l'art est-il mort ?

« Problématique : Pourquoi se poser une telle question ? Si la question de la mort de l'art se pose aujourd'hui c'est que, manifestement , l'art a dû revêtir un aspect plus « vivant » à un moment donné. Deux interrogations pourraient, dès lors succéder à la première : Que signifie la vie (et la mort) de l'art ? Qu'est-ce qui signe cette rupture apparemment paradoxale entre un art passé vivant et un art présent mort ? Car s'il est aisé de parler de la vie d'une plante ou d'un animal dans la mesure où l'un comme l'autre est précisément un être « vivant » (et en ce sens, également un être mortel), peut-on, de la même manière, parler d'une vie biologique de l'art ? La réponse semble aussi évidente que l'absurdité de la question ! L'art n'est pas un être vivant mais il est le fruit de l'intelligence et de la sensibilité humaine.

Il s'agira donc d'une autre forme de vie. En effet, en évoquant une vie de l'art, on se place immanquablement dans un contexte historique où semblent devoir être mis en relation un avant et un après, autrement dit, un passé et un présent de l'art. Et cette réticence présente d'un avenir de possible de l'art semble intimement liée aux mutations qu'a pu subir la représentation artistique au cours des siècles, voire des millénaires. I/ L'art, porteur d'un message collectif Il s'agit, dans cette partie, d'évoquer le fait qu'à chaque époque correspondent des changements de perspectives artistiques. Evoquer par exemple les peintures rupestres des grottes de Lascaux ou encore la peinture de la Renaissance qui représentait des scènes de vie, des ambiances d'intérieur... En effet, nombreux sont les exemples d'un art passé qui renfermerait les idées principales de la culture d'une société ou d'une civilisation. «C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité.

L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia.

Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat.

Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.

La vie recèle un appel immédiat, mais les événements qui la composent manquent de portée générale: ils s'accompagnent de trop de hasards pour pouvoir déclencher dans l'âme une vérité profonde et une impression durable.

La philosophie et la pensée abstraite participent à la signification universelle; mais si elles participent à l'essence même des choses, encore n'agissent-elles que sur l'homme capable d'user de son expérience personnelle pour leur insuffler la passion et la force de son existence propre.

Ainsi la poésie (et l'art) garde l'avantage à la fois sur les enseignements généraux de la raison abstraite et sur les événements contingents de l'expérience individuelle.

Elle est plus philosophique que la vie (pour reprendre en un sens plus large l'épigramme célèbre d'Aristote), mais d'autre part, vu la vérité spirituelle qu'elle concentre, elle est aussi plus proche de la vie que la philosophie.

» WERNER JAEGER, Paideia: la formation de l'homme grec, collection Tel, Gallimard, 1964, traduit par André et Simone Devyver, p.

66 II/ l'art est avant tout une activité de l'esprit Accompagné par les prouesses du progrès qui a fait, notamment ce dernier siècle, des pas de géant, l'art, comme l'individu (et donc l'artiste) semble, lui aussi, avoir subi d'importantes transformations.

En effet, aujourd'hui, l'art exprime davantage des sentiments individuels, des points de vue personnels et subjectifs.

La représentation visuelle semble désormais avoir laissé place à l'exposition conceptuelle (cf.

: « l'urinoir » de Marcel Duchamp, les colonnes de Buren...) ou encore à l'abstraction (cf.

:Mark Rothko)... L'art, avant même d'être représentation est donc d'abord conceptualisation , c'est à dire, élaboration d'idées par l'esprit.. »