l'art et le beau Hegel Esthétique
Publié le 16/12/2025
Extrait du document
«
L’art, le beau et la forme (Hegel)
« D'une façon générale, il faut dire que l'art, quand il se borne à imiter, ne
peut rivaliser avec la nature, et qu'il ressemble à un ver qui s'efforce en rampant
d'imiter un éléphant.
Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si
on les compare aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer
l'homme, c'est le plaisir de créer quelque chose qui ressemble à la nature.
Et de
fait, il peut se réjouir de produire lui aussi, grâce à son travail, son habileté,
quelque chose qui existe déjà indépendamment de lui.
Mais justement, plus la
reproduction est semblable au modèle, plus sa joie et son admiration se
refroidissent, si même elles ne tournent pas à l'ennui et au dégoût.
Il y a des
portraits dont on a dit spirituellement qu'ils sont ressemblant à vous donner la
nausée.
Kant donne un autre exemple de ce plaisir qu'on prend aux imitations :
qu'un homme imite les trilles du rossignol à la perfection comme cela arrive
parfois, et nous en avons vite assez; dès que nous découvrons que l'homme en
est l'auteur, le chant nous paraît fastidieux; à ce moment nous n'y voyons qu'un
artifice, nous ne le tenons ni pour une oeuvre d'art, ni pour une libre production
de la nature.
»
HEGEL, Introduction à l'esthétique
Texte n° 5 :
« Le but de l'art, son besoin originel, c'est de produire aux regards une
représentation, une conception née de l'esprit, de la manifester comme son
oeuvre propre; de même que, dans le langage, l'homme communique ses pensées
et les fait comprendre à ses semblables.
Seulement, dans le langage, le moyen de
communication est un simple signe, à ce titre, quelque chose de purement
extérieur
à
l'idée
et
d'arbitraire.
L'art, au contraire, ne doit pas simplement se servir de signes, mais donner
aux idées une existence sensible qui leur corresponde.
Ainsi, d'abord, l'oeuvre
d'art, offerte aux sens, doit renfermer en soi un contenu.
De plus, il faut qu'elle le
représente de telle sorte que l'on reconnaisse que celui-ci, aussi bien que sa
forme visible, n'est pas seulement un objet réel de la nature, mais un produit de
la représentation et de l'activité artistique de l'esprit.
L'intérêt fondamental de
l'art consiste en ce que ce sont les conceptions objectives et originelles, les
pensées universelles de l'esprit humain qui sont offertes à nos regards.
»
HEGEL, Esthétique
L'opinion la plus courante qu'on se fait de la fin que se propose l'art, c'est
qu'elle consiste à imiter la nature...
Dans cette perspective, l'imitation, c'est-à1
dire l'habileté à reproduire avec une parfaite fidélité les objets naturels, tels qu'ils
s'offrent à nous, constituerait le but essentiel de l'art, et quand cette reproduction
fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction.
Cette
définition n'assigne à l'art que le but formel de refaire à son tour, aussi bien que
ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le
reproduire tel quel.
Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction
est du travail superflu, car ce que nous voyons représenté et reproduit sur les
tableaux, à la scène ou ailleurs : animaux, paysages, situations humaines, nous le
trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison ou parfois dans ce que nous
tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances.
En outre, ce
travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en-deçà de
la nature.
Car l'art est limité dans ses moyens d'expression et ne peut produire
que des illusions partielles, qui ne trompent qu'un seul sens; en fait, quand l'art
s'en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel
et du vivant, que la caricature de la vie.
(...)
On cite aussi des exemples d'illusions parfaites fournies par des
reproductions artistiques.
Les raisins peints par Zeuxis ont été donnés depuis
l'Antiquité comme le triomphe de l'art et comme le triomphe de l'imitation de la
nature, parce que des pigeons vivants vinrent les picorer.
On pourrait rapprocher
de ce vieil exemple, l'exemple plus récent du singe de Buttner, qui dévora une
planche d'une précieuse collection d'histoire naturelle, laquelle figurait un
hanneton, et qui fut pardonné par son maître pour avoir ainsi démontré
l'excellence de la reproduction.
Mais dans des cas de ce genre, on devrait au
moins comprendre qu'au lieu de louer des œuvres d'art parce même des pigeons
ou des singes s'y sont laissé tromper, il faudrait plutôt blâmer ceux qui croient
avoir porté bien haut l'art, alors qu'ils ne savent lui donner comme fin suprême
qu'une fin si médiocre.
D'une façon générale, il faut dire que l'art, quand il se
borne à imiter, ne peut rivaliser avec la nature, et qu'il ressemble à un ver qui
s'efforce en rampant d'imiter un éléphant.
Dans ces reproductions toujours plus ou moins réussies, si on les compare
aux modèles naturels, le seul but que puisse se proposer l'homme, c'est le plaisir
de créer quelque chose qui ressemble à la nature.
Et de fait, il peut se réjouir de
produire lui aussi, grâce à son travail, son habileté, quelque chose qui existe déjà
indépendamment de lui.
Mais justement, plus la reproduction est semblable au
modèle, plus sa joie et son admiration se refroidissent, si même elles ne tournent
pas à l'ennui et au dégoût.
Il y a des portraits dont on dit spirituellement qu'ils
sont ressemblants à vous donner la nausée.
(...)
D'ailleurs cette joie que donne l'habileté à imiter ne peut jamais être que
relative et il convient mieux à l'homme de trouver de la joie dans ce qu'il tire de
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son propre fond.
En ce sens, l'invention technique la plus insignifiante a une
valeur bien supérieure et l'homme a lieu d'être plus fier d'avoir inventé le
marteau, le clou, etc., que de réaliser des chefs-d’œuvre d'imitation.
(...) L'art
doit donc se proposer une autre fin que l'imitation purement formelle de la
nature; dans tous les cas, l'imitation ne peut produire que des chefs-d’œuvre de
technique, jamais des œuvres d'art.
Hegel, Esthétique, 1818-1829
-l’art, le beau, les formes et l’évolution de l’esprit à travers les mondes de l’art :
L’art est l’activité d’un artiste, d’une personne ne visant pas l’utilité de ce qu’il
construit, mais qui fait venir à l’être, poussé par son génie qui a besoin d’un
travail lourd, d’une réflexion puissante, de connaissances, d’une mémoire
grande comme d’une grande habileté exercée, des formes à partir de matières.
Ces formes ne sont pas un langage si l’on entend par langage un code réfléchi
qui serait transcrit par un codage et qui serait avant l’œuvre.
L’artiste ne traduit
pas des mots dans des matières, il élabore des formes.
Il n’est cependant
nullement aberrant qu’une fois l’œuvre faite, l’interprète spectateur tente de
mettre au jour un langage des formes.
Cette tentative ne pourra cependant que
parvenir à un résultat limité parce que les matériaux utilisés par l’art ne se
transcrivent pas les uns dans les autres, la relation des arts entre eux est
dialectique ce qui fait que ces arts se relèvent dialectiquement et ne se traduisent
pas vraiment les uns dans les autres pas plus qu’on ne peut parvenir à une
philosophie qui les résumerait dans un message.
Tel n’est pas le sens du savoir
absolu, l’art est lui-même savoir absolu, il est présent dans le dernier chapitre de
l’Encyclopédie, et sa relève par la religion et la philosophie ne signifie pas son
absorption dans ces deux dernières qui viendraient alors le dire.
Il faudra
s’interroger alors sur ce que Hegel entend par la fin de l’art.
Il faut ajouter que si
certains arts peuvent être dits « représenter », un dieu, un corps humain, un
paysage, une intériorité, l’art ne se définit pas par la représentation si l’on entend
par elle une finalité extérieure, pas plus que la pensée n’est un instrument de
l’homme, elle définit l’homme, l’art n’est pas un instrument, il est.
L’art ne vise pas donc pas la beauté si l’on entend par là que l’artiste aurait le
regard fixé sur une Idée platonicienne, vision qui commanderait la construction
de l’œuvre.
Il ne vise pas non plus le plaisir qui surviendrait dans ou avec le
goût.
Hegel est critique des visions empiristes avec lesquelles la pensée de Kant
est finalement rangée malgré le raffinement de sa théorie du plaisir esthétique,
« dire que l’art doit plaire, être une source de plaisir, c’est lui assigner un but
purement accidentel, qui ne peut être le sien ».
Le plaisir assimile l’art à un jeu
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et lui ôte sa nécessité et tout autant son contenu, il devient une pure forme qui
surtout ne dit rien et ne doit rien dire, or il est faux d’avancer que l’art ne dit rien
même si son dire est particulier.
Bien qu’une Idée du beau qui résumerait tous les arts, si différents pourtant, en
les rassemblant d’un trait, ne soit pas visée, il est vrai de dire....
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