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La raison a-t-elle à s'occuper de l'irrationnel

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« Analyse du sujet : Y a-t il un ou des domaines, au seuil desquels la raison devrait suspendre son action de recherche ? Si oui, lesquels ? Si non, pourquoi ? Conseils pratiques : Ne traitez pas ce sujet comme une simple question de cours, sur l'irrationnel.

Attachez-vous au sens de l'expression a-t-elle et à la notion de nécessité qu'elle implique. Bibliographie : Pascal, P ensées, Gallimard. KA NT, P rolégomènes à toute métaphysique future, en particulier les §§ 57-6O, V rin. Nature du sujet : C lassique. INTRODUCTION Il est fréquent, au cours d'une discussion, de se heurter à un interlocuteur affirmant une croyance par rapport à laquelle aucun argument rationnel ne paraît efficace.

Il semble, en de telles occasions, que la raison se heurte à sa propre négation, éprouvant les plus grandes difficultés à définir un terrain commun. Mais la raison a-t-elle à s'occuper de l'irrationnel? I.

L'IRRATIONNEL EST MULTIPLE — Q u'est-ce que l'irrationnel? L'histoire aussi bien que le quotidien nous en offre divers visages : • la folie, ou, plus modestement, le rêve dans son apparence; • la croyance religieuse; • la «démesure» (ubris) des Grecs; • l'animalité; • le mal, etc. — M ais: • ce qui paraît irrationnel aujourd'hui a pu sembler rationnel (ou du moins sensé) autrefois.

A insi, on admettait communément que «la nature a horreur du vide»; • inversement, certaines formes apparentes d'irrationalité peuvent être réinterprétées comme des rationalités simplement différentes.

Exemple: la mentalité prétendue «prélogique» des sociétés traditionnelles. — On ne doit donc pas oublier que la raison évolue elle-même historiquement.

Ce qui a été affirmé, soit philosophiquement (Hegel), soit d'un point de vue épistémologique (Bachelard). II.

RAISON ET FOI — La « vérité révélée » de la Foi semble par définition irrationnelle (en ne dépendant que d'une raison divine, infinie, et donc hétérogène à la raison humaine). — Or on constate dans l'histoire de la philosophie la multiplicité des tentatives pour rationaliser la croyance en démontrant l'existence de Dieu (rappeler deux exemples: saint T homas et Descartes). — O n reconnaît après coup (cf.

les critiques de Hume et Kant) que ces tentatives obligent la raison à trahir ses propres normes. — Dans la position kantienne qui consiste à postuler l'existence de Dieu, s'affirme malgré tout la capacité de la raison à penser (par des concepts a priori) ce qui paraissait proprement irrationnel — et c'est bien pour garantir la cohérence de la raison pratique que sont affirmés ses postulats (Dieu, l'âme immortelle, la liberté): la Raison a encore son mot à dire, au-delà de l'analyse et de la démonstration (de la connaissance stricte). III.

LA RAISON COMME CONQUÊTE PROGRESSIVE — L'existence d'une psychiatrie, ou de la psychanalyse, implique le désir de comprendre ce qui semble d'abord le plus opposé à la raison (la maladie mentale ou déraison, l'absurdité des rêves).

Si l'on en croit Freud, la différence entre normal et pathologique (entre rationnel et irrationnel) est plus de degré que de nature. — La raison est à la fois spéculative et pratique: elle a pour tâche de définir des règles, non seulement de la pensée, mais aussi du comportement.

De ce point de vue, l'irrationnel tel qu'il se manifeste dans l'histoire et dans la violence (les crimes du nazisme, la «barbarie» au sens moderne) doit précisément être analysé par la raison, c'est-à-dire que: • son «fonctionnement» (psychique, sociologique, économique, politique) doit être démonté et compris; • son éventuel retour doit être rendu moins probable. — Seule la préoccupation de l'irrationnel sous tous ses aspects, permet à la raison elle-même de mieux se repérer, de se constituer plus solidement et d'élargir ses domaines. CONCLUSION L'opposition raison-irrationnel n'est pas aussi stable qu'on le croit spontanément.

Elle est à concevoir dans une optique historique, qui montre la raison très capable, non seulement de s'occuper de ce qui la contredit, mais d'en réduire certains aspects.

En déduire que pensée et conduite humaines pourraient un jour n'être que rationnelles est sans doute optimiste, mais il reste possible de parier sur une rationalisation croissante. N.B.

On peut aussi développer une partie considérant la pensée scientifique comme représentative de la rationalité: on démontrerait alors que la science a tout intérêt à se préoccuper de ce qui la contredit ou prétend la « dépasser » (les « fausses sciences »).

Elle y gagne en effet: • l'intégrité de son territoire (qui, sans cela, risque d'être envahi par des pseudo-solutions répondant plus vite à l'attente du public); • une capacité polémique montrant que les «fausses sciences» impliquent une attitude démagogique et un mépris à l'égard des règles de la connaissance (expériences répétables, lois immédiatement valides universellement, etc.); • la diffusion (vulgarisation) dans le public d'une mentalité mieux informée de la réalité du travail scientifique (et de sa lenteur éventuelle). DOCUMENT « La religion n'a plus la même influence qu'autrefois sur les hommes.

(Il s'agit là de la civilisation européenne chrétienne.) Et elle ne l'a plus, non pas parce que les promesses qu'eue fait aux hommes sont devenues moins éblouissantes, mais parce que ces promesses semblent moins dignes de foi.

A dmettonsle: la raison de cette évolution est le renforcement de l'esprit scientifique dans les couches supérieures de la société humaine (ce n'est peut-être pas la seule).

La critique a peu à peu effrité la force de conviction des documents religieux, les sciences naturelles ont fait voir les erreurs qu'ils contiennent, et les méthodes de l'examen comparé ont mis au jour la ressemblance fatale qui existe entre les idées religieuses que nous révérons et les créations intellectuelles des âges et des peuples primitifs. L'esprit scientifique engendre une attitude déterminée envers les problèmes de ce monde; devant les problèmes religieux il fait halte un moment, il hésite, et enfin se décide là aussi à passer le seuil.

Ces démarches ne connaissent pas d'arrêt: plus il est d'hommes à qui les trésors de notre connaissance deviennent accessibles, plus s'étend l'aire d'abandon de la foi religieuse ; d'abord sont frappées les plus désuètes et absurdes expressions de la foi, puis à leur tour ses propositions les plus fondamentales.

». »

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