La pensée naît-elle de l'action ?
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«
Au premier abord, il semble que la pensée ne naisse pas de l'action mais bien au contraire de l'inaction.
Plus d'un
philosophe affirme, en effet, qu'il faut se détourner de l'action pour philosopher, et que penser est l'inverse d'agir.
Nul n'affirme cette idée avec plus de force que Platon.
Selon lui, mute action est un affaiblissement de la pensée.
La
découverte du vrai exige une véritable conversion : se détacher des apparences d'ici-bas et contempler les Idées.
Pourtant, la pensée de Platon est imprégnée de considérations politiques.
En témoigne, La République et Les Lois,
deux de ses plus grandes oeuvres.
C'est e partir de sa propre expérience politique que Platon est amène a louer la
vraie philosophie et a affirmer que, a sa lumière seule, on peut reconnaitre où est la justice dans la vie publique et
dans la vie privée.
Et c'est aussi parce que le bonheur collectif lui parait encore possible qu'il réfléchit aux problèmes
de l'organisation de la Cite et des libertés civiques.
On le voit, la pensée de Platon ne naît pas dans un ciel
intelligible mais s'enracine dans la pratique politique de son temps.
La pensée nait-elle de l'action ou de l'inaction ?
La pensée naît de l'action.
En effet, si l'homme pense, ce n'est pas par un don de Dieu ou parce qu'il a un gros cerveau.
On doit a LeroiGourhan d'avoir montre dans Le geste et la parole que le premier critère biologique de l'humanité, et le plus
important de tous, c'est la station verticale qui a pour conséquence la libération de la main : « La liberté de la main
permet forcement une activité technique différente de celle des singes et sa liberté pendant la locomotion alliée a
une face courte et sans canines offensives commande l'utilisation des organes officiels que sont les outils.
La main
n'est « pas un outil, mais plusieurs » (Aristote, IVe siècle av.
J.C, Traité des Parties des animaux).
La main, a écrit
Kant (XVIIIe s.) signale chez l'homme le « congé définitif» que l'intelligence donne à l'instinct.
La main, organe doué d'expressivité.
Pensez aussi au caractère éminemment individuel de la main : empreintes
digitales, graphologie, lignes de la main, expressivité de la main du musicien, etc.
A la différence de l'animal, l'homme crée les moyens de son travail : les outils.
L'outil est une sorte de ruse de la
raison, qui se détourne provisoirement du but à atteindre, pour construire un moyen d'action efficace : fabriquer un
marteau, c'est différer d'enfoncer le clou...
pour l'enfoncer plus facilement.
Marx a repris à son compte la définition
de Franklin : l'homme, écrit-il, est un toolmaking animal, un « animal fabricateur d'outils » (Le Capital, 1867).
On dit
souvent, dans le même sens, que l'homo sapiens est d'abord un homo faber.
L'homme ne se différencie donc pas d'abord de l'animal par la pensée mais par ses caractéristiques physiques.
Et,
c'est par le travail — que rend possible la préhension de l'outil — que l'homme se produit lui-même dans l'histoire a
partir de la nature.
En transformant la nature, l'homme transforme, en effet, sa propre nature et développe ses
facultés physiques et intellectuelles.
L'« homo faber » et l' homo sapiens sont donc un seul et même homme.
Au
commencement, l'homme agit donc.
D'ou naît la pensée scientifique ? De l'action, c'est-à-dire de l'activité technique
et économique.
La pensée mathématique grecque s'est développée sur la base des activités pratiques comme l'agriculture,
l'artisanat, le commerce.
C'est si vrai que les termes mêmes qui désignent les sciences le montrent : la « géométrie
» est l'art de la mesure de la terre ou arpentage, la « logistique » — nom platonicien de notre arithmétique — est
l'art du calcul pratique par les marchands.
L'astronomie, au XVIIe siècle, s'est développée a partir de l'invention de la lunette...
Ainsi, les idées, la pensée, ne progressent que dans la mesure où a la base il y a le travail, l'action.
L'enfant ne
pense pas spontanément.
Il naît, dit Lucien Malson, « psychiquement prématuré ».
Le processus essentiel dans le
développement de l'enfant, c'est donc, comme le montre le psychologue Leontiev, « l'assimilation » ou «
appropriation » de l'expérience accumulée par l'humanité au cours de l'histoire de la société.
Le cerveau, dit-il, «
contient virtuellement non pas telle ou telle aptitude, mais seulement l'aptitude a la formation de ces aptitudes ».
Ainsi l'enfant doit s'hominiser », c'est-a-dire qu'il doit apprendre a marcher, a parler, a penser ; il doit assimiler le «
patrimoine social » pour accéder a l'humanité.
Et, de ce point de vue, tout le développement multiforme de l'enfant
est conditionne par son activité.
C'est, par exemple, en manipulant des objets que l'enfant assimile le concept de
quantité.
La pensée de l'enfant ne se développe donc que sur la base de son action.
Non seulement la pensée naît de l'action
mais elle est, elle-même, action.
La pensée n'est, en effet, rien d'autre qu'un moment de l'action.
La pensée coupée
de l'action devient rêve ou utopie et ne mérite plus le nom de pensée.
Seule est digne d'être appelée pensée,
l'action.
La foi qui n'engage pas la vie, qui n'agit pas, n'est pas sincère.
Le marxisme n'est pas seulement une
théorie, une philosophie, une idéologie, c'est aussi une manière de vivre.
« Les philosophes, dit Marx, n'ont fait
qu'interpréter le monde de différentes manières, faut le transformer.
».
»
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