La mort est-elle un problème ?
Extrait du document
«
La mort semble être par définition ce qui nous échappe, ce que nous ne pouvons connaître par expérience,
et peut-être, par conséquent, ce que nous ne pouvons nous représenter.
Se demander si la mort est un problème
peut alors apparaître comme une question qui se pose à deux niveaux.
D'une part, il s'agit de se demander si la mort
doit être comprise comme la négation de la vie, comme sa cessation, et donc comme ce qui pose problème à
envisager du point de vue du vivant, par son caractère négateur et négatif.
D'autre part, cette question invite à se
demander si la mort peut accéder au statut de problème, c'est-à-dire si son statut d'autre de la vie,
d'inconnaissable absolu, empêche d'en faire un objet de pensée, si poser le problème de la mort est vain, voire
nuisible, ou s'il est possible et souhaitable de tenter de la penser.
L'homme doit-il se confronter au problème qu'est
pour lui la mort, ou bien faut-il penser soit que la mort n'est pas en elle-même problématique, soit qu'elle est
impensable et qu'il vaut mieux nier son existence ? Nous verrons dans un premier temps que la mort n'est pas un
problème précisément parce qu'elle est la négation de la vie et qu'il est pour cela vain d'essayer de la penser.
Nous
envisagerons alors l'idée que la mort peut être pensée, mais qu'il s'agit de la mort du corps qui n'est pas
problématique, et qui est même positive, au vu de la nature immortelle de l'âme, Nous verrons alors que la mort doit
être un problème envisagé pendant la vie car une existence authentique consiste à affronter le problème qu'est la
mort.
1° La mort n'est pas un problème car vie et mort s'excluent mutuellement
La philosophie d'Epicure affirme que la peur de la mort doit être surmontée : la question pour lui n'est pas
même de se demander si la mort est un événement positif ou problématique quant à la vie, car le fait qu'on ne
puisse la penser pendant la vie en fait un non-événement, un événement neutre dont nous n'avons pas même à
interroger la valeur.
La mort, dans la perspective matérialiste d'Epicure, est la fin de toute sensation et donc la
cessation qui en fait le contraire et l'autre de la vie : la mort et la vie sont donc deux états qui s'excluent
mutuellement .
Il faut alors affirmer que « la mort n'est rien pour nous », car si nous sommes en vie, elle n'est pas,
et si elle est, alors nous ne sommes plus en vie et donc nous ne sommes plus en mesure de la craindre et de la
penser.
Dire que la mort n'est rien amène à lui dénier tout statut positif au niveau d'une pensée qui essaierait de
saisir le problème qu'elle pose, et la crainte de la mort est donc sans objet puisqu'elle présuppose que nous allons
avoir une expérience de la mort, ce qui n'est pas le cas puisque sensation et mort sont exclusives l'une de l'autre.
Dans la Lettre à Ménécée, Épicure conduit une réflexion opposée à celle du
platonisme : elle s'en tient à un strict matérialisme.
La mort n'est pas une
évasion de l'âme, elle est un pur non-être qui ne nous concerne en rien,
puisque vivants, nous appartenons à l'être.
"Tout bien et tout mal résident
dans la sensation ; or, la mort est la privation complète de cette dernière."
Ensuite, sachant que notre durée de vie est limitée, nous serons
heureusement pressés de jouir raisonnablement des biens de la vie.
La pensée
de la mort dissipe l'angoisse d'une vie illimitée, en laquelle nous aurions à
choisir et agir en vue de l'éternité.
Pour l'existence humaine, l'éternel n'est
jamais en jeu : il n'y a rien de si grave qui mérite un souci sans limites.
De
plus, les dieux immortels, qui jouissent d'une béatitude infinie, ne se soucient
pas des affaires humaines.
Si la mort n'est rien pour nous, nous ne sommes,
mortels, rien pour les dieux : leur jugement n'est pas à craindre.
Il ne faut
donc se soucier ni de la mort elle-même, ni de l'attente de son heure.
Une
chose absente ne peut nous troubler, et quand la mort advient, c'est que
déjà nous ne sommes plus là pour en souffrir.
L'homme ne rencontre jamais sa
propre mort, et le "passage" est aussi irréel et inconsistant que l'instant
présent qui sépare le passé du futur.
La mort n'est rien, comme le pur instant
présent, sans passé ni avenir : "La mort n'a par conséquent aucun rapport
avec les vivants, ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les
premiers, et que les derniers ne sont plus." La mort ne doit être pensée ni
comme un mal, ni comme une délivrance.
Si ne pas exister n'est pas un mal,
la vie comporte des joies qui peuvent être très agréables.
Vivre sagement, ce n'est pas chercher à jouir le plus
longtemps possible, mais le plus agréablement qu'il se peut.
La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plus grandes craintes : la
crainte de la mort.
Les hommes ont peur de la mort.
Mais que redoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans
l'absolument inconnu.
Ils ne savent pas ce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne
leur soient infligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.
Les chrétiens, par exemple, imagineront que
quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans les flammes de l'enfer.
La peur de la mort a
partie liée avec les superstitions religieuses dont la métaphysique matérialistes nous libère.
De plus, si tout dans
l'univers n'est fait que de matière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,
lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, ce n'est que notre corps qui
se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé ou malade), puis en tous.
Dès lors, rien de notre être ne
survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».
Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée,
la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps, ont tort.
Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ; mais si elle n'est qu'un agrégat
d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient, et même, selon l'expérience la plus commune, il faut
penser qu'elle est la première à se décomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation,.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La mort de Jules César
- ROME, OU LE CULTE DE LA MORT VOLONTAIRE
- Explication de texte epicure sur la mort
- La religion, une réaction contre la pensée de la mort ?
- FICHE: LA MORT