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L'aide humanitaire est-elle notre bonne conscience ?

Extrait du document

« Le jugement selon lequel l'aide humanitaire est notre bonne conscience peut avoir tendance à jeter un discrédit sur une telle aide.

En effet, dire d'une action, d'un comportement qu'ils sont notre bonne conscience, c'est souligner qu'ils nous permettent d'avoir la conscience tranquille là où certains de nos actes seraient condamnables.

or, au premier abord, l'aide humanitaire permet avant tout de porter secours à ceux qui en ont besoin.

Elle ne semble pas, en ce sens, être notre bonne conscience puisqu'elle fournit réellement cette aide.

Dire qu'elle est notre bonne conscience reviendrait à la condamner moralement.

Toutefois, on peut se demander si elle ne permet pas de masquer un manque d'action politique véritable.

Elle panse des plaies et nous conduit à oublier de nous interroger à savoir comment transformer le monde.

Sur ce point, nous vous conseillons les analyses de Finkielkraut dans son ouvrage " L'humanité perdue ".

dans un chapitre intitulé " La réparation humanitaire ", il dresse un portrait de ces actions et montre comment cette réparation permet de se donner bonne conscience.

Faut-il alors condamner l'aide humanitaire ? [La conscience humanitaire est une conscience aliénée.

Au lieu de s'attaquer aux véritable raison de la misère, elle la perpétue et permet de donner bonne conscience à l'égard du déshérité.] L'aide humanitaire fait du bien à celui qui donne Est juste, celui qui donne à chacun son dû.

Est charitable, celui qui donne à autrui plus qu'il ne doit. En ce sens, l'aide humanitaire va au-delà du droit exigible et l'homme charitable peut dès lors avoir bonne conscience puisque, magnanime, il fait plus que son strict devoir.

L'homme occidental, riche peut s'enorgueillir de sa grandeur, de sa bienfaisance à l'égard de l'homme noir et pauvre.

Le colonialisme procédait de cette bonne conscience qui masquait des intérêts politiques et économiques moins avouables.

C'est aussi au nom de la charité chrétienne que les conquistadors ont asservi et détruit les peuples d'Amériques du Sud.

La main qui tend l'aumône est aussi celle qui asservit. Notons, par ailleurs que derrière toute aide humanitaire se cache un ethnocentrisme et une grande condescendance à l'égard des "pays sousdéveloppés". L'aide humanitaire ignore les droits du défavorisé La charité est une humiliation.

En effet, non seulement le pauvre est pauvre, mais comme on lui fait remarquer qu'il n'a droit à rien, il va remercier son bienfaiteur.

La charité ôte toute dignité à celui qui la reçoit.

On peut voir dans les pratiques charitables un certain machiavélisme destiné à faire accepter l'injustice à ceux qui sont exploités.

Le pauvre ne peut que remercier de l'aumône qu'on lui fait.

En cela, la charité tend à légitimer les inégalités et l'exploitation de l'homme par l'homme.

L'aide humanitaire est aliénante et humiliante puisque loin d'éradiquer les causes de la misère, elle ne s'attache qu'à ses effets les plus immédiats et les plus visibles.

Pour la bonne conscience humanitaire, l'autre n'est plus perçu comme appartenant au genre humain mais devient une victime souffrante dont la déchéance quasi-ontologique dérange nos bonnes consciences bien pensantes et bien nourries.

Victimisation d'autrui qui appelle les sanglots de l'homme blanc. [L'aide humanitaire est exigible de toute conscience morale.

Au-delà du coeur et de la bonne conscience égoïste, la charité est commandée impérativement par la morale.] La charité d'aujourd'hui sera la justice de demain L'histoire a plus d'une fois montré que les initiatives charitables sont à l'origine de l'organisation de la justice. Ainsi, Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, s'est d'abord rendu sur les champs de bataille avant de pouvoir faire adopter la Convention de Genève.

L'acte charitable initial est bien devenu un acte de justice.

Par conséquent, la charité n'est positive que si elle aboutit à un principe plus élevé: la justice.

Son essence est donc d'instituer un ordre qui vise l'abolition de la pauvreté, de l'exclusion, grâce au droit qu'elle instaure. La charité est un impératif catégorique La personne humaine n'a pas de prix car elle est la valeur par excellence.

L'autre, fut-il misérable et déshérité, du fait de son appartenance au genre humain, a le droit au respect de sa personne.

D'où la seconde maxime de la morale kantienne : «Agis toujours de telle sorte que tu traites l'humanité en toi et chez les autres comme une fin et jamais comme un moyen» (à partir de cette maxime on condamnera aisément l'esclavage et plus généralement toute forme d'exploitation de l'homme par l'homme.

Autrement dit, agis avec les autres aussi bien qu'avec toimême, au nom de la justice (une fin) et non de ta bonne conscience (un moyen).

L'aide humanitaire est une exigence de la raison pure pratique, elle est la justice même tant au niveau individuel qu'au niveau politique, tant au niveau privé qu'au niveau international. «A gis de telle sorte que tu traites l'humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen.» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (1785). • L'impératif catégorique de Kant est distinct du commandement christique quant à son fondement.

En effet le commandement d'amour du Christ vient de l'extérieur et est fondé sur un commandement antérieur qui prescrit l'obéissance inconditionnelle au Christ.

L'impératif kantien vient, lui, de la raison.

C'est en nous-mêmes que nous le trouvons, comme une structure de notre propre esprit, qui fonde notre moralité. • Que ce soit un «impératif» ne signifie pas que nous soyons contraints à nous y plier, mais il est en nous comme une règle selon laquelle nous pouvons mesurer si nos actions sont morales ou non (d'où la «mauvaise conscience»). • Il se distingue aussi par sa portée.

En effet, traiter les autres «comme une fin» ne signifie pas nécessairement les «aimer».

C'est à la fois moins exigeant, car il s'agit «seulement» de les respecter, en reconnaissant en eux la dignité humaine.

Mais c'est aussi plus exigeant, car il faut maintenir le respect même quand on n'aime pas! C'est là que le «devoir» est ressenti comme tel.. »

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