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La liberté de pensée suppose-t-elle à la liberté de parole ?

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« La parole et la pensée sont-elles indissociables au point que toute entrave faite à la première constitue également un obstacle pour la seconde? 1.

Penser n'est pas parler. A.

Selon Spinoza, dans le Traité théologico-politique, il faut dissocier fortement liberté de pensée et liberté d'expression.

La première est inaliénable, dans la mesure où aucune tyrannie, si oppressive soit-elle, n'est capable de dicter à ses sujets ce qu'ils doivent penser. La seconde est aisément sujette à la contrainte, comme le montrent toutes les législations censurant journaux, livres et films. B.

La liberté de pensée peut donc s'exercer en dépit de restrictions apportées à la liberté de parole.

Bien plus, s'il n'est ni possible ni a fortiori souhaitable de borner la liberté de pensée, il peut paraître préférable de restreindre la liberté d'expression. C.

Les lois sur la diffamation ou sur les paroles à connotation xénophobe sont le signe que la vie en société exige au moins un aménagement de la liberté de parole.

Alors que les pensées ne peuvent être contrôlées, les paroles constituent parfois de véritables actes.

Elles doivent donc être soumises au respect des principes fondamentaux d'un ordre politique. La thèse de Spinoza peut paraître naïve lorsque l'on songe à la puissance oppressive de la propagande moderne.

Par le biais d'expressions figées et de slogans, ne parvient-elle pas à annihiler notre sens critique et donc à violenter notre pensée? 2.

La pensée est une liberté que l'on exerce en commun. A.

Rappelons toutefois que ces deux libertés sont traditionnellement rangées au nombre des libertés fondamentales.

Leur garantie légale ou constitutionnelle marque l'avènement de l'État de droit. B.

La pensée n'acquiert en effet de caractère objectif que lorsqu'elle est exprimée.

En se fixant dans un concept, l'idée gagne en précision et s'offre à la discussion.

C'est pour cette raison que Platon compare le mouvement même de notre réflexion à un dialogue intérieur.

Penser n'est rien d'autre, à ses yeux, que s'entretenir avec soi-même.

Supprimer la parole, c'est donc entraver la pensée. C.

On pourrait objecter que la liberté de parole compromet la stabilité de l'ordre social : elle exacerberait les différences et conduirait à un éclatement de la cité.

Toutefois, comme le note Kant dans "Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée?", le débat instaure en fait une certaine communauté entre les parties en présence.

Le silence de l'oppression supprime, lui, toute possibilité de conciliation.

Les pensées auxquelles il donne naissance sont nécessairement violentes, intolérantes et extrémistes, car elles n'ont pas été passées au crible de la libre discussion.

Liberté de pensée, liberté de parole et paix sociale sont donc intimement liées. « Toute personne a droit à la liberté de penser, de conscience et de religion.

» Déclaration universelle des droits de l'homme, 1948. « Voilà que j'entends crier de tous côtés : "Ne raisonnez pas !" L'officier dit : "Ne raisonnez pas, faites vos exercices!" Le percepteur : "Ne raisonnez pas, payez!" Le prêtre : "Ne raisonnez pas, croyez !" [...] Dans tous ces cas, il y a limitation de la liberté.

» Kant, Qu'est-ce que les Lumières ? 1784. « L'État qui enlève aux hommes la possibilité de communiquer publiquement leurs pensées leur ôte en même temps la liberté de penser.

» Kant, Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée?, 1786. Pour Kant en effet, nous pensons d'autant plus librement que nous avons accès à la pensée des autres et que nous pouvons publiquement leur faire part de nos propres pensées.

Où il n'y a pas de liberté d'expression, il n'y a pas de liberté de penser. « Non seulement cette liberté [de juger] peut être accordée sans danger pour la piété et la paix de l'État, mais même on ne pourrait la supprimer sans détruire la paix de l'État et la piété.

» Spinoza, Traité théologico-politique, 1670. « S'il était aussi facile de commander aux esprits qu'aux langues, aucun gouvernement ne se trouverait jamais en péril et aucune autorité n'aurait besoin de s'exercer par des moyens violents.

» Spinoza, Traité théologico-politique, 1670. « Dès que le plus faible des hommes a compris qu'il peut garder son pouvoir de juger, tout pouvoir extérieur tombe devant celui-là. » Alain, Propos du 3 fév.

1923. On peut me priver de tout, sauf de ma liberté de penser.

Ainsi, quoi que je sois contraint de faire ou de dire, nul ne peut me contraindre à penser autrement que je pense. « Le dicton d'après lequel la vérité triomphe toujours de la persécution, est un des plaisants mensonges que les hommes répètent l'un après l'autre jusqu'à ce qu'ils passent en lieux communs [...].

L'histoire est remplie de faits montrant la vérité réduite au silence par la persécution.

» John Stuart Mill, De la liberté, 1859.. »

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