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La morale peut-elle tenir lieu de religion ?

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« L'histoire de la morale est marquée par celle des rapports entre morale et religion et, pour ce qui nous concerne, par celle des rapports entre morale et christianisme.

Si avant la Révolution française il existait une tendance à penser qu'il ne peut pas y avoir de morale sans religion, depuis elle, il existe une tendance à dire que la morale peut fort bien se passer de religion et même en tenir lieu.

Ce qui invite à réfléchir.

Qu'appelle-t-on « religion ? » Si « religion » signifie telle ou telle tradition, il va de soi qu'il n'y a pas grand sens à dériver la morale de la religion.

C'est, là, céder au conformisme idéologique et sociologique.

La morale, qui est un engagement personnel, responsable et volontaire, s'apprend de l'intérieur, par un acte d'implication de soi à la fois libre et conscient.

Croire que la morale est affaire de tradition, d'obéissance à ce qui se fait, revient à passer à côté de l'intériorité, qui est le fond de la morale. Si l'homme moral sait respecter les traditions et les coutumes, le conformisme social en revanche ne comprend rien à l'intériorité.

D'où la nécessité de prendre quelque distance à l'égard de celui-ci, quand on projette de vivre la morale avec quelque exigence. Ce n'est pas parce que l'on appartient sociologiquement à une religion que l'on est moral.

Pour être moral, il faut un engagement personnel et pas simplement une appartenance sociologique.

En ce sens, la religion ne dispense pas de la morale.

Au contraire, la véritable religion incite chacun à être moral.

Pour la religion, il existe une perfection divine.

Soit.

Donc, l'homme doit devenir parfait, et pas simplement laisser la perfection être parfaite.

Cela dit, il ne va pas de soi, à l'inverse, d'opposer morale et religion.

Beaucoup de personnes qui sont religieuses sont d'une très grande moralité.

En outre, croire que la condition de la moralité réside dans la négation de la religion n'est pas de la morale, mais du fanatisme moral.

On est moral parce qu'on pratique la vie morale et non parce que l'on est contre la religion.

Le rejet de la religion n'est pas une condition de la morale.

Aussi la morale laisse-t-elle une place à la religion. Le débat morale/religion montre combien les problèmes sont mal posés.

On voudrait que la religion puisse tenir lieu de morale ou que la morale puisse tenir lieu de religion.

Dans la perspective d'une vie authentique, rien ne peut tenir lieu de rien.

On ne fait l'économie de rien.

Et l'on ne gagne rien à vouloir faire l'économie de quoi que ce soit.

Si la morale et la religion doivent être distinguées pour des raisons sociales et politiques, lorsque morale signifie action intérieure et religion une tradition sociale, il en va tout autrement quand la religion est envisagée de l'intérieur.

Ainsi que Mircea Eliade invite à le faire, considérons la religion comme relation fondamentale.

S'en priver revient à réduire considérablement l'existence.

Est-il pensable de penser l'existence sans l'idée qu'il y a quelque chose de fondamental en celle-ci ? Concrètement parlant, considérons la religion comme la vertu de faire religieusement les choses, ainsi que le pense Étienne Gilson, le grand philosophe de la pensée médiévale.

Ne s'appauvrit-on pas en se privant d'une attention scrupuleuse à la vie, au monde, aux hommes ? La religion renvoie à l'écho infini que l'on est capable de donner à l'existence.

Il manque quelque chose d'essentiel quand elle n'existe plus.

La morale s'en trouve renforcée, en revanche, quand une place lui est faite.

Ayons le sens de l'infini, ayons autrement dit le sens du sens : on est incité à envisager l'existence de l'intérieur.

Le sens de la personne jaillit du sens du sens.

Tout se met à retentir.

Le sens de la morale se révèle dès lors.

Il importe de vivre d'une façon belle et bonne et pas simplement de survivre.

On fait route vers la vie belle et bonne quand on introduit en celle-ci un sens de la réalité, un sens de la personne, mais aussi un sens de l'infini retentissement de toute chose dans les profondeurs de la réalité comme de soi. La raison peut fonder la morale Il est possible d'établir de manière rationnelle les véritables règles morales qui doivent régir la société humaine. L'ancien ordre moral, fondé sur la religion, reposait sur des illusions et contraignait la raison à se taire.

L'étude positive parviendra, au contraire, à des préceptes qui, de part leur fondement indiscutable, s'imposeront avec force.. »

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