La personne est-elle un objet ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
C'est généralement en fonction de préoccupations financières que l'on se permet parfois de mettre des centaines de
personnes au chômage lors de délocalisations.
A ces occasions, les contestations ne manquent pas de soulever à
quel point cela consiste à considérer les personnes comme des objets dont on dispose.
De même, ceux qui s'opposent à la prostitution le font notamment parce que cette pratique fait de la femme un
« objet ».
A priori, il est clair que la personne n'est pas un objet.
Toutefois, qu'entend-on par personne, et qu'entend-on par
objet ?
L'objet a un sens très vague.
D'une manière générale, ce n'est pas forcément quelque chose dont on dispose.
Les
exemples ci-dessus parlent d'objet, mais sur un plan « moral ».
Or l'objet est aussi simplement ce qui est observable,
saisissable pour la connaissance, neutre moralement.
Quant à la personne, qui est déjà au minimum « l'objet » de la discussion, par quoi se définit-elle ? « L'humanité »
est un critère, mais il reste encore à le caractériser, et par ailleurs on ne sait pas encore pour autant en quoi cette
distinction exclurait l'homme du domaine des objets.
Par ailleurs, y a-t-il d'un côté ce qui relève de la personne, et d'un autre ce qui relève des objets ? Ne peut-on pas
plutôt supposer que l'objet est une caractérisation générale, tandis que la personne n'est qu'un genre d'objet parmi
d'autres ?
Lorsqu'on se demande si l'homme est un objet, on a à l'esprit la marchandise, l'objet dont on dispose, qu'on utilise.
Mais d'une part, il s'agit peut-être d'une caractérisation de l'objet trop précise, et d'autre part, il reste encore à
montrer qu'est-ce qui, dans la personne, exclut qu'on la caractérise comme objet.
Un objet est quelque chose qu'on « utilise ».
A quel moment l'utilisation d'une personne la réduit-elle a un objet ?
Mais après tout, faire d'une personne un objet, est-ce nécessairement une réduction ? Un héros, une star, qui font
l'objet d'adoration, ne voient-ils pas leur personne élevée au rang d'objet mis sur un piédestal, un objet que l'on
adore, un objet auquel on se compare ? Par ailleurs, on se désole à l'idée d'associer la personne et l'objet, mais les
magazines people, qui ont un succès croissant, qui mettent à nue au propre comme au figuré des personnes, ne
considèrent-ils pas personnes publiques comme des objets ?
Il convient donc, afin de savoir si la personne est un objet ou non, de se demander quelle est la définition de la
personne, et ensuite de se demander jusqu'à quel point, ou dans quelles limites, cette définition exclut ou pas
l'homme du domaine des objets.
Dans une première partie, on verra que la personne n'est pas un objet matériel.
Ensuite, on verra qu'elle n'est pas
non plus une chose utile, mais une « fin en soi ».
Ensuite, on verra en quel sens toutefois ma personne est un objet
pour les autres.
On rappellera cependant en quatrième et dernière partie que la considération de la personne comme
objet ne doit jamais franchir certaines limites.
PREMIERE PARTIE :
La « personne » n'est pas saisie par la conscience comme un « objet ».
En premier lieu, il faut se demander si la « personne » est simplement quelque chose qu'on « saisit » comme objet,
au sens ou un corps est un objet, matériel et quantifiable.
La personne constitue l'identité d'un individu.
Distinguée de la substance, du corps de chacun, la personne est un
être qui « se connaît soi-même comme le même ».
La conscience des actions, la responsabilité à leur égard, est ce qui construit la personne.
Capable de dire Je, la
personne est alors capable d'affirmer son existence.
LOCKE, Essai philosophique concernant l'entendement humain, livre II, chap.
XXVII, §9
« Cela posé, pour trouver en quoi consiste l'identité personnelle, il faut voir ce qu'emporte le mot de personne.
C'est, à ce que je crois, un être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui se peut consulter
soi-même comme le même, comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux, ce qu'il fait
uniquement par le sentiment qu'il a de ses propres actions, lequel est inséparable de la pensée, et lui est, ce me
semble, entièrement essentiel, étant impossible à quelque être que ce soit d'apercevoir sans apercevoir qu'il
aperçoit.
Lorsque nous voyons, que nous entendons, que nous flairons, que nous goûtons, que nous sentons, que
nous méditons, ou que nous voulons quelque chose, nous le connaissons à mesure que nous le faisons.
Cette
connaissance accompagne toujours nos sensations et nos perceptions présentes, et c'est par là que chacun est à
lui-même ce qu'il appelle soi-même.
On ne considère pas dans ce cas si le même Soi est continué dans la même
substance, ou dans diverses substances.
Car puisque la con-science accompagne toujours la pensée, et que c'est
là ce qui fait que chacun est ce qu'il nomme soi-même, et par où il se distingue de toute autre chose pensante :.
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