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La désobéissance peut-elle être civique ?

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« Définition des termes du sujet Désobéir, c'est refuser de se soumettre à un ordre donné par une autorité, que cette autorité soit politique ou individuelle.

Il s'agit d'un acte, plus que d'une attitude intellectuelle de refus de l'autorité : autrement dit, l'acte de désobéissance a des effets, qui peuvent toucher notamment la structure politique aux ordres de laquelle on choisit de se dérober. La question « peut-elle » interroge deux types de capacité : une capacité de fait – je ne peux physiquement pas voler dans les airs sans aide extérieure -, et une capacité de droit – je ne peux pas faire telle ou telle chose parce qu'une instance me l'interdit, que cet instance soit une autorité politique, une tierce personne ou encore moi-même.

C 'est ici la capacité de fait qui est en jeu : il s'agit de confronter deux concepts et de voir si leur compatibilité peut exister. C ela dit, on pourrait envisager aussi une capacité de droit, au cas où l'autorité politique elle-même mettrait en place un droit à la désobéissance dans certains cas. Le mot « civique » s'applique, au sens large, à tout ce qui peut avoir trait au respect du fonctionnement de l'Etat.

Sa racine latine « civis » désigne le citoyen : est alors civique ce qui relève du bon citoyen, c'est-à-dire de celui qui se trouve dans le rapport le plus juste avec l'autorité politique qui le gouverne. Le sujet demande alors, en quelque sorte, si la désobéissance est susceptible d'être le fait du bon citoyen.

On peut s'interroger sur ce qui fonde la désobéissance, afin de décider si elle peut ou non avoir une certaine légitimité politique ; cela amènerait éventuellement à distinguer plusieurs types de désobéissance, une désobéissance immotivée et gratuite et une désobéissance réfléchie et revendicative, par exemple.

C ela permettrait de proposer une réponse nuancée au sujet : il y aurait certaines conditions dans lesquelles la désobéissance pourrait être un acte civique, dans la mesure où elle permettrait, par exemple, une réflexion sur l'autorité politique en exercice et une amélioration ou une correction de celle-ci, et d'autres dans lesquelles elle serait un simple acte de nuisance contre l'autorité politique et n'aurait donc aucune valeur. Eléments pour le développement * La désobéissance représente une menace pour les fondements de l'ordre politique ; elle est donc un incivisme inacceptable Kant « Toute opposition au pouvoir législatif suprême, toute révolte destinée à traduire en actes le mécontentement des sujets, tout soulèvement qui éclate en rébellion est, dans une république, le crime le plus grave et le plus condamnable, car il en ruine le fondement même.

Et cette interdiction est inconditionnelle, au point que quand bien même ce pouvoir ou son agent, le chef de l'Etat, ont violé jusqu'au contrat originaire et se sont par là destitués, aux yeux du sujet, de leur droit à être législateurs, puisqu'ils ont donné licence au gouvernement de procéder de manière tout à fait violente (tyrannique), il n'en demeure pas moins qu'il n'est absolument pas permis au sujet de résister en opposant la violence à la violence.

En voici la raison : c'est que dans une constitution civile déjà existante le peuple n'a plus le droit de continuer à statuer sur la façon dont cette constitution doit être gouvernée.

Car, supposé qu'il en ait le droit, et justement le droit de s'opposer à la décision du chef réel de l'Etat, qui doit décider de quel côté est le droit ? C e ne peut être aucun des deux, car il serait juge dans sa propre cause.

Il faudrait donc qu'il y eût un chef au-dessus du chef pour trancher entre ce dernier et le peuple, ce qui se contredit.

» Une première piste peut consister à refuser toute qualité civique à la désobéissance, parce qu'elle menace le fonctionnement de l'ordre politique, ou, pire encore, ses fondements : pour que l'Etat puisse convenablement fonctionner, il faut qu'il existe un consensus de fait sur les bases de son système, et la désobéissance sape ces bases en les mettant en doute aux yeux de l'opinion publique ; elle est donc une grave menace de désordre et de dysfonctionnement politique. * La désobéissance comme réflexion critique sur la politique Rawls « La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non-violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement.

En agissant ainsi, on s'adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres légaux ne sont pas actuellement respectés.

» S'il semble juste de refuser un droit à la désobéissance gratuite et immotivée, il apparaît en revanche que cette désobéissance, si elle se fonde sur une réflexion politique réelle, puisse être un des moyens d'amendement de l'exercice du pouvoir politique lorsque celui-ci se montre injuste.

Sans que la désobéissance soit conçue comme un acte civique, elle peut néanmoins servir à une régulation et à un ajustement des pratiques politiques, ce qui empêche d'opposer radicalement désobéissance et civisme. * La valeur politique du concept de désobéissance civique Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, article 2 « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme.

C es droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.

» C onstitution montagnarde de 1793, article 35 : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

» La désobéissance peut même devenir un concept pris en charge de manière positive par la réflexion sur le civisme : si la possibilité de la désobéissance est inscrite dans les textes fondateurs de l'ordre politique, il existe alors une exigence du pouvoir politique à l'égard de ses citoyens, cette exigence les sommant de se révolter et de désobéir au cas où le pouvoir deviendrait injuste et inacceptable.

Apparaît alors l'idée d'un devoir de révolte, qui se rapproche d'un devoir civique de désobéissance.

Dans c e s conditions, et dans certaines circonstances de mauvais fonctionnement du pouvoir, désobéissance et civisme vont de pair. Conclusion Désobéissance et civisme semblent s'opposer radicalement au premier abord, le bon fonctionnement du système politique étant conçu comme dépendant d'une soumission des citoyens à l'autorité officielle, il semble en revanche qu'il faille laisser une place au concept d'une désobéissance civique, permettant aux citoyens, dans certaines conditions, d'exprimer une révolte contre un système injuste et d'améliorer ce système.

La désobéissance est alors l'acte du citoyen soucieux d'un fonctionnement juste de l'autorité à laquelle il est soumis.

La désobéissance peut donc être l'acte civique suprême dans les cas où le pouvoir politique lui-même devient incivique.. »

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