La psychanalyse s'oppose-t-elle à la religion ?
Extrait du document
«
[La psychanalyse donne une explication rationnelle
des croyances religieuses.
Pour elle, la religion ne fait
qu'exprimer les désirs et les peurs inconscients des hommes.
Elle est une forme de névrose.]
Pour Freud, la religion ‘est pas la compensation illusoire de la misère économique et sociale, mais de la misère psychologique.
Dans « L'avenir d'une
illusion » , Freud montre que les exigences répressives de la « civilisation » entrent en conflit avec les instincts, les désirs sexuels et agressifs qui
caractérisent la « constitution animale » de l'homme.
Le « secret » de la force des « illusions religieuses » tient précisément à la force de ces désirs frustrés.
La
religion a une fonction consolante parce qu'elle offre la perspective d'un au-delà dans lequel le désir trouvera sa satisfaction.
Mais elle répond aussi au besoin de
protection et d'amour de l'homme par l'image d'une Providence bienveillante sous la forme de Dieu le Père : « Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de
la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé –protégé en étant aimé- besoin auquel le père a satisfait : la reconnaissance du fait que l'homme s'est
cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant.
L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la
Providence divine.
» Ainsi, donc, pour Freud, la religion est une illusion engendrée par le désir et c'est de l'image paternelle que provient l'idée de Dieu.
« Ainsi je suis en contradiction avec vous lorsque,
poursuivant vos déductions, vous dites que l'homme ne
saurait absolument pas se passer de la consolation que lui
apporte l'illusion religieuse, que, sans elle, il ne
supporterait pas le poids de la vie, la réalité cruelle.
Oui,
cela est vrai de l'homme à qui vous avez instillé dès
l'enfance le doux -ou le doux et amer- poison.
Mais de
l'autre, qui a été élevé dans la sobriété? Peut-être celui
qui ne souffre d'aucune névrose n'a-t-il pas besoin
d'ivresse pour étourdir celle-ci.
Sans aucun doute
l'homme alors se trouvera dans une situation difficile; il
sera contraint de s'avouer toute sa détresse, sa petitesse
dans l'ensemble de l'univers; il ne sera plus le centre de
la création, l'objet des tendres soins d'une providence
bénévole.
Il se trouvera dans la même situation qu'un
enfant qui a quitté la maison paternelle, où il se sentait si
bien et où il avait chaud.
Mais le stade de l'infantilisme
n'est-il pas destiné à être dépassé? L'homme ne peut pas
éternellement demeurer un enfant, il lui faut enfin
s'aventurer dans l'univers hostile.
On peut appeler cela
« l'éducation en vue de la réalité »; ai-je besoin de vous
dire que mon unique dessein, en écrivant cette étude, est
d'attirer l'attention sur la nécessité qui s'impose de réaliser ce progrès? »
FREUD.
D'origine juive, mais formé à l'école de la philosophie des Lumières, du darwinisme et de l'hellénisme, Freud s'est très vite
démarqué de la religiosité de sa famille.
C'est, de son propre aveu, ses réflexions sur l'origine de la culture qui l'ont amené à
rencontrer le phénomène religieux .
« Totem & Tabou » (1913), « Malaise dans la civilisation » (1930), « Moise & le
Monothéisme » (1934), « L'avenir d'une illusion » (1927)., autant d'oeuvres qui témoignent de l'intérêt de Freud pour la
religion.
Dans cet ouvrage, Freud affirme que ce serait l'angoisse de l'homme devant la nature toute-puissante, angoisse analogue à celle
de l'enfant, qui aurait engendré, en quelque sorte, le comportement religieux.
En personnifiant les forces naturelles sous formes
d'êtres supérieurs, parfois terrifiants, mais pourvus d'une volonté semblable à celle des hommes, en attribuant aux Dieux les
caractères que l'enfant attribue au père, les hommes auraient cherché à exorciser l'angoisse due à la cruauté de la nature.
La première fonction de la religion serait donc d'humaniser la nature, de protéger l'homme contre celle-ci.
Mais, humaniser la
nature, c'est aussi la tâche de la civilisation.
Or, si celle-ci rend la nature plus supportable, elle impose néanmoins à l'homme des
privations et des souffrances qui, à leur tour, suscitent l'anxiété et le besoin d'un dédommagement ou d'une consolation.
La
religion aurait donc aussi pour objectif de protéger l'homme contre « les dommages causés par la société humaine ».
Ainsi la
religion serait une satisfaction de notre désir archaïque d'être protégé et aimé.
Mais la religion apporte-t-elle vraiment une réponse à l'angoisse de l'humanité ? D'où les idées religieuses, qui ne reposent ni sur
l'expérience ni sur la raison, tirent-elles leur force, sinon de nos désirs d'un univers ordonné dans lequel l'angoisse peut être
rendue supportable ? La religion n'est-elle donc pas une croyance conforme à nos désirs, cad une illusion ? Ne nous enferme-telle pas dans l'infantilisme ? Ne serait-il pas préférable que les hommes affrontent la réalité sans le secours de la religion ? Ne
faut-il pas, en particulier, désacraliser les interdits sociaux de manière à ce que les hommes, comprenant les nécessités de la vie
sociale, supportent mieux « la pression qu'exerce sur eux la civilisation » ? L'essai d'une éducation non religieuse ne vaut-il pas la
peine d'être tenté ?.
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