Langage et pensée
Extrait du document
«
Termes du sujet:
LANGAGE : 1) Faculté de parler ou d'utiliser une langue.
2) Tout système de signes, tout système signifiant,
toute communication par signes (verbaux ou non verbaux).
Le langage désigne aussi la totalité des langues
humaines.
PENSÉE: Faculté de connaître, de comprendre, de juger, de raisonner, qui est censée caractériser l'homme, par
opposition à l'animal.
Synonyme d'entendement, de raison.
PENSER: Exercer une activité proprement intellectuelle ou rationnelle; juger; exercer son esprit sur la matière de
la connaissance; unir des représentations dans une conscience.
A.
Antériorité théorique de la pensée sur le langage
On pourrait conclure de la multiplicité des codes signifiants dont l'homme fait usage, de la multiplicité des langues
elles-mêmes si l'on ne considère que la parole, à une certaine transcendance de la pensée sur son instrument
linguistique.
La pensée précède le langage : j'en fais l'expérience, semble-t-il, quand je cherche mes mots, quand j'ai
une idée que je ne parviens pas à exprimer, que j'habille successivement de termes impropres qui ne me satisfont
pas et que je rejette tour à tour.
On a ainsi pu dire que si la pensée cherche ses mots, c'est qu'elle les précède.
B.
La pensée est inséparable du langage
• Toutefois le langage enrichit la pensée en retour.
Chez l'adulte qui a appris une langue, la pensée est inséparable
de la parole.
Je pense en français, même si je ne profère aucun son.
Déjà, Platon définissait la pensée comme « un
discours que l'âme se tient à elle-même ».
Quand je « cherche mes mots », il me semble que ma pensée précède
mon langage...
Cependant c'est avec d'autres mots que je cherche mes mots !
• Pour Hegel, il n'y a pas de pensée véritable hors du langage.
Par les mots, le
sujet pensant donne une forme objective à ses pensées et les rend
accessibles à sa propre conscience.
Hegel veut ainsi démystifier l' ineffable,
ce « quelque chose » de si riche, de si nuancé et de si subtil qu'aucune
parole ne pourrait l'exprimer.
L'ineffable, écrit Hegel dans Philosophie de
l'Esprit, «c'est la pensée obscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui
ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot ».
« C'est dans le mot que nous pensons.
Nous n'avons conscience de
nos pensées, nous n'avons de pensées déterminées et réelles que
lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les
différencions de notre intériorité […].
C'est le son articulé, le mot, qui
seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont intimement
unis.
Par conséquent, vouloir penser sans les mots est une tentative
insensée.
On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus
haut, c'est l'ineffable.
Mais c'est là une opinion superficielle et sans
fondement ; car en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la
pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle
trouve le mot.
Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plus
haute et plus vraie.
»
Hegel, in « Philosophie de l'esprit ».
Hegel engage sa réflexion sur la possibilité de la synthèse entre l'aspect subjectif et l'aspect objectif de la
conscience.
Le langage est un moyen terme entre ces deux aspects, ce par quoi la conscience obtient l'existence.
Le langage permet à l'homme de concevoir la nature.
Et on ne peut la concevoir sans lui, quel que soit l'envie qu'on
en a.
De même, il n'est pas possible d'exprimer la conscience autrement que par le recours au langage, quelle que
soit la prétention de l'ineffable.
Hegel lie le mot et la pensée :
1.
Penser par le mot, c'est lier intériorité et extériorité.
2.
Il est impossible de penser sans les mots.
3.
Le langage clarifie la pensée.
D'emblée, la thèse de Hegel est affirmée clairement, en une phrase lapidaire : « C'est dans le mot que nous pensons.
»
L'ensemble du texte vise à l'analyse des deux termes : la pensée, le mot, et à leur articulation.
D'où formellement
deux possibilités : penser avec les mots (penser « dans le mot ») ; penser sans les mots (c'est la tentation de
l'ineffable).
Cette seconde tentative est écartée, par Hegel, comme une erreur.
Ainsi, seule, la première possibilité
demeure, d'où l'affirmation renouvelée, sous une autre forme, de la thèse : « le mot donne à la pensée son.
»
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