L'art nous permet d'écouter comme Ulysse arrimé au mât de son navire le chant des sirènes ; tel est le paradoxe de l'art qui nous ouvre à l'étrange et qui nous en défend.

Sans la sous-jacence du dionysiaque, point de fascination, mais sans la distance maintenue ce serait la destruction. Conclusion C'est parce que la beauté est le commencement du terrible qu'elle est ce qu'il y a de plus désirable (erasmiôtaton) mais, du désir, il n'y a de satisfaction qu'analogique comme il n'y a de jouissance que par la vertu et par la grâce d'une fiction aussi illusoire que vaine.. »

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