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La mort rajoute-t-elle de la valeur à la vie ?

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« Si la mort ajoute de la valeur à la vie, alors la vie a déjà une valeur.

La mort serait de l'ordre de la valeur ajoutée. Le verbe "ajouter" est important : à priori nous concevons la mort comme manque, défaut, signe de notre imperfection par rapport à l'éternité et immortalité comme signes du divin.

Comment alors l'envisager d'un autre point de vue comme quelque chose qui ajoute ? La mort est la fin de la vie, alors comment peut-elle ajouter de la valeur à celle-ci dans la mesure précisément où il n'y a plus de vie après la mort ? La mort est-elle une épreuve ultime (ne dit-on pas qu'il nous faut affronter la mort ?), ou une fin au sens d'une échéance, ou est-elle une représentation, en tant que conscience de notre finitude ? La valorisation de la vie par la mort vient prendre place dans la distinction entre simple vie biologique et existence (voir les textes des existentialistes, en particulier Être et temps de Heidegger).

L'animal vit ; l'homme existe et la conscience de notre mortalité n'est pas étrangère à cette distinction. De même nous ne nous contentons pas de la seule survie biologique, nous cherchons à donner un sens à notre existence : il faut du désir dans notre vie, faute de quoi nous sombrons dans la mélancolie et nous pouvons choisir d'abréger la vie.

Autrement dit la vie n'est pas la condition suffisante pour que l'on continue à vivre, il nous faut sans arrêt des raisons de vivre contrairement à l'animal.

Sans valeur, la vie ne mériterait pas d'être vécue, ne vaudrait pas la peine d'être vécue.

En quel sens donc la mort peut offrir cette valeur en plus ? Elle permettrait à la vie d'avoir un sens (une direction et une signification) ; elle orienterait une morale ou permettrait sa constitution : ainsi de la morale épicurienne du "Carpe diem", "profite de l'instant présent".

De même, on peut se demander si le fait de risquer sa vie n'augmente pas sa valeur, son prix.

Risquer sa vie (pouvoir mourir, se sentir menacé au plus près par la mort) serait la raison qui ferait qu'on voudrait vivre. Introduction La mort tient une place centrale dans la pensée humaine.

Et pourtant nul homme ne sait ce qu'elle est, puisque, ainsi que l'observait Kant, « personne n'en peut faire l'expérience en elle-même (car faire l'expérience relève de la vie), mais on ne peut que la percevoir chez les autres » (Anthropologie, § 27).

Toutefois, si la connaissance de la mort est impossible, si même, comme le dit Alain, « la mort ne s'imagine point », l'homme reste obsédé par elle et s'efforce de l'expliquer : ainsi pourra-t-il l'envisager soit comme une autre vie, soit comme un anéantissement. Mais ces représentations de la mort seront-elles sans incidence sur sa conception de la vie ? À ses yeux, la mort ajoute-t-elle à la valeur de la vie, ou, au contraire, l'amoindrit-elle? La mort dévalorise la vie La mort comme vie supérieure Une attitude courante vis-à-vis de la mort, soutenue le plus souvent par les croyances religieuses, consiste à déréaliser la mort en la pensant comme un passage vers une forme de vie supérieure et non comme le terme ultime de la vie.

Certaines religions (le christianisme par exemple) voient dans la mort non un anéantissement, mais le commencement d'une nouvelle vie, éternelle - qui est la vraie vie - d'absolue félicité, l'âme y pouvant jouir de la vision béatifique de Dieu.

Aussi, au regard de cette vie, la vie d'ici-bas, éphémère et malheureuse, ou du moins d'un bonheur toujours mêlé, apparaît-elle de peu de valeur. Cette position se rapproche de celle de Platon, pour qui la mort signifie cependant avant tout un détachement de l'âme immortelle du corps périssable qui, l'enchaînant dans le monde du faux-semblant et de l'apparence, l'empêche de connaître le Vrai et le Bien: « Nous avons eu la preuve, explique Socrate dans le Phédon, que si nous devons jamais savoir purement quelque chose, il nous faudra nous séparer du corps et regarder avec l'âme en elle-même les choses en elle-mêmes.

C'est alors, à ce qu'il semble, que nous appartiendra ce dont nous nous déclarons amoureux: la pensée; oui, alors que nous aurons trépassé, et non point durant notre vie! » (Phédon, 66 d-e).

Ainsi le philosophe doit-il, écrit Cicéron, « sortir avec joie de ces ténèbres, pour gagner le séjour de la lumière » (Tusculanes, I, 30), et le même Cicéron nous rappelle qu'après avoir lu l'ouvrage de Platon, Cléombrote d'Ambracie, dans sa hâte de jouir des félicités de l'autre monde, se jeta dans la mer du haut d'un rempart.

Là encore, la mort, loin d'ajouter à la valeur de la vie, en offrant une perspective d'une vie meilleure et éternelle, déprécie cette vie dont elle est le terme. La mort comme néant : l'absurde Toutefois, rien n'interdit de penser la mort dans sa radicalité, comme terme absolu et ultime de la vie.

Cette conception tragique s'accompagne souvent d'un refus de l'idée de Dieu et d'âme.

L'athéisme ramène la mort à un néant.

Mais en considérant la mort comme un néant, l'homme découvre le sentiment de l'absurde.

Car « si à la mort du ' corps qui me soutient, et que j'appelle mien pour le distinguer de moi-même, la conscience retourne à l'inconscience absolue d'où elle était sortie, et s'il arrive de même à celle de tous mes frères en humanité, alors notre laborieuse race humaine n'est plus qu'une fatidique procession de fantômes, qui vont du néant au néant » (Miguel de Unamuno, Le Sentiment tragique de la vie, Gallimard, 1937, coll.

Idées, p.

32).

Du coup, la vie perd tout sens, et par là toute valeur. La mort mesure la vanité de la vie. Ainsi la mort, de quelque manière qu'on l'envisage, semble retirer de la valeur à la vie, en nous en faisant mesurer toute la vanité.

C'est ce qu'ont souligné avec force les stoïciens, qui ne se préoccupèrent cependant guère d'eschatologie.

Ainsi Marc Aurèle écrit-il : « Dans un instant, tu ne seras plus que cendre ou squelette, et un nom, ou plus même un nom.

Le nom : un vain bruit, un écho ! Ce dont on fait tant de cas dans la vie, c'est du vide,. »

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