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La morale peut-elle être fondée sur la pitié ?

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« Ici on vous interroge sur la nature morale de la pitié.

Est-elle de l'ordre de la valeur, peut-on la revendiquer comme le signe de la liberté de l'homme et de son autonomie ? Cela n'est pas évident puisque avoir pitié, c'est avant tout ressentir quelque chose face à la douleur d e l'individu.

La pitié renverrait donc à une manifestation immédiate du sujet et ne serait pas le fruit d'une réflexion.

Elle serait déterminée par la situation de nos sens.

Or peut-on dire que la morale se fonde sur des déterminations affectives ? Si j'ai pitié ne suis-je pas encore dans un état de passivité dans la mesure où je subis ce que je vois et ne peux nullement m'opposer à ce que je ressens ? Car si je veux être moral, si je veux prendre en compte l'existence de l'autre, ne faut- il pas dépasser le sentir ? Mais alors dans ce cas, la morale ne va- t-elle pas devenir très abstraite et très "froide" ? En ce sens , la pitié serait peut être une manière d'être sensible à autrui, sans en faire un objet lointain. La raison n'est pas un principe d'action Schopenhauer admire Kant, mais il critique sa conception de la morale.

La morale, en effet, ne peut pas être une loi fondée sur la raison, comme le pense Kant, et ce pour plusieurs raisons.

D'abord, la notion de loi morale ne saurait être efficace dans le domaine de l'action parce qu'elle ne constitue pas un mobile suffisant.

Les êtres ne sont pas moraux simplement parce qu'il le faut. Kant ressuscite les Dix Commandements Ensuite, les impératifs moraux énoncés par Kant ne sont que les commandements judéo-chrétiens déguisés.

En prétendant donner un fondement rationnel à la morale, Kant n'a fait que ressusciter les vieilles morales religieuses, avec leur exigence d'aimer son prochain et leur série d ' interdictions. L'égoïsme ne peut pas fonder la morale Enfin, en adoptant le principe: «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse», Kant fonde la morale sur l'égoïsme.

Ce n'est pas par souci de l'autre que l'on agit moralement, mais par crainte d'être victime du même type de comportement.

Par conséquent, pour Schopenhauer, la morale ne peut être édifiée que sur la pitié, sentiment qui me permet de sortir de mon individualisme égoïste. [La pitié est un sentiment aléatoire.

La morale doit être fondée en raison.

La pitié est un sentiment et la morale ne peut pas être fondée sur le sentiment, car alors elle perd toute valeur absolue.

La morale doit être établie sur des principes universels fondés en raison.] La pitié n'est pas un sentiment universel La pitié est un sentiment trop aléatoire pour que l'on puisse fonder sur elle la morale.

En effet, c'est un sentiment que beaucoup de personnes ne connaissent pas.

De plus, la pitié est souvent sélective: on éprouve de la compassion pour le fils handicapé de la voisine, mais pas pour les milliers de victimes d'une inondation en Chine. La morale doit être une loi absolue C'est la raison pour laquelle Kant refuse de fonder la morale sur le sentiment.

Pour être valable, celle-ci doit être établie sur des principes absolus et universels.

C'est en raison, parce que l'on reconnaît en autrui sa propre humanité, que l'on s e doit d'agir moralement.

La morale doit être un impératif soustrait aux variations du sentiment et des états d'âme. Les religions aussi prônent la pitié Schopenhauer reproche à Kant de réintroduire les commandements chrétiens.

Outre qu'il n'y a là rien de répréhensible, on peut faire la même remarque à propos d'une morale fondée sur la pitié.

Le Christ n'a-t-il pas mis la charité et la pitié au premier rang des vertus chrétiennes? Par ailleurs, Schopenhauer s'est aussi inspiré de la compassion bouddhiste. [] Kant postule un sujet régi par une volonté et une conscience autonomes.

Schopenhauer pense que la notion de sujet et de conscience individuelle sont des illusions et que nous sommes tous les instruments d'un vouloir-vivre universel.

Cependant, tous deux sont d'accord sur le fait que la morale est une chose nécessaire et que, concrètement, elle prend la forme de la considération accordée à autrui.

Pour Kant, cette considération découle d'un devoir moral.

Pour Schopenhauer, elle naît d e la pitié.

La différence est-elle aussi grande que Schopenhauer semble vouloir le croire? Car, enfin, Kant n'est pas un moraliste froid, insensible à la compassion.

Au fondement d e s a morale, il y a bel et bien l'amour du bien et des hommes.

De même, lorsque Schopenhauer dénonce l'égoïsme, il le fait, implicitement, au nom d'un impératif moral.

C'est donc moins par leurs valeurs morales que par leurs conceptions antagonistes de la liberté individuelle que les deux philosophes s'opposent.. »

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