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La tolérance est-elle indifférente à la vérité ?

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« THÈMES DE RÉFLEXION • Le terme a été créé au XVIe siècle lors des guerres de Religion : les catholiques ont fini par « tolérer » les protestants et vice versa.

On peut appréhender ici, que du moins à l'origine, la tolérance constituait une sorte de « pis-aller », une attitude consistant à supporter l'expression d'idées que l'on appréhendait comme parfaitement erronées. Remarquer que cette tolérance n'impliquait nullement une indifférence vis-à-vis de ce que catholiques ou protestants considéraient comme « la vérité ». • En fait, cette tolérance s'adressait fondamentalement aux personnes, non aux idées en tant que telles.

On peut d'ailleurs se demander si — en toute rigueur — l'idée de « tolérer » n'implique pas que l'on se situe soi-même sur un plan de supériorité par rapport aux autres et qu'en ce qui concerne la « possession de la vérité » on se situe également sur un plan de supériorité : une telle attitude pourrait-elle être fondée sur une indifférence à la vérité ? • On peut certes concevoir une forme de « tolérance » fondée sur un certain scepticisme, sur une certaine indifférence à la vérité, sur une certaine « lassitude » : mais peut-on encore, à proprement parler, parler ici de « tolérance », que l'on « tolère » ? Problématique envoyée par l'élève: Etre tolérant consiste à respecter, à accepter et à ne pas combattre une opinion contraire à la mienne, montrez donc qu'il s'agit en un sens d'admettre toutes les opinions, de leur accorder à toutes le même statut.

Ainsi si parmi elles je reconnais la vérité, je ne dois pas pour autant la distinguer des autres. Cependant dire que je serais alors indifférent à la vérité, c'est supposer non seulement que je détient la vérité, mais c'est surtout supposer qu'il n'y en a qu'une.

Demandez-vous si un tel point de vue n'est pas par nature contraire à la tolérance : être tolérant consiste-t-il seulement à consentir que ce que je crois n'est peut-être pas la vérité ou bien au contraire s'agit-il plutôt de laisser à chacun le droit de croire à sa vérité (sans que je sois forcé de renoncer à la mienne).

Montrez donc que l'idée de tolérance est sans doute peu compatible avec l'idée d'une vérité unique : n'est-ce pas pour cette raison que la tolérance relève plutôt du domaine politique ? Dès lors, vous pouvez saisir en quoi les rapports entre les notions de tolérance et de vérité sont problématiques.

En effet, la tolérance consiste à accepter les propos, les opinions des autres même s'ils sont différents des miens.

Or, la notion de vérité est incompatible avec la multiplicité des opinions.

Il n'y a pas de vérité différente en fonction des opinions différentes de chacun.

La vérité n'est pas ma vérité mais a une dimension universelle.

Il faut donc vous demander si on a affaire à des domaines identiques quand on parle de vérité et quand on parle de tolérance.

Par exemple, on ne va pas parler de tolérance à propos des mathématiques…Dans quel domaine parle-t-on de tolérance ? D'après le Vocabulaire de Lalande, le devoir de tolérance c'est « la règle de conduite consistant à laisser à chacun la liberté d'exprimer et de propager ses opinions alors même qu'on ne les partage pas ».

Mais, aux yeux d'une conviction sincère, qu'elle soit scientifique, religieuse, politique, l'opinion qu'on "ne partage pas" est l'opinion fausse.

Accorder la tolérance, c'est accorder la libre propagation de l'erreur.

Peut-on laisser dire ou imprimer n'importe quoi ? Lénine, au nom de sa « vérité » marxiste, interdit de propager les « mensonges » libéraux et capitalistes.

Les papes du XIXe siècle, au nom de la Vérité absolue dont leur Église est dépositaire, condamnent le « délire moderne » de la liberté de conscience, "la plus funeste de toutes, liberté exécrable pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur".

Partout l'État, protecteur des citoyens, pourchasse le mal sous la forme du dérèglement des conduites et des moeurs.

Ne doit-il pas le pourchasser sous la forme des doctrines fausses, source des moeurs corrompues ? Voilà l'argument auquel nous devons répondre si nous voulons tenter de défendre le principe de la tolérance. La première réponse, celle que nous proposent les "philosophes" de l'Aufklarung et leurs émules pragmatistes, est une réponse sceptique.

Il n'y a pas de Vérité et c'est pour cela que liberté et tolérance doivent être garanties. Lessing, par exemple, dans un conte célèbre, Nathan le Sage, donne en exemple l'amitié de l'israélite Nathan, du chrétien grand maître du temple et du musulman Saladin.

Mais cette tolérance nous apparaît dérisoire quand nous apprenons que ces trois personnages sont en réalité détachés des croyances de leurs communautés respectives.

Ils ne sont au fond que trois sceptiques qui s'accordent sur le scepticisme.

Dans le même esprit Voltaire écrivait : « Nous devons nous tolérer mutuellement parce que nous sommes faibles, inconséquents, sujets à l'erreur.

Un roseau couché par le vent dans la fange dira-t-il au roseau voisin couché dans le sens contraire : rampe à ma façon misérable ou je présenterai requête pour qu'on t'arrache et te brûle ? u En définitive, si toutes les opinions sont permises, c'est que toutes les opinions se valent et si toutes les opinions se valent c'est parce que toutes valent aussi peu.

N'est-il pas paradoxal de fonder sur l'infirmité de la pensée les droits souverains qu'on lui .reconnaît ? Les progrès de la tolérance accompagneraient-ils seulement l'affaiblissement des convictions ? Proches des sceptiques sont les pragmatiques qui justifient la tolérance parce qu'ils croient à la multiplicité des vérités, ce qui est encore une façon de ne pas croire à LA vérité ; toutes les philosophies, toutes les religions ont droit à l'existence selon Goethe, car le vrai c'est ce qui est utile et les croyances diverses sont comme des baumes différents que chacun applique sur ses plaies.

Goethe écrit à Lavater le 4 octobre 1782: « Mon emplâtre ne réussit pas sur toi ni le tien sur moi.

Dans l'officine du Père il y a beaucoup de formules.

n La liberté, ici encore, ne paraît fondée que sur une exténuation de la notion de vérité.

Ainsi la justification sceptique, relativiste ou pragmatiste de la tolérance, nous semble ruineuse.

Faut-il donc tuer la vérité pour assurer la fraternité et sommes-nous condamnés au tragique dilemme du fanatisme ou du scepticisme ? Le rationalisme nous propose un moyen de réconcilier Vérité et Liberté ; pour lui, ces deux exigences s'impliquent. »

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