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La passion est-elle refus du temps ?

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« VOCABULAIRE: PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). TEMPS: Milieu indéfini et homogène, analogue à l'espace, dans lequel se déroulent les événements. Temps objectif: Mouvement continu et irréversible (« flèche du temps ») par lequel le présent rejoint le passé. Temps subjectif: Sentiment intérieur de la temporalité, telle qu'elle est vécue par le sujet (synonyme : durée). Si la passion peut bien refuser la sagesse de la raison, comment pourrait-elle seulement refuser ce à quoi nul ne saurait échapper, le temps ? Pourtant, en un sens, la passion a raison car elle sait bien que le temps, tel Kronos qui dévore ses enfants, détruit tout sur son passage.

Mais en un autre sens, la passion s'abuse car en refusant le temps, ne s'interdit-elle pas tonte histoire ? Pour vivre, la passion a besoin du temps, mais le temps est aussi ce qui la tue.

C'est cette dialectique que ce sujet nous invite à penser, en interrogeant les rapports ambigus de la passion et du temps, et dont il faudra se demander si c'est seulement en termes de refus que l'on doit les concevoir. La passion est un état affectif qui partage avec l'émotion une même intensité.

Toute passion, que ce soit la passion amoureuse (Phèdre) ou la passion de la vérité (Socrate), se caractérise par une vivacité et une puissance d'exaltation qui défient toute raison mais qui se heurtent à la toute-puissance du temps.

En effet, le temps, considéré dans sa durée, engendre l'habitude.

Or, l'habitude émousse la passion la plus vive, lui fait perdre son caractère exceptionnel, et par là même toute intensité.

Ce que nous possédons par coutume nous affecte moins fortement.

La passion ne peut être intensive qu'en refusant d'être extensive, de se prolonger dans le temps.

Une passion qui s'installe n'est plus au sens strict une passion, mais devient un sentiment.

L'habitude transforme la passion amoureuse en sentiment amoureux moins intense mais plus durable. Le temps peut avoir un effet encore plus destructeur, emportant avec lui la passion, la détruisant clans son essence.

Quel est-il ? L'intensité de la passion est due au processus d'idéalisation de son objet, processus que Stendhal appelle cristallisation (De l'amour).

Comme un simple morceau de bois terne devient brillant grâce aux cristaux de sel qui s'y déposent, l'être aimé concentre sur lui la somme des rêves, des espoirs, des fantaisies de l'imagination de l'amant.

Lucrèce nous offre quelques vers célèbres de cette puissance d'illusion de la passion amoureuse : « La malpropre qui sent mauvais est une beauté négligée.

La bègue, incapable de parler, gazouille ; la muette est pudique...

» (De la nature des choses, IV). Or, si la passion est aveugle, le temps nous ouvre les yeux sur la réalité de l'être aimé ; le temps guérit des illusions car il rend à la raison la puissance que lui a d'abord retirée la passion.

Le temps nous fait retrouver l'usage de notre raison qui s'aperçoit alors de la banalité de l'objet de la passion.

La patience est cette qualité de la raison qui consiste à compter sur le temps pour triompher de l'emportement de la passion.

Le temps est l'allié du sentiment et de la raison, mais il est l'ennemi mortel de la passion. Si la passion, pour être, doit refuser le temps, ce refus ne lui retire-t-il pas toute possibilité d'exister ? Car le temps n'est pas seulement destructeur, il est aussi créateur.

Quelle est donc exactement la nature de ce refus ? Intense comme l'émotion, la passion est aussi durable, comme le sentiment.

Or, durer.

c'est être dans le temps.

La passion n'est pas soumise au temps comme l'émotion qui apparaît brusquement et disparaît tout aussi brusquement sans durée appréciable.

Une passion ne se réduit pas à un choc émotionnel ; elle naît dans le temps et s'y développe. Pour être, elle a besoin du temps car c'est en lui qu'elle s'épanouit.

En effet, la passion provient du désir qui produit une émotion agréable.

Elle est un devenir, un prolongement du désir qui ne s'éprouve plus seulement comme ponctuel mais qui s'installe dans le temps en devenant quasi obsessionnel.

Le désir de collectionner un objet quelconque devient ainsi une passion chez le collectionneur quand l'objet de la collection accapare tout le temps de l'individu et occupe son esprit (le manière exclusive.

C'est donc le temps qui est révélateur (l'une passion véritable. Loin d'être un refus du temps, la passion se révèle comme force de résistance au temps et la nature d'une force se définit par rapport à l'obstacle qu'elle surmonte.

En résistant à l'épreuve du temps, la passion se distingue alors de l'émotion passagère ; mais devient-elle alors semblable au sentiment qui, lui aussi, dure ? Si l'émotion se déroule dans la précipitation...

la passion au contraire se donne le temps et, aussi puissante qu'elle soit, elle réfléchit pour atteindre son but » (Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, § 74).

L'intensité de l'émotion est passive, celle de la passion résulte de son activité, activité qui la distingue alors du sentiment.

Ainsi, le sentiment de haine devient passion quand la haine n'est plus seulement éprouvée passivement, mais quand elle devient un mobile de l'action.

La passion de la haine nous fait agir et utiliser notre raison, par laquelle nous élaborons une stratégie pour nous venger.

La passion utilise la patience de la raison pour parvenir à sa fin, car la patience comme qualité de persévérance dans le temps, est la vertu même de la réussite. La passion fait donc du temps son complice ; mais en en faisant son allié, ne fait-elle pas encore plus, ne lui confère-t-elle pas sa vraie réalité ?. »

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