La raison est-elle fiable ?
Extrait du document
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Vocabulaire:
RAISON: Du latin ratio, « calcul », « faculté de calculer, de raisonner » (en grec logos).
* Au sens subjectif : mode de penser propre à l'homme (lui-même défini comme « animal raisonnable »).
* Par opposition à l'intuition : faculté de raisonner, c'est-à-dire de combiner des concepts et des jugements, de déduire
des conséquences.
* Par opposition à la passion ou à la folie : pouvoir de bien juger, de distinguer le vrai du faux, le bien du mal.
* Par opposition à la foi : la « lumière naturelle », naturellement présente en tout homme.
* Par opposition à l'expérience : faculté de fournir des principes a priori (c'est-à-dire indépendants de l'expérience)
* Au sens objectif : principe d'explication, cause (exemple : les raisons d'un phénomène).
* Argument destiné à légitimer un jugement ou une décision (exemple : donner ses raisons).
Comptant sur la seule raison attentive, fondée sur l'unique évidence du « je pense donc je suis », Descartes a prétendu
délivrer l'homme de toutes les misères: erreurs (involontaires), fautes (volontaires), maladies, catastrophes naturelles
(par la domination et maîtrise de toute la nature, et même du cosmos), travaux pénibles, et enfin toutes nos ignorances.
L'ATTENTION DÉPEND-ELLE ENTIÈREMENT DE NOUS ?
En prenant la ferme décision de suivre les règles simplifiées de sa logique, Descartes pensait pouvoir immanquablement
échapper aux paralogismes ou erreurs involontaires de raisonnement.
Une telle décision est bien en notre pouvoir, mais
pouvons-nous assurer que nous ne serons jamais distraits par rien? L'expérience nous démontre que non.
« L'esprit de ce souverain juge du monde n'est pas si indépendant qu'il ne soit sujet à être troublé par le premier
tintamarre qui se fait autour de lui.
Il ne faut pas le bruit d'un canon pour empêcher ses pensées.
Il ne faut que le bruit
d'une girouette ou d'une poulie.
Ne vous étonnez point s'il ne raisonne pas bien à présent, une mouche bourdonne à ses
oreilles : c'en est assez pour le rendre incapable de bon conseil.
» (Blaise Pascal, fragment 44, édition Le Guern).
QU'EST-CE QUE LA FAUTE ?
C'est apercevoir ce qui nous semble bon à faire, et ne pas l'effectuer, et souvent même accomplir ce qui nous semble
mauvais.
La faute et l'erreur sont manifestement des égarements de la raison.
L'homme, que l'on définit par la raison, ne
serait donc que très imparfaitement rationnel et raisonnable.
Il serait inadéquat à sa nature, en deçà de son essence.
NOS FOLIES ORDINAIRES OU DÉRAISON QUOTIDIENNE
Lorsque l'on parle de folie ou de démence ou encore d'aliénation, l'on pense presque toujours aux situations extrêmes.
Mais il faut être attentif aux crises passagères et bénignes, et ne pas perdre de vue que l'homme est un être
constamment angoissé « qui perd vite les pédales »...
Le délire, en ses multiples degrés, est notre condition commune.
Névroses et psychoses
Qu'est-ce qu'un homme normal? On est tenté de répondre qu'il s'agit d'une personne bien intégrée socialement, qui sait
entretenir de saines relations avec autrui, et mener à bien des projets raisonnables et justes.
Il est donc aisé de
diagnostiquer par exemple un « apragmatisme » des moyens, à savoir l'impossibilité, comme le dit Freud, d'aimer et de
travailler; dans ce cas, l'aliéné ou le malade mental nécessite aide et assistance pour les actes de la vie ordinaire.
Mais l'aliénation mentale ne concerne pas seulement la personne et ses aptitudes pratiques à vivre.
Il faut aussi
considérer les finalités et les sociétés.
Qu'est-ce qu'un but ou une finalité normale? Passer sa vie à collectionner l'argent ou les publications pornographiques
relève à l'évidence de la folie; or on ne voit pas dans de telles existences l'apparition d'un apragmatisme des moyens, tout
au contraire.
Que doit-on se proposer comme but pour être jugé (par soi et les autres) comme sain d'esprit? On sait
combien sont vite taxés de « fous » les artistes, les philosophes, les amoureux, etc.
A nos ignorances fondamentales, il
faut ajouter cette question cruciale : Que faire ?
La société nazie s'est proposé une finalité folle, et a su, hélas, trouver les moyens appropriés.
Que doit-on penser des
buts de la civilisation moderne, marchande et industrielle ?
Le névrosé vit encombré de nombreux problèmes dont il a grande conscience.
Il en souffre.
Ne sommes-nous pas tous des
névrosés? Le psychotique perd pied avec le réel sans s'en rendre compte.
Mais qui peut se vanter de savoir ce qu'est la
juste réalité?
Les sociétés modernes, sans aucun regard critique, érigent en but principal la puissance, respectant aveuglément le jeu
cruel de la compétition, du « struggle for life », de la guerre pour l'existence, négligeant les idéaux de liberté, d'égalité et
de fraternité.
Les guerres n'ont donc pas de cesse.
Or les progrès techniques sont capables de procurer une civilisation
générale d'abondance.
La sagesse n'est donc pas de ce monde, qui sans relâche valorise les plus forts contre les faibles
et suscite exclusions et morts sociaux.
Les folles passions communes tyrannisent chacun; et selon une attitude réactive psychologique bien connue, chacun finit
par admirer ce qui le tourmente sans fin..
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