La conviction d'avoir raison fait-elle obstacle au dialogue ?
Extrait du document
«
Problématique:
Être convaincu, c'est avoir la certitude de quelque chose.
Le croyant, par exemple, est convaincu de l'existence de
Dieu.
Dès lors, il semble que la conviction d'avoir raison amène à un refus de toute forme de dialogue ? Pour
dialoguer si je suis persuadé d'avoir raison ? L'autre peut-il m'apporter quelque chose ?
L'homme convaincu est-il ouvert aux arguments d'autrui ? Peut-il se laisser convaincre par une thèse différente de
la sienne.
Le dialogue n'est-il possible que dans la mesure où les interlocuteurs doutent de ce qu'ils pensent, ou bien
est-il compatible avec des convictions?
Développement:
Thèse
Le préjugé désigne une pensée non-réfléchie, non critiquée.
Descartes en fait
la source de toutes les erreurs et de toutes les illusions.
Le doute doit venir à
bout des préjugés (cf.
Discours de la méthode): « Je déracinais cependant de
mon esprit toutes les erreurs qui avaient pu s'y glisser auparavant.
Non que
j'imitasse en cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter ; car, au
contraire, tout mon dessein ne tendait qu'à m'assurer, et à rejeter la terre
mouvante & le sable, pour trouver le roc & l'argile.
» (« Discours de la
méthode », 3ième partie).
Les préjugés sont autant d'obstacle au dialogue rationnel dont le but est la
vérité même.
En ce que celui qui adhère à ses préjugés ne peut, évidemment, prendre
distance par rapport à eux : ils les a acquis sans critique, ils lui semblent être
l'évidence même.
Nos préjugés ont le même âge que nous.
Nous les tenons de
nos "nourrices" comme dira Descartes, de notre éducation.
En ce sens la conviction d'avoir raison est effectivement l'obstacle majeur au
dialogue : On le voit beaucoup de dialogues restent sans réelle solution.
La
tradition philosophique parle de "dialogues aporétiques".
Certains dialogues de
Platon, eux-mêmes, restent inachevés car la dialectique, la maïeutique
socratiques n'ont pu parvenir à bout des préjugés et des "certitudes".
Qu'on
songe ici au "Lysis" ou au "Charmide".
La conviction d'avoir raison que procure
le préjugé est un obstacle au véritable dialogue.
Les préjugés sont autant de
verrous qu'il faut faire sauter, autant d'obstacles qui faut lever.
Antithèse
Pourtant, peut-on envisager un échange dont l'un des acteurs douterait même de sa thèse et de ses arguments ?
On appelle cela l'éristique (à ne pas confondre avec euristique).
Ici, le but premier n'est pas tant la vérité que de
réduire l'autre au silence.
A la libre pensée et à l'égalité des interlocuteurs se substituent l'argument d'autorité,
l'admonestation, la mauvaise foi, ..., la force.
Dans ces "pseudo-dialogues" ce qui importe, c'est de ne pas "perdre la face".
La qualité des arguments compte peu,
ce qui compte c'est la victoire, cad le silence de l'interlocuteur.
On opposera ici rhétorique et sophistique:
La rhétorique est la maîtrise du discours persuasif, qui ne se soucie guère de connaître ce dont elle parle.
Elle rend
l'orateur plus convaincant sur un sujet que celui qui connaît à fond ce sujet, et ferait presque prendre l'âne pour un
cheval.
En ce sens, la rhétorique se confond avec la sophistique.
Le sophiste prétend à un savoir universel ; expert
en l'art de rendre habile à parler sur tout, il ne rend pas véritablement savant sur tout, mais en donne l'apparence.
La sophistique, comme la rhétorique, est une flatterie, imitation néfaste d'arts utiles fondés sur un véritable savoir
: législation, justice.
La sophistique, comme la rhétorique, veut, sans souci de justice, montrer parla parole et par
l'action le plus d'efficacité dans les affaires de l'État.
Tel est le paradoxe dont la dernière partie du devoir doit tenter de nous faire sortir: La conviction d'avoir raison
sape tout dialogue du fait de l'intolérance et/ou de l'aveuglement qui ne permet pas de prendre en ligne de compte
le point de vue d'autrui.
Et, d'un autre côté, l'absence de conviction, de certitude amène au relativisme du "toutse-vaut".
On développera cet argument avec la thèse de Protagoras: "L'homme est la mesure de toute chose".
Synthèse: Dialogue authentique et dialectique.
Les dialogues (tous écrits) de Platon mettent en scène Socrate s'entretenant avec des figures dominantes de la vie
politique et intellectuelle d'Athènes, à propos de la vertu (Ménon), de l'amour (Le Banquet) ou encore de la
rhétorique (Gorgias).
La dimension orale du dialogue est inséparable de la philosophie platonicienne, et Socrate
confesse lui-même qu'il est charmé par les discours, car eux seuls sont capables de l'instruire, alors que les champs
et les arbres ne consentent rien à lui enseigner.
Le dialogue est la condition essentielle de l'aspect vivant de la
pensée, de l'accès à la vérité auquel aspire toute philosophie..
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