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La violence peut-elle être un remède à l'injustice ?

Extrait du document

« Introduction L'injustice, d'une manière générale, correspond à un acte ou à une situation qui transgresse un principe d'égalité.

Il y a injustice quand les uns ont trop ou pas assez, qu'il s'agisse de richesses, d'honneurs, de droits ou de devoirs ou même de chance.

O n peut donc envisager deux principales formes d'injustice : celle qui réside dans un ordre social ou juridique jugé inégalitaire ; celle qui consiste en la transgression individuelle d'un ordre social ou juridique jugé égalitaire.

P ar rapport à ces deux formes d'injustice, on peut envisager deux remèdes : la violence révolutionnaire et la violence répres sive.

M ais sont-ils de véritables remèdes ? Peut-on voir dans la violence, d'une manière générale, un moyen d'action sociale efficace ? N'est-elle pas toujours au contraire la manifestation d'une régression du lien social, voire de son annulation ? 1.

En quel sens la violence pourrait-elle remédier à l'injustice ? A .

La révolution est-elle violente ? O n peut parler de violence dès qu'il y a agression.

Le recours à la force inflige une violence à partir du moment où il représente pour la victime une intention de nuire.

Il va donc de soi que les émeutes et révoltes, qui sont en général des explosions spontanées de haine, sont toujours violentes.

Toutefois, une révolution dont le projet politique est de changer l'ordre s ocial pourrait être c onsidérée comme un proces sus d'une autre nature.

Il ne s'agit pas en effet de s'attaquer à des individus mais à un système social injuste.

L'enjeu revendiqué d'une révolution est toujours l'émancipation de tous.

A utrement dit, le recours inévitable à la force c ontre les défenseurs de l'ordre en plac e ne consiste pas en un acte d'agression visant leur personne à proprement parler.

II ne tient qu'à eux de capituler et de se rallier à la cause révolutionnaire. O n ne saurait pourtant s'en tenir à cette analys e qui aboutirait également, en transpos ant le même raisonnement, à la conclusion tout aussi absurde que la guerre régulière, entre deux armées ennemies, n'est pas violente (un soldat n'est pas en effet personnellement agressé par l'ennemi).

Il y a violence, en réalité, dès qu'un homme confronte un autre homme à la possibilité de sa mort.

Elle peut commencer par la simple insulte qui suffit à inaugurer un rapport conflictuel, dominé par la haine.

Q uel qu'en soit les motivations, tout recours délibéré à la force, entre hommes, représente un acte de violence. B.

La répression est-elle violente ? En vertu d'un raisonnement proche du précédent, on pourrait également voir dans le système pénal et l'organisation policière de l'État une contrainte qui a du sens et qui ne s'abat pas violemment sur ses victimes.

Un criminel peut c raindre en effet la violence des représailles d'une famille ou d'un clan ; mais les fonctionnaires de l'État qui ont pour charge de le retrouver et de lui administrer sa peine ne lui en veulent pas personnellement. P ourtant, la répres sion, même institutionnalisée et exercée au nom de principes légitimes, reste de la violence.

Le condamné se sent haï e t v i t s on incarcération ou son exécution comme une agression.

Par essence, l'usage de la force dégrade et détruit ; il suspend le lien à l'autre en éveillant la haine. 2.

La violence est incapable de remédier à l'injustice Q ue peut-on attendre, dans ces conditions, de la violence ? Peut-elle aider à faire progresser la cause de la justice ? A .

La violence, régression du lien à l'autre Une société ne peut progres ser sur la voie de la justice qu'à la condition que la plupart de ses membres soient animés par l'exigence commune d'égalité. A ucun souci de jus tice ne peut sortir d'un pur rapport de forces, d'une confrontation brutale des égoïsmes individuels.

Une société ne peut remédier à ses injustices que si ses membres la perçoivent déjà comme un lieu de justice possible.

Seule une société déjà juste peut lutter contre ses injustices.

U ne société ne peut se réformer en vue d'être plus juste que progressivement et dans le contexte d'une délibération collective. En interrompant le débat démocratique, le processus révolutionnaire conduit au contraire à la violence qui, du point de vue de la jus tice, représente donc une impasse et même un recul.

De la même façon, on ne peut pas attendre du système carcéral qu'il réconcilie le prisonnier avec la société.

La violence que celui-ci subit rompt au contraire les liens qui pouvaient l'unir au groupe.

On se leurre quand on c roit aux vertus réparatrices du châtiment. B.

Les effets préventifs de la menace de violence Si la violence ne peut pas en elle-même aider la société à renforcer ses liens par un sentiment de justice accru, sa possibilité, la pensée de son risque peut avoir en revanche des effets utiles en termes de justice.

P our échapper à une révolution, un État pourra accepter de se réformer.

La menace de la répression policière peut également dissuader certains citoyens de commettre l'injus tice d e s 'accorder le droit de faire ce que les autres, respectueux de la loi, s'interdisent de faire.

Si donc la violence n'est pas en elle-même un remède, c'est-à-dire un moyen pour guérir l'injustice, la pensée de son éventualité peut représenter un moyen de la prévenir. Transition Nous avons donc vu que seule la justic e pouvait faire naître l'exigence d'un s upplément de justice et, qu'au contraire, la violence ne pouvait qu'interrompre les effets de ce cerc le vertueux.

La violence est socialement stérile.

Nous pouvons approfondir notre analyse en montrant que la question de ce sujet repose sur une double erreur. 3.

La violence, horizon social indépassable A .

La justice protège de la violence O n peut raisonnablement se servir d'un mal pour lutter contre un autre mal, à condition que le premier soit moindre que le second.

O r d'après ce que nous avons dit, dans la hiérarchie des maux, la violence est bien plus grave que l'injustice puisqu'elle représente la négation même du lien social.

O n peut aller jusqu'à concevoir l'exigence d'égalité qui définit la justic e comme l'express ion d'un souci de paix et d'ordre social, une protection c ontre la violence.

Le sentiment de justice bride en effet la haine qui couve en tout homme et qui ne manque pas de refaire surface aussitôt que naît le sentiment d'injustice.

Il convient donc de rétablir l'ordre des choses en affirmant que c'est la justice qui remédie à la violence. B.

La violence n'est pas « utilisable » L'idée d'après laquelle la violence pourrait être utile repos e sur une profonde illusion.

On croit tenir la violence mais c'est toujours elle qui nous tient.

P our que la violence puis se n'être utilisée que comme un moyen, il faudrait qu'elle puisse être au seul service de motifs rationnels et indépendante de tout mobile de haine.

La violenc e ne serait alors qu'un simple usage de force.

O r il est très difficile d'user de la force s ans basculer dans l'agression.

La plupart des jeux témoignent qu'il suffit de mimer des rapports de forces pour être tenté de les assumer agressivement.

La frontière entre l'adversaire et l'ennemi est assez incertaine dans l'esprit des hommes.

II semble donc illusoire de penser pouvoir « user » de la violence, sans se laisser posséder par elle.

On ne peut que subir la violence, on ne la maîtrise jamais. C .

La violence, un fait culturel indépass able L'agressivité est sans doute un des faits les plus incontournables de l'existence sociale et c 'est comme tel, comme horizon indépassable de la culture humaine, qu'il faut l'envisager pour ne pas masquer la menace permanente qu'elle représente pour toute s ociété. Conclusion Le seul remède pour se libérer de la violence est aussi l'unique moyen qui permet d'aller vers plus de justice : la parole, l'échange, bref le lien à l'autre. C roire pouvoir se s ervir de la violence pour la combattre c'est se leurrer : c'est seulement rajouter de la violence à la violence.

Entre la violence et le dialogue, aucun compromis n'est possible.. »

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