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La passion est-elle toujours et nécessairement nuisible ?

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« On définit généralement la passion comme un dérèglement de tout l'être, un déséquilibre durable et profond à partir de tendances fondamentales, l'absorption du moi normal par un moi pathologique.

Bien que le sens commun réserve au passionne une certaine indulgence, la morale est souvent sévère avec lui.

Les passions sont l'objet d'un désaveu assez général qui n'a d'égale que l'obstination avec laquelle l'homme s'y laisse entraîner.

Toutefois ni le sens commun ni la philosophie ne peuvent passer sous silence le fait que les passions provoquent une certaine exaltation, développent les forces de l'individu ; on ne peut nier davantage qu'elles aient en certains cas des effets favorables. Comment s'explique cette ambiguïté ? Et faut-il tenter d'en « purger » l'homme ? selon l'expression employée par Racine dans la préface de Phèdre. Cette influence du moraliste est si grande que lorsque nous voulons prendre un exemple de passions, nous songeons aussitôt à celles que les artistes ont liées à des catastrophes : Phèdre, que son amour pour Hyppolite pousse au meurtre et à l'inceste, l'Avare qui tyrannise se famille, etc.

Tous ces personnages peuvent être dits passionnés, non pas seulement en ce qui concerne l'objet qu'ils désirent ou chérissent, mais aussi dans toutes les circonstances de leur vie.

C'est donc un exemple de passion néfaste que nous choisirons pour analyser le mécanisme de la passion car, si nous parvenons à montrer que l'élan impulsé à l'homme par la passion n'est pas mauvais par lui-même, mais à cause d'autres circonstances, nous aurons répondu à la question posée qui admet implicitement l'ambiguïté fondamentale de la passion. La passion est une forme excessive sans doute et définie comme pathologique de la vie affective : elle suppose l'existence d'instincts et l'organisation complexe des tendances ; dans le cas des passions de l'amour, l'instinct sexuel constitue ce substrat.

La psychanalyse a montré l'importance de ces pulsions fondamentales, qu'elle désigne par le mot sans doute trop large de « libido ». Mais l'homme est un être en qui la raison et les instincts coexistent très rarement, ceux-ci se présentent à l'état pur, des constructions rationnelles les orchestrent pour ainsi dire.

Ce qu'on appelle le roman psychologique ou d' analyse » en France a d'ailleurs contribué à tirer au clair le rôle joué dans la naissance et la mort des passions par les « infiniment petits » : les émotions, les sentiments, les « superstructures » logiques, etc...

Stendhal dans De l'Amour, compare cette structuration progressive de la passion, où l'objet aimé se trouve enrichi spontanément par toutes les pensées et acquisitions spirituelles de l'amant, au phénomène naturel de la « cristallisation » : le rameau séché que l'on plonge dans certaines sources réapparaît couvert de cristaux qui lui donnent un aspect féerique. Si la passion transfigure son objet, elle transforme aussi celui qui l'éprouve ; sans doute on peut parler souvent d'idée fixe ou d'obsession; mais si le passionné néglige une partie du monde, c'est pour mieux voir l'autre.

pourrait comparer le mécanisme de la passion, malgré le dérèglement qu'il comporte à celui, tout a fait normal, de l'attention. L'attention s'accompagne d'une distraction pour tout ce qui n'est pas son objet ; c'est même ainsi qu'elle parvient à un surcroît de clarté.

L'avare de même ne s'intéresse guère à la santé de ses proches, mais on ne saurait nier qu'il gère bien ses affaires.

Les quelques pages que Balzac consacre à l'ascension du père Grandet, nous le montrent non seulement avisé, mais intelligent et parvenant à une véritable conscience politique en ce qui concerne l'évolution économique et sociale de la France en ce début de XIXe siècle.

Il constitue sa fortune à partir de ln nationalisation des biens du clergé, la consolide avec baisse de l'assignat, la développe en utilisant les consignes du libéralisme de Guizot.

Aussi bien le passionné a de la suite dans les idées et, ce qui est mieux encore, a des idées.

Il ne s'en contente pas, d'ailleurs ; il agit.

Il agit d'abord et justifie ensuite.

C'est ce qu'on appelle la logique passionnelle, celle du coeur qui trouve « des raisons que la raison ne connaît pas ».

On aboutit ainsi à des sophismes et à des catastrophes ; mais ces sophismes sont poursuivis jusqu'à l'absurde et mettent souvent sur la voie d'idées profondes et justes et dans ces catastrophes où l'homme semble chercher lui-même sa perte, i! y a quelque chose d'absurde et de beau qui paraît donner la mesure de notre destin.

On comprend le culte que le romantisme a 'voué aux passions; nous leur devons, du moins on pourrait le croire, une connaissance plus obscure, mais plus véritable du réel. Mais peut-on, comme nous l'avons fait considérer le mécanisme de la passion sans tenir compte de son objet qui peut être bon ou mauvais ? Même dans une analyse superficielle, une telle attitude s'est avérée impossible.

Toute passion sans doute dégage une potentialité : nous passons d'une tension moindre à une tension plus grande, mais cette potentialité s'oriente et s'adapte différemment suivant l'objet auquel elle s'applique.

Un même élan anime le héros qui se bat pour une cause juste et le soudard au service d'un chef de guerre qui opprime les peuples ; tous les deux sont appelés « braves » ou courageux parce qu'ils combattent souvent presque seuls.

Et cependant rien de semblable dans leur conduite pour celui qui y regarde de plus près.

L'un défie la mort, pour se prouver qu'il existe, parce qu'il n'a pas le respect de l'existence d'autrui ; l'autre ne la défie pas, il en accepte le risque parce qu'il sait. »

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