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L'art conceptuel remet-il en cause le partage entre art, technique et théorie ?

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« L'art conceptuel remet-il en cause le partage entre art, technique et théorie ? L'art conceptuel est un mouvement particulier de l'art du 20e siècle qui propose une vision de l'art originale.

Aussi, l'art conceptuel se propose de réunir en une même « œuvre » théorie et art, l'œuvre conceptuelle est à la fois art et réflexion théorique, négation de l'œuvre d'art , et affirmation de la théorie et de fait dans sa réalisation, l'œuvre conceptuelle ne semble plus être qu'une réalisation technique, qu'une mise en œuvre du concept qui ne demanderait plus véritablement des qualités d'artistes : gestes gratuits, improvisation, recherche de la beauté, de la sensation artistique, mais seulement expression d'un concept, d'une réflexion. 1) Ce qu'est l'art conceptuel. En octobre et novembre 1969 avait lieu, au musée de Leverkusen, en Allemagne, une exposition intitulée Konzeption Conception. Paradoxalement, c'est en Europe que se tenait la première grande manifestation d'un mouvement artistique nouveau qui rassemblait principalement des Américains, et que l'on commençait à appeler l'art conceptuel.

Si le terme connut une aussi bonne fortune et si on l'employa par la suite d'une façon qui fut souvent abusive, c'est qu'il semblait particulièrement bien approprié à des recherches artistiques d'où avaient disparu non seulement la toile et la peinture, mais toutes sortes d'objets, comme ceux qu'avaient pu exploiter le pop art, le Nouveau Réalisme, plus tard l'arte povera.

Les moyens d'expression des artistes présents à Leverkusen se réduisaient à ceux du langage, parfois accompagnés de photographies d'amateurs : des feuilles de papier dactylographiées voisinaient avec des télégrammes, des plaquettes, des classeurs, des bandes magnétiques.

Pour la première fois, on visitait des salles d'exposition qui ressemblaient plutôt à des salles d'archives.

Aucune recherche formelle (la présentation tendant de préférence à être fonctionnelle) et, a fortiori, de flatterie esthétique ; en fait, chaque œuvre semblait se réduire à une idée exprimée très brutalement.

Il faudrait éviter d'assimiler ce qui serait un art d'« idées » et ce que signifie exactement le mot « conceptuel ».

On a trop souvent confondu l'art conceptuel avec un usage métaphorique du langage, l'artiste utilisant celui-ci à la place de l'image pour rapporter une anecdote, un sentiment, une opinion personnelle.

L'expression a été choisie par les artistes « conceptuels » pour son caractère d'universalité.

Ce qu'ils entendent par conceptual art, c'est, si on le traduit mieux en français, le concept « art » qu'ils se chargent d'envisager en tant que notion objective (et non pas une idée singulière ou subjective qu'il s'agirait simplement de ne plus concrétiser au travers des formes traditionnelles de l'art).

Le titre donné par Joseph Kosuth à l'ensemble de son travail depuis 1965, « Art as Idea as Idea », définit bien cette entreprise.

L'objet (l'objet d'art) disparaît au profit de son analyse (qu'est-ce que l'art ?).

L'objet concret étant considéré comme un a priori, il ne retient que l'approche conceptuelle de cet objet.

Autrement dit l'art conceptuel, c'est le comble de la réflexivité, la réflexivité culminant dans l'idéalisme : le concept se substitue à la chose, et c'est lui qui s'exhibe.

L'œuvre n'est pas déconstruite, elle est escamotée : au bénéfice de la « science ». 2) Exemple de réflexion de l'art conceptuel. Héritier du formalisme, l'art conceptuel en porte, dans le même temps, la critique.

Les pratiques artistiques auxquelles correspond historiquement la critique formaliste sont celles qui introduisent l'attitude des artistes conceptuels.

L'art conceptuel parachève ce processus en appliquant à l'art un moyen d'analyse de nature discrète, le langage, qu'il préserve de l'ambiguïté métaphorique grâce à l'emploi de certains concepts de la philosophie analytique.

De la même façon que la philosophie analytique considère que l'approche d'un problème doit d'abord s'effectuer au travers de l'élucidation des termes qui rendent compte de ce problème, l'art conceptuel envisage le fait artistique au travers du discours qui l'accompagne.

L'école d'Oxford, que l'on appelle aussi la « philosophie du langage ordinaire », pense que les échecs de la philosophie traditionnelle sont dus à un mauvais emploi des mots auxquels les philosophes attribuent des sens différents de ceux que leur attribue l'usage ordinaire.

Dans cette optique, le travail de l'art conceptuel est une définition de l'œuvre d'art au travers d'une redéfinition du langage critique ou d'un emploi qui met en crise ce langage traditionnellement métaphorique.

Ainsi, Victor Burgin, utilisant le concept d'énoncé performatif, mis à jour par J.

L.

Austin, fait coïncider le texte correspondant à une image avec l'acte de percevoir cette image.

Selon Austin, l'énoncé performatif ne décrit pas une action, il est cette action.

Par exemple, lorsque nous disons : « Je le jure », l'acte de jurer est indissociable du fait de prononcer cette déclaration.

Le discours épouse parfaitement son objet, en fait est cet objet, n'a plus office de distanciation.

D'une autre façon, Bernar Venet, qui présente des tableaux, supports de textes extraits de livres de mathématiques, empêche toute interprétation multiple de ces tableaux, le code mathématique ne comprenant qu'un seul niveau sémantique.

Sa présentation sur un tableau ne transforme en rien la signification qu'il possède dans le livre d'origine.

Plus particulière, la démarche de l'artiste argentin David Lamelas renvoie également à des modèles linguistiques, à partir d'une information visuelle qui est le plus souvent un film.

La structure du film est déconstruite, son étalement dans le temps bouleversé, comme l'on disloquerait les différentes parties d'une phrase, jusqu'à en faire éclater le sens. 3) L'exemple de Kosuth Le travail de Joseph Kosuth en est assurément la meilleure représentation puisqu'il fut à l'origine de cette esthétique qu'il diffusa et qui occupe une place fondamentale dans l'histoire de l'art du XXe siècle.

Son œuvre marque un tournant dans l'art contemporain par la volonté de se servir du langage comme un nouveau moyen d'expression plastique mais surtout comme le médium qui permet de remettre en question la nature même de l'art.

Le langage possède les structures idéales pour simultanément interroger le monde et se réfléchir lui-même.

Deux composantes principales seront ainsi à la base de son travail : l'appropriation du langage compris comme matériau - grâce à la manipulation de textes déjà existants empruntés le plus souvent aux sciences humaines (histoire, psychanalyse, philosophie, linguistique, ethnologie, sociologie) mais aussi au vocabulaire publicitaire ou politique - et la mise en forme de ces textes dans une œuvre qui met en avant son système autoréférentiel.

Suivant en cela Marcel Duchamp, Joseph Kosuth affirme le caractère linguistique des œuvres artistiques, dont le but premier est de mettre en relief l'idée qu'elles contiennent.

Pour lui, l'art est intimement lié au langage dans la mesure où ce dernier conditionne tant sa production que sa compréhension, puisque saisir la fonction, la signification et l'usage de l'art implique nécessairement une prise en compte des formulations, des énoncés et des phrases dont nous nous servons pour le fabriquer et pour en parler.

La logique qui consistera à présenter une œuvre d'art comme une proposition prenant place parmi d'autres œuvres, donc parmi d'autres propositions, conduira Kosuth à affirmer que celles-ci ne parlent de rien d'autre que de l'art : l'œuvre comme proposition n'est qu'une définition de l'art.

Les œuvres seront donc considérées comme des « propositions analytiques », c'est-àdire que leurs propres formulations de départ sont autosuffisantes, ce qui leur confère un statut tautologique. Conclusion. L'art conceptuel remet en cause la frontière entre art, théorie et technique mais dans le domaine de l'art.

La frontière est d'autant plus remise en cause entre l'art et la théorie qu'avec la technique, technique peu poussé dans les réalisations de l'art conceptuel où la place du texte est grande ou dans d'autres cas ne nécessitent pas plus d'habileté technique que d'autres domaines de l'art contemporain comme le surréalisme ou le dadaïsme.. »

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