La morale s'apprend-elle ?

« VOCABULAIRE: MORAL(E): Moral: 1) qui concerne la morale.

2) qui est conforme aux règles de la morale; opposé à immoral. Morale: ensemble des règles de conduite -concernant les actions permises ou défendues- tenues pour universellement et inconditionnellement valables. Introduction Des enfants à qui l'on n'apprend jamais les règles de la vie en communauté développent rapidement des comportements violents; un jeune à qui l'on « fait la morale » rejette souvent ce qu'on lui enseigne; deux enfants éduqués de façon semblable développent souvent des comportements très dissemblables à l'égard de la morale. Cette dernière s'apprend-elle ? Dépend-elle au contraire du tempérament de chacun? Nous analyserons dans un premier temps les différents aspects de l'éducation morale; nous nous demanderons alors ce que la morale, au-delà de cet enseignement, comporte de strictement personnel; nous nous demanderons enfin si la morale, ensemble de règles et de devoirs faisant l'objet d'un apprentissage, ne doit pas être replacée dans un cadre plus large que l'on pourrait appeler l'éthique. Reprenant l'idée de res publica, nous montrerons tout d'abord que la politique semble à l'évidence être l'affaire de tous; prenant en compte les difficultés d'une application concrète de ce principe, nous examinerons les conséquences qu'entraîne l'idée que la politique n'est que l'affaire de quelques-uns; enfin, nous montrerons que l'idée d'une politique qui soit véritablement l'affaire de tous constitue une exigence pour la démocratie. I.

L'éducation morale Vivant en société sans que l'instinct lui dicte sa conduite, il semble que l'individu humain ait évidemment besoin d'apprendre la morale, c'est-à-dire la façon de se comporter au sein du groupe qui est le sien. Règles et valeurs Qu'apprend-on en « apprenant la morale » ? Au moins deux types d'éléments: les règles et les valeurs.

Les règles sont des commandements généraux (tu ne tueras point, etc.) définissant le champ de l'agir possible, ou des modèles de conduites, des enchaînements préétablis et qui nous dispensent d'inventer notre propre comportement: on dit bonjour en entrant; on ne se laisse pas offenser sans demander réparation (ou au contraire on ne répond pas aux provocations); les valeurs définissent nos préférences, nous permettent de hiérarchiser les objets qui se présentent à notre choix.

Nous n'apprenons pas seulement à bien nous comporter, mais aussi à discerner le bien du mal, le louable du blâmable, etc. Enseignement et modèles Comment apprend-on tout cela? Deux voies se combinent généralement : l'enseignement direct et l'enseignement par l'exemple.

On nous répète les règles, on nous apprend des formules, on nous inculque des interdits; mais on nous montre aussi à quelle règle renvoie telle situation; et nous regardons vivre les gens d'expérience autour de nous, nous cherchons des modèles.

Mais nous prenons souvent les éducateurs en flagrant délit de contradiction entre ce qu'ils enseignent et ce qu'ils montrent; et les grands modèles qu'on nous propose semblent souvent hors de portée. je connais le bien et je fais le mal Lorsque je sais faire une opération mathématique, il peut m'arriver de me tromper mais je sais aussi rectifier mes erreurs; en revanche l'apprentissage de la morale semble toujours bien fragile et énigmatique: on voit des gens très érudits dans le domaine moral se révéler être des crapules, et des gens très frustes avoir des comportements profondément justes.

Que peut-on alors penser d'un apprentissage de la morale? II.

Une affaire personnelle ? On peut en effet se demander si finalement la morale n'est pas l'affaire de chacun selon ses facultés et sa sensibilité.

On peut toutefois interpréter cette idée de plusieurs façons. L'énigme de la transmission de la vertu Platon évoque souvent le paradoxe des hommes que tout le monde reconnaît comme des modèles de vertu et dont les enfants sont lâches ou malhonnêtes.

Cela signifie soit que la morale ne peut se communiquer, soit que ces hommes sont vertueux sans trop savoir comment, par opinion droite et non par connaissance. La morale accessible à tous Kant au contraire insiste sur le fait que la morale doit pouvoir être comprise tout entière sans le moindre enseignement, Tout sujet doit pouvoir être reconnu comme responsable de ses actes quelles que soient son. »