La curiosité est-elle naturelle ?
Extrait du document
«
La curiosité désigne un certain comportement à l'égard de l'inconnu, mais de façon péjorative elle apparaît comme
un excès de zèle pour tout ce qui est inutile, inaccessible et même défendu à l'entendement humain.
Mais est-elle
naturelle c'est-à-dire inhérente à un comportement dit humain ou constitue-t-elle une déviance entendue comme
corruption de la nature ? Etre curieux est-ce par là réaliser en partie notre essence d'homme ou au contraire s'en
détourner ?
La difficulté vient du fait qu'elle peut être envisagée comme le signe de l'inachèvement de l'homme et de son
incapacité à se suffire à lui-même.
Croyant combler cette incapacité il se livre dés lors à des recherches éparses et
vaines.
La curiosité a alors trait à la vanité, entendue comme vacuité et comme péché d'orgueil au sens moral.
Mais
ne se joue-t-il pas dans la curiosité une autre disposition qui a trait au savoir ? Cette quête n'est-elle pas inhérente
à l'existence proprement humaine, ne nous est-elle pas en ce sens naturelle ?
Pour Rousseau l'homme à l'état de nature c'est-à-dire non dépravé par
la société fait peu de cas des autres et du monde : il ne peut être
curieux
L'homme à l'état de nature est autosuffisant et ne rencontre autrui que dans
le cadre de rencontres fortuites.
Il est par rapport au monde sans inquiétude
et ne désir rien connaître.
Rousseau dans le Discours sur les sciences et les arts, explique que
l'introduction de la culture est allée de paire avec l'apparition du luxe, et
entraîne le développement d'une vanité et d'une individualité.
De cette
culture tous les éléments sont néfastes : la science vaine recherche de d'une
vérité inaccessible n'enseigne aux hommes que l'impiété consiste à vouloir
rivaliser en sagesse avec le créateur, les lettres apportent un raffinement de
langage qui alliés au raffinement des manières ne sert qu'à mieux tromper
autrui ; les arts corrompent le goût naturel te rendent impropre à cette tache
virile, la philosophie replie l'individu sur lui-même et multipliant les paradoxes
finit par détruire les évidences morales les plus indispensables à la société.
Si
donc « nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts
se sont avancés à la perfection au point que nos soldats sont énervés par les
sciences qu'ils ignorent » ce n'est pas un « malheur particulier à notre âge ».
Ce progrès des sciences et des arts n'aurait pas aggravé la corruption des
cœurs, et donc mené à la dissolution et à l'esclavage si ces sciences et ces arts mêmes n'avaient dû « leur
naissance à nos vices », et leur culture n'avait procédé de cette passion négative par excellence que Rousseau
nomme « amour propre ».
En effet dans l'état de nature : « Dans le véritable état de nature, l'amour propre n'existe
pas, car chaque homme en particulier se regardant lui-même comme le seul spectateur qui l'observe, comme le seul
être dans l'univers qui prenne de l'intérêt à lui, comme le seul juge de son propre mérite il n'est pas possible qu'un
sentiment qui prend sa source dans des comparaisons qu'il n'est pas porté à faire puisse germer dans son âme », Le
discours sur l'origine et le fondement des inégalités.
Ne faisant cas que de lui-même l'homme à l'état de nature ne saurait se préoccuper du monde et des autres.
La curiosité comme vice d'une nature humaine corrompue
La théorie de la corruption suggère donc que la nature humaine authentique
reste cachée et que l'homme vit dans un état dégradé.
S'il y a corruption
c'est que l'homme, avec le péché originel, est tombé sous l'emprise de la
concupiscence.
Pour Pascal dans la mesure où nous éprouvons le désir de vérité suite au
pêché originel c'est que la raison est corrompue.
Le désir qui ne caractérise
que l'Esprit, s'identifie à la concupiscence de la raison et à la libido sciendi qui
sont inséparablement liés à la curiosité.
« Tout ce qui est au monde est
concupiscence des yeux ou orgueil de la vie.
Libido sentiendi, libido sciendi,
libido dominandi » fragment 545 des Pensées, Lafuma.
Car explique Pascal,
« depuis qu'il a perdu le vrai bien, tout également peut également lui paraître
être tel (…) les uns le cherchent dans l'autorité, les autres dans les curiosités
et dans les sciences, et les autres dans les voluptés », fragment 148.
La libido sciendi étant le désir de comprendre génère la curiosité » et
l'exercice des sciences.
Le fragment 933 lie l'exercice des sciences et la
curiosité à la concupiscence de l'esprit.
« Concupiscence de la chair,
concupiscence des yeux, orgueil, etc.…Il y a trois ordre des choses : la chair,
l'esprit et la volonté… » .
Le désir de vérité est distinct de la curiosité
puisqu'elle est vanité : « Orgueil.
Curiosité n'est que vanité.
Le plus souvent
on ne veut savoir que pour parler » : fragment 77..
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