l'ambiguïté des mots peut-elle être heureuse ?
Extrait du document
«
Analyse du sujet: Les termes du langage sont susceptibles de relever de plusieurs interprétations.
Cette
multiplicité de sens est-elle ou non féconde et constitue-t-elle un facteur positif ? Ne pourrait-on reprocher aux
mots d'être équivoques ?
Ne récitez pas votre cours sur le langage.
Traitez le problème, très circonscrit, soulevé par le sujet.
La
problématique doit déboucher sur une critique (possible) du langage et des mots.
Le mot désigne un groupe de sons,
servant à exprimer de multiples idées.
Ainsi apparaît le problème.
INTRODUCTION
Définition des termes et problématisation : Nous parlons d'ambiguïté à propos d'une situation ou de termes
dont la signification n'est pas claire mais peut être double, autrement dit peut signifier une chose ou une autre.
L'ambiguïté des mots fait donc référence à une incertitude, un doute, portant sur leur sens.
Ainsi un discours ambigu
sera compris de différentes manières, il rendra possible plusieurs interprétations qui auront pour finalité de tenter de
découvrir son sens, un sens qui ne peut être saisi de lui-même mais est laissé à la réflexion des auditeurs.
Le fait
qu'un discours puisse être compris différemment n'est pas nécessairement voulu par le locuteur.
En effet si les
auditeurs peuvent être en désaccord à propos de l'objet d'un discours, ils peuvent pour la même raison, à savoir
l'ambiguïté des mots, ne pas comprendre ce que le locuteur a voulu faire passer comme message dans son discours.
Il apparaît donc que l'obscurité d'un discours, le fait qu'à un même mot pourront être associées des significations
différentes, est loin d'être visée, le langage servant bien plutôt à communiquer, à transmettre une information dont
le sens est le même pour les locuteurs et l'auditeur.
L'ambiguïté des mots relève donc de l'infortune, d'un hasard
malheureux qui fait obstacle à cette communication et s'exprime par une mauvaise compréhension de la part de
l'auditeur ou du lecteur.
Cependant dans un contexte artistique, par exemple la lecture d'un roman, les
interprétations pourront différer et c'est ce qui mettra en évidence la richesse de l'écriture, le fait que différents
sens peuvent être donnés à un même écrit.
Dans ce cas l'ambiguïté des mots loin d'être fuie est bien plutôt
recherchée dans la mesure où c'est en elle que réside la diversité des interprétations et la puissance évocatrice d'un
livre.
L'utilisation des mots ne suit pas nécessairement la même finalité selon les cas.
S'il s'agit d'un discours
politique, par exemple, ce qui sera visé est la compréhension de tous et l'accord de tous sur la signification à donner
à ce discours.
S'il s'agit d'une oeuvre littéraire dans ce cas la multiplicité des interprétations sera au service de sa
richesse, l'obscurité, ou l'ambiguïté ne sera pas proscrite.
Cependant même à l'écoute d'un discours qui se veut
compréhensible par tous, donc ne recherchant pas à être ambigu, il se peut qu'il soit l'objet d'interprétations
différentes.
De même pour l'oeuvre littéraire l'ambiguïté d'un poème ou le fait qu'il invite à différentes interprétations
ne remet pas en cause le fait que le poète en l'écrivant avait une idée précise, suivait une signification précise qui
ne se trouve pas forcément en accord avec notre interprétation.
Ainsi même en visant la clarté un discours ou une
oeuvre artistique ne peuvent exclure totalement l'ambiguïté, le fait que la signification des mots peut être double.
Que faut-il en conclure sur la nature de cette double signification ? Est-elle souhaitable ou regrettable ?
Première partie : L'ambiguïté des mots est regrettable.
1.1 Les mots échouent à vouloir exprimer nos idées.
Ils ne permettent pas de faire ressortir les
nuances, ils figent les idées et par là les rendent obscures.
« Soupir.
– J'ai saisi cette idée au vol et je mes suis jeté sur les premiers mots mal venus pour la fixer, afin
qu'elle ne m'échappe pas une fois encore.
Et voici à présent que ces mots arides me l'ont tuée, et qu'elle pend et se
balance en eux – et je ne comprends plus guère, en la considérant, comment j'ai pu être si heureux en attrapant
cet oiseau.
» NIETZSCHE, Gai savoir, §298.
1.2 Le poète ne réduit pas les mots aux signes mais souligne leur valeur propre.
Ce n'est pas
l'ambiguïté des mots qui est malheureuse mais l'ambiguïté du signe et le fait que l'on identifie le mot au
signe.
« Les poètes sont des hommes qui refusent d'utiliser le langage.
Or, comme c'est dans et par le langage
conçu comme une certaine espèce d'instrument que s'opère la recherche de la vérité, il ne faut pas s'imaginer qu'ils
visent le vrai ni à l'exposer.
Ils ne songent pas non plus à nommer le monde et, par le fait, ils ne nomment rien du
tout, car la nomination implique un perpétuel sacrifice du nom à l'objet nommé ou, pour parler comme Hegel, le nom
s'y révèle l'inessentiel, en face de la chose qui est essentielle.
Ils ne parlent pas, ils ne se taisent pas non plus :
c'est autre chose.
[...] En fait, le poète s'est retiré d'un seul coup du langage-instrument; il a choisi une fois
pour toutes l'attitude poétique qui considère les mots comme des choses et non comme des signes.
Car
l'ambiguïté du signe implique qu'on puisse à son gré le traverser comme une vitre et poursuivre à travers
lui la chose signifiée ou tourner son regard vers sa réalité et le considérer comme un objet.
L'homme qui
parle est au-delà des mots, près de l'objet; le poète est en deçà.
Pour le premier, ils sont domestiques; pour le
second, ils sont à l'état sauvage, ce sont des choses naturelles qui croissent naturellement sur la terre comme
l'herbe et les arbres.
» Jean-Paul SARTRE, Qu'est-ce que la littérature ? p16-17.
Transition : pour autant, même si le détachement des mots de leur signification permet d'oublier pour un
temps l'ambiguïté qui leur est propre, il n'en reste pas moins qu'ils ont pour fonction de communiquer des idées et de
discourir sur les choses.
Ne pourrait-on pas trouver une positivité au fait qu'un même mot peut avoir différentes
significations ?.
»
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