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La morale nous enseigne, non pas comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur ?

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« Commentez et appréciez ce texte de Kant : La morale n'est pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre dignes du bonheur. INTRODUCTION.

— A peu d'exceptions près, les philosophes n'admettent pas la valeur morale du plaisir; ce mot, en effet, désigne presque exclusivement les satisfactions d'ordre sensible, dont ne saurait se contenter un être doué de raison.

Leur jugement est tout autre quand il s'agit du bonheur, du moins si l'on entend par là un contentement de l'homme en tant que tel, c'est-à-dire en tant qu'être capable de connaître et de vouloir le bien. Telle ne semble pas cependant être la pensée de KANT, qui écrit dans la Critique de la raison pratique (trad. Picavet, nouv.

édit., p.

439) : « La morale n'est pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre heureux, mais comment nous devons nous rendre digne du bonheur.

» Tâchons de bien comprendre la pensée de KANT; nous nous demanderons ensuite si nous devons l'admettre sans restriction. I.

— COMMENTAIRE. A.

La morale kantienne est une morale du devoir et non une morale du bonheur.

Néanmoins, la considération du bonheur y joue un rôle capital. Pour KANT, le bonheur constitue une fin naturelle et même nécessaire de l'homme; nous le lisons en termes explicites dans les Fondements de la métaphysique des moeurs (Edit.

Delagrave, p.

127) : il est « une fin que l'on peut supposer réelle chez tous les êtres raisonnables, un but qui n'est pas pour eux une simple possibilité, mais dont on peut admettre que tous se le proposent effectivement en vertu d'une nécessité naturelle, et ce but est le bonheur ». Ce bonheur, nous pouvons chercher à l'obtenir, à la condition de rester fidèles à nos devoirs, et KANT s'insurge contre ceux qui lui font dire « que l'observation de la loi morale, sans aucun égard au bonheur, est poux l'homme l'unique but final, et qu'elle doit être regardée comme la seule fin de la créature ». Non seulement nous tendons spontanément et pouvons tendre au bonheur, mais le bonheur est un élément indispensable du souverain bien dans la recherche duquel consiste la moralité.

KANT, en effet, combat l'opinion des Stoïciens, d'après lesquels seule la vertu doit compter.

Avec la vertu, il faut le bonheur, c'est-à-dire « l'état dans le monde d'un être raisonnable, à qui, dans le cours de son existence, tout arrive suivant son souhait et sa volonté ».

Et c'est précisément parce que la nature ne réalise pas cette nécessaire conjonction de la vertu et du bonheur que l'auteur de la critique conclut à l'existence, au-dessus de la nature, (l'un être qui assurera cette conjonction indispensable pour assurer la cohérence rationnelle de la morale; l'existence de Dieu est un postulat de la raison pratique, et elle est exigée pour garantir le bonheur aux vertueux.

On ne peut donc pas reprocher à KANT de faire fi du bonheur. Bien plus, il admet une certaine obligation de chercher à être heureux sur cette terre : « Assurer son propre bonheur, dit-il (Fondements, p.

97-98), est un devoir (au moins indirect); car le fait de ne pas être content de son état, de vivre pressé par de nombreux soucis et au milieu de besoins non satisfaits pourrait devenir aisément une grande tentation d'enfreindre ses devoirs.

» Mais, on le voit, dans ce cas, ce n'est pas pour luimême que le bonheur est cherché, mais seulement comme condition nécessaire à l'accomplissement du devoir : « Le bonheur n'est pas le but, dit-il ailleurs, c'est le moyen nécessaire pour écarter les obstacles qui s'opposent à la moralité du sujet.

» B.

Dans- le système moral de KANT, le bonheur ne joue donc qu'un rôle secondaire.

« Le bien suprême est constitué par la moralité; le bonheur, au contraire, forme sans doute le second élément du bien suprême, mais cependant de manière qu'il ne soit que la conséquence, conditionnée moralement et pourtant nécessaire, de la moralité.

» (Critique de la raison pratique, p.

128.) KANT rejette comme « absolument fausse » la maxime épicurienne d'après laquelle « la recherche du bonheur produit un principe d'intention vertueuse » (Ibid., p.

123).

Sans doute, c'est naturellement que nous tendons au bonheur, mais cette tendance reste étrangère à la moralité; nous pouvons considérer le bonheur comme une fin, mais non comme une fin morale.

Seule présente une valeur morale une action, non seulement conforme au devoir, mais accomplie par devoir.

Lorsque la crainte ou l'espérance déterminent la conduite, « elles détruisent toute la valeur morale des actions » (Ibid., p.

139). Ainsi, la morale ne nous enseigne pas « comment nous devons nous rendre heureux ».

D'abord, elle ne nous fait pas un devoir absolu d'être heureux (prescription bien inutile, d'ailleurs, puisque naturellement et. nécessairement nous tendons au bonheur) : elle nous impose seulement d'observer le pur respect pour la loi; le devoir, dont on parle parfois, de chercher un certain bonheur est subordonné à celui, seul absolu, de rester fidèle à la loi.

Ensuite, elle ne peut pas être considérée comme la science des moyens de parvenir au bonheur : elle est essentiellement la science du devoir et des devoirs. Sans doute, la fidélité au devoir nous vaudra d'être heureux, et ainsi la morale, en nous mettant sur le chemin du devoir, nous met du même coup sur le chemin du bonheur; mais c'est l'accomplissement du devoir qu'elle vise et non la conquête du bonheur : elle nous enseigne « comment nous devons nous rendre dignes du bonheur ». II.

— APPRÉCIATION.. »

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