La démocratie est-elle l'affaire de tous ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
DÉMOCRATIE: Régime politique dans lequel la souveraineté est exercée par le peuple.
Introduction
Définir la démocratie par la participation de tous les citoyens aux affaires publiques séduit la raison sans pour autant
satisfaire notre goût du réel.
L'idée est séduisante car si tous les hommes sont réputés libres et égaux en droit, qu'y
a-t-il de plus juste que de vivre sous la loi qu'on s'est prescrite et de plus normal que d'assurer la rotation des
charges et le partage des responsabilités ? Pourtant l'expérience nous fait douter que le peuple puisse à la fois
détenir la source et l'exercice de la souveraineté.
Montesquieu pensait déjà que le modèle antique n'était guère
transposable aux sociétés dont la population rendait impossible l'exercice de la démocratie directe, mais plus
fondamentalement ne faudrait-il pas voir dans la démocratie une de ces chimères qui voudrait que la réalité se plie
aux exigences du concept qu'on s'en forge ?
I - Démocratie de raison
a) De toutes les sociétés, aucune ne semble plus éloignée de la nature que la démocratie.
Tout s'y passe comme si
ses principes obéissait plus à la raison qu'a l'expérience.
b) Veut-on conclure à l'égalité des hommes ? On supposera qu'aucun d'entre eux n'est suffisamment fort pour
résister à la somme de ceux qui se coalisent contre lui, et qu'en conséquence la raison lui conseillera de choisir
l'égalité des droits qui prévient toute contestation, à l'inégalité qui la suscite toujours.
c) Mais comme par ailleurs l'égalité interdit qu'un homme détienne un pouvoir sur un autre, seule sera légitime
l'autorité qui émanera de ceux sur lesquels elle s'exerce.
Si ainsi il advient qu'on obéisse à un autre, ce n'est jamais
qu'à soi-même, puisqu'on n'aliène pas sa liberté en obéissant à une loi dont on est l'auteur.
En d'autres termes le
pouvoir est l'affaire de tous en général et de personne en particulier.
Le problème de la création de l'Etat légitime peut donc s'énoncer ainsi : « Trouver une forme d'association qui
défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun
s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant.
»
Or, comment créer des lois et n'obéir à personne ? La réponse de Rousseau est apparemment simple : « Le peuple
soumis aux lois doit en être l'auteur.
»
Chaque individu promet d'obéir à la « volonté générale ».
La « volonté générale » est ce qu'il y a de commun dans
toutes les volontés.
Par exemple, au moment où un groupe d'individus veut s'associer, il existe en chacun de ses
futurs membres une volonté commune : créer cette association, quelles que soient par ailleurs leurs volontés
particulières et différentes, singulières.
En promettant d'obéir à la « volonté générale », je ne promets en fait que
d'obéir à moi-même, qu'à une partie de ma volonté, qui se trouve coïncider avec celle des autres.
Sans doute, en
obéissant à la « volonté générale », ne réaliserai-je pas toutes mes volontés, je ne satisferai pas tous mes intérêts.
Mais je me réaliserai que ce que je veux, que mes intérêts.
En aucun cas je ne serai soumis à la volonté d'un autre.
Bref, je resterai libre.
« Tant que les sujets ne sont soumis qu'à de telles conventions, ils n'obéissent à personne, mais seulement à leur
propre volonté.
»
En obéissant à la loi, qui n'est qu'une déclaration de la « volonté générale », je perds ma liberté naturelle de faire
tout ce que je veux ou plus précisément tout ce que je peux , étant donné la force des autres qui peuvent
s'opposer à mes projets.
Mais je gagne précisément une liberté politique, qui me permet à la fois de n'obéir qu'à moimême (puisque je peux me considérer comme l'auteur de la volonté générale, qui est une partie de MA volonté), et
ne pas subir la volonté d'un autre (plus fort, plus rusé, plus riche).
Rousseau
« On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté.
Ces deux choses
sont si différentes que même elles s'excluent mutuellement.
Quand chacun
fait ce qui lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d'autres, et cela ne
s'appelle pas un État libre.
La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à
n'être pas soumis à celle d'autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la
volonté d'autrui à la nôtre.
Quiconque est maître ne peut être libre, et régner
c'est obéir.
(...)
Dans la liberté commune nul n'a le droit de faire ce que la liberté d'un autre lui
interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructrice d'elle-même.
Ainsi la
liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu'on s'y
prenne tout gêne dans l'exécution d'une volonté désordonnée.
Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois
: dans l'état même de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi
naturelle qui commande à tous.
Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a
des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit pas aux
hommes.
».
»
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