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La passion, mouvement naturel ?

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« Descartes : la passion comme passivité Descartes reprend, dans son Traité des passions, l'antique définition de la passion comme état de pure et simple passivité.

Mais, plutôt que de se borner à prononcer une condamnation contre les passions, il tâche de les comprendre rationnellement.

«Nous devons penser que ce qui est en l'âme une passion, écrit-il, est communément une action dans le corps» (ibid., § 3 - 1649). Si la passion suppose quelque emprise du corps sur l'âme, elle est assurément un état dans lequel le sujet n'agit pas en vertu de sa volonté propre. Elle fait «paraître, presque toujours, tant les biens que les maux qu'elle représente, beaucoup plus grands et plus importants qu'ils ne sont» (ibid.

cit., art. 138). La réflexion a engendré deux idées hétérogènes : celle d'étendue matérielle, celle de pensée.

C omment rendre compte de l'unité de l'homme à partir de ce dualisme tranché entre deux natures ? 1.

De la mécanique à la vie A .

L'animal-machine La nat ure de l'âme est distinc te de celle du corps.

Cons idérant le corps comme un pur objet matérie l, Des carte s en fait une théorie mécaniste'. L'organisme n'est qu'une grand e machine pe rfectionnée, entièrement explicable par les lois de la physique.

Inutile de rec ourir à un principe immatériel d'animation pour expliquer la vie.

Tout n'est que leviers, tuyaux, chaudière...

L'animal, pure machine selon Descartes, ne ressent rien, il réagit de manière purement mécanique. C e modè le e st fécond pour les scienc es – la médecine en particulier, qui cherc he à comprendre le, fonctionnement du c orps pour agir sur lui.

Mais il est philosophiquement limité.

Il ne nous révèle pas l'être même du corps. B.

L'union de l'âme et du corps En effe t, cette conception, utile scientifiquement, ne correspond pas à l'expérie nce véc ue de notre corp s.

N ous n'utilisons pas notre c orps co mme un outil extérieur à nous-mêmes.

Le corps n'est pas une chose comme les autres ; il est mon corps. Si mon â me y était jointe comme à un s imple objet, e lle prendrait connaissa nce de so n état comme un capitaine c onsta te les avaries s ur son ba teau, à distance et sans douleur.

Mais voilà, « je ne suis pas dans mon corps comme un pilote en son navire » (Méditations métaphysiques, VI) : je ne constate pas les lésions de mon corps, je les ressens violemment ; mon corps, c'est moi. Je n'ai pas un corps comme on a une voiture ; je suis étroitement uni à lui ; bien plus, je ne fo rme qu'un seul tout avec lui ; pourtant, je ne suis pas non plus mon corps, au sens où je m'y réduirais ; je suis âme et corps.

Il est quasi impossible de concevoir cette union de deux natures distinctes ; pourtant, c'est un fait, puisque chacun la vit tous les jours. 2.

Les passions et la liberté A .

Les passions Si l'âme meut vo lo ntairement le c orps, le corps me ut auss i l'âme.

Les pas sions sont l'ensemble des émotions de l'âme qui sont c ausées par les mouvements ou états non volontaires du corps (exemple : la faim). La pas sion incline l'âme à v ouloir des choses auxquelles elle a d'abord disposé le co rps.

A insi la v ue d'un fauve , en a ccélérant mon rythme cardiaque, en nouant ma gorge, etc., dispose mécaniquement mon corps à fuir, pour faire cesser ce malaise.

Mon âme, affectée de peur, croit vouloir la fuite alors que c'est le corps qui l'y entraîne. Desc artes racont e qu'il a res senti longte mps une passion inexpliquée pour les femmes qui louchent .

Elle cessa le jour où o n lui rappela qu'il a vait été, très jeune, amoureux d'une jeune fille qui louchait : l'amour s'était mécaniquement associé, dans son cerveau, à l'image d'une fille qui louche.

Il était vain de chercher des raisonnements inconscients pour expliquer sa passion ; elle n'était que mécanique.

Le seul inconscient, c'est le corps. Les pa ssions so nt bonnes en elles-mêmes c ar elles nous meuvent.

Mais si elle s ne sont p as réglées par la raison, elles peuvent nous perdre, en nous menant où nous ne devrions pas.

L'énergie passionnelle doit nous servir, non nous asservir. B.

La générosité Ne pouvant agir de fro nt cont re les pass ions, la vo lo nté peut le faire indirec tement , par une sort e de ruse.

Prenons un exemple.

C omment vaincre la peur ? Non pas simplement en me disant qu'il ne faut pas avoir peur, mais en liant, par l'habitude, à mes mouvements spontanés l'idée de tout ce que la fuite a d'inefficace, ou de honteux.

A insi, ma fuite sera empêchée. Le plus que la volonté puiss e fa ire, en c as de pas sion violente , n'es t donc pas de s'empêc her de la ress entir, mais de ne pas c onsentir à s es effets.

Les exhortations sont inutiles, c'est la connaissance du mécanisme passionnel qui permet de se dresser soi-même. Mais alors que les faibles te ntent d e faire jouer les pass ions les unes c ontre les autres, sans t rouve r de vraie sta bilité, les âmes fort es opposent à to utes les passions la générosité*, qui est la passion – spirituelle – de la liberté. Spinoza : naturalité de la passion C ondamner la passion sans appel, c'est considérer l'homme comme un «empire dans un empire» ; c'est admettre, par conséquent, un pouvoir absolu de l'âme sur les passions et la possibilité, pour l'homme, de ne pas en avoir ! Le faux principe sur lequel s'appuient les censeurs de la passion, c'est l'illusion du libre arbitre : le sage spinoziste tient, quant à lui, la passion pour naturelle et inévitable ; c'est la connaissance vraie des passions qui peut seule nous libérer de toute servitude à leur égard. A .

Mécanisme des passions C 'est en effet l'imagination qui préside au développement des passions.

Elle procède par rapprochements, associations, ressemblances vagues, causalités illusoires, — loin de tout rapport conforme à l'ordre réel des choses.

Subir des passions, c'est avoir l'âme passive, c'est-à-dire ignorante des causes. V oyons à l'o euvre la logique passionnelle.

Si j'ai véc u mon plus grand chagrin a u printemps, cette saiso n sera cause de trist esse, sans raison qui tienne au printemps lui-même.

De même, si je subis un outrage d'un homme membre d'une communauté quelconque, je garderai une méfiance irrationnelle envers tous les membres de cette communauté, par simple généralisation.

Si une chose qui m'agace a une ressemblance avec une autre que j'aime, je la haïrai et l'aimerai en même temps : c'est le flottement de l'âme, ou ambivalence. B.

L'homme passionnel Entraîné s par ces associat ions automatiques, nous sommes réduits en esc lavage par nos pas sions.

Passifs, nous s ommes séparés de notre puissance, rendus étrangers à nous-mêmes.

Les passions tristes en particulier nous amenuisent, nous détruisent. Nous pensons, par exemple , à la mort, ce qui est c ontraire à t oute sagesse , ca r la mort est une idée ina déquate, étrangère à not re nature qui n'implique qu'affirmation d'elle-même dans le conatus.

En ce sens, le sage doit vivre comme s'il n'allait jamais mourir.. »

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