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La désobéissance

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« Introduction Les individus, afin de vivre ensemble sans heurts, ont dû établir un lien social fondé sur des règles, sur des lois leur permettant d'être libre sans empiéter sur la liberté d'autrui.

Dès lors, on comprend que la notion de désobéissance, qui invite d'abord à son antonyme qu'est l'obéissance, se situe dans un cadre politique où les droits et les devoirs peuvent être discutés.

Désobéir revient alors à se poser, de manière généralement délibérée, contre le pouvoir établi, ou plus particulièrement contre un point spécial du schéma politique.

Se mettre ainsi en marge d'un accord aveugle, affirmer son pouvoir de refuser, rejeter l'offre (arbitraire ou non) d'autrui, n'est-ce pas là une modalité propre à l'homme qui tend foncièrement à la liberté ? I.

Sur la désobéissance originelle a.

Cette désobéissance première, cette révolte a séparé l'homme de Dieu et l'a complètement aliéné de son Créateur.

Dans son intégrité première, l'homme était libre, il possédait le « franc arbitre », par lequel, s'il eût voulu, il eût obtenu la vie éternelle, dans l'union avec Dieu.

En désobéissant à Dieu, il s'est mis sous l'esclavage du Tentateur.

Il est devenu esclave du péché, il n'a plus qu'un « serf arbitre » ; il a gardé sa volonté, mais il a été dépouillé d'une volonté pour le bien, d'une saine volonté.

Citant saint Bernard, Calvin déclare : « Vouloir est de l'homme.

Vouloir le mal est de nature corrompue.

Vouloir le bien est de grâce ». b.

Le récit de la Genèse revêt aux yeux de Chestov une très grande importance : ce qu'il nomme le mythe de la faute originelle pèse sur l'homme d'un poids inéluctable.

Il ne s'agit point d'une désobéissance à l'égard de Dieu, mais d'un choix, celui du savoir, et par là même d'un renoncement à la liberté créatrice.

L'univers dans sa totalité subit les conséquences du péché, une rupture se manifeste, introduisant la logique aux dépens de la véritable liberté. Cette liberté perdue, l'homme n'est capable de la reconquérir qu'à une seule condition : tenter l'aventure, partir sans savoir ce qu'il pourra découvrir et refuser énergiquement les consolations fallacieuses.

Abraham est le modèle de cette recherche sans conditions d'une Terre promise : « Dieu exige l'impossible, il n'exige que l'impossible.

» II.

La désobéissance civile a.

La désobéissance est dite « civile », d'abord, parce qu'elle est le fait de « citoyens » : ce n'est pas une rupture de citoyenneté, ni un acte insurrectionnel.

Il s'agit d'une manifestation de « civisme » au sens fort : volonté d'œuvrer pour l'intérêt général, même au prix de risques personnels.

Le fait que la désobéissance civile soit nécessairement publique, et recherche même la médiatisation la plus forte (ce qui la distingue nettement de l'infraction criminelle), s'inscrit dans ce même registre du civisme : l'acte vise à éveiller la conscience des autres citoyens, à susciter un débat.

L'aspect « concerté » de l'action est également à souligner.

Puisque la désobéissance civile se donne pour objectif d'obtenir des changements dans la loi ou la politique contestée, elle doit exercer une certaine force de pression sur les décideurs.

Pour cela, il faut s'organiser afin de réunir un grand nombre de participants (ou des personnes qui, même peu nombreuses, jouissent d'un réel prestige moral dans l'opinion), choisir le meilleur moment, déterminer les modalités concrètes de la désobéissance, les modes de médiatisation, etc.

Bref, il y a une « stratégie » de la désobéissance civile.

On voit, sur ce point, la différence entre la désobéissance civile et la notion assez proche d'objection de conscience (calque de l'anglais « conscientious » objection, apparue en Grande-Bretagne vers 1898, lors d'un débat parlementaire sur la vaccination obligatoire).

L'objecteur ne se pose pas la question de savoir si cette « loi des hommes », qu'il estime injuste pour lui, pourrait être modifiée pour tous.

Au contraire, pour celui qui participe à une campagne de désobéissance civile, l'objectif premier est moins de rester fidèle à sa conscience que de faire changer, pour la société entière, la loi réputée injuste.

La désobéissance civile est une objection de conscience qui se donne des objectifs et des moyens politiques. b.

Quant à la distinction entre désobéissance civile directe et désobéissance civile indirecte, on peut aisément l'illustrer par deux exemples concrets.

Quand le mouvement des droits civiques de Martin Luther King, considérant comme injuste la loi qui interdit aux Noirs de fréquenter les mêmes restaurants que les Blancs, organise la violation massive de cette loi (Noirs et Blancs mêlés vont s'asseoir aux tables et refusent de bouger), il pratique une désobéissance civile directe : la loi transgressée est celle-là même dont il exige l'abolition.

En revanche, quand un mouvement contestataire appelle à bloquer la circulation dans une rue ou un quartier par un « sit-in » massif pour obtenir un changement de la politique du gouvernement sur tel ou tel point, il n'entend pas contester le Code de la Route.

Il s'agit donc d'une désobéissance civile indirecte : on transgresse une loi dont on ne conteste pas le bienfondé, pour faire pression sur un autre point. c.

Soulignons enfin le caractère non violent de tout acte de désobéissance civile.

C'est un trait essentiel, que l'adjectif « civile » exprime bien, par une de ses connotations : l'opposition civil/militaire.

Pratiquer la désobéissance civile, c'est avoir des adversaires, pas des ennemis : l'horizon de l'action reste le compromis et la possibilité de continuer à vivre ensemble.

Pour Gandhi et ses disciples, l'esprit de non-violence exige même que l'on se déclare désireux de subir les conséquences pénales des actes commis.

L'exemple le plus connu de désobéissance civile gandhienne est celui de la campagne qui, en 1930, consista à organiser la violation massive de la loi réservant aux Britanniques le monopole de la commercialisation du sel. III.

Le despotisme : moteur de désobéissance et d'obéissance.. »

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