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La certitude mathématique

Extrait du document

« Position de la question.

Les Mathématiques ont toujours été présentées, par opposition aux Sciences expérimentales qui ne nous fournissent que des probabilités, comme le domaine privilégié de la certitude ; et l'on a cru longtemps que cette certitude était absolue. Essayons d'expliquer ce caractère de la pensée mathématique, mais aussi d'en déterminer les limites. I.

Pourquoi les Mathématiques sont « certaines ». Les Mathématiques sont une science rationnelle : elles portent, non pas, comme les Sciences expérimentales, sur la réalité empirique, toujours complexe et donnée du dehors à l'esprit, mais sur des notions idéales, sur des structures intelligibles plus ou moins créées par l'esprit lui-même. La mathématique rassemble toutes les sciences où l'on étudie l'ordre et la mesure, indifféremment de leurs objets.

La science universelle qui rassemble toutes les autres sciences, qui n'en sont que les parties subordonnées, se nomme mathématique universelle.

Ce doit être la science la plus utile et la plus facile de toutes, n'ayant aucun rapport à un objet particulier. Les difficultés qu'elle renferme se trouvent déjà dans les autres sciences, puisqu'elle leur est commune.

Si cette mathesis universalis a été négligée par tous, c'est en raison de son extrême facilité.

L'ordre de la recherche de la vérité requiert pourtant de commencer par les choses les plus simples et les plus faciles à connaître, et de ne passer à un ordre plus élevé que lorsque toutes les difficultés auront été résolues.

Ainsi, on est sûr de ne jamais se tromper.

Parmi les sciences connues, seules l'arithmétique et la géométrie sont absolument certaines.

Quelle en est la raison ? Nous ne pouvons connaître que de deux manières : soit par l'expérience, soit par la déduction. Si l'expérience est souvent trompeuse, la déduction, qui consiste à inférer une chose à partir d'une autre, peut être manquée si on ne la voit pas, mais ne peut jamais être mal faite.

"Toutes les erreurs où peuvent tomber les hommes ne proviennent jamais d'une mauvaise inférence, mais seulement de ce qu'on admet certaines expériences mal comprises, ou que l'on porte des jugements à la légère et sans fondement." Arithmétique et géométrie sont les seules sciences qui traitent d'un objet simple et pur et qui n'admettent rien d'incertain : leur travail ne consiste qu'à tirer des conséquences par voie de déduction rationnelle.

Leurs erreurs ne peuvent procéder que de l'étourderie.

Elles doivent par conséquent constituer l'idéal des sciences pour leur rigueur, leur clarté et leur certitude. A.

— Les notions qui leur servent de points de départ sont clairement et exhaustivement déterminées par leurs définitions.

KANT(R.

pure, théorie de la méthode, chap.

premier, § I) va jusqu'à dire que « seule la Mathématique possède des définitions », car les concepts mathématiques sont les seuls qui « ne contiennent rigoureusement que ce que la définition veut que l'on pense par ces concepts » ; en pareil cas,, et en ce cas seul, «je sais ce que j'ai voulu penser par mon concept puisque je l'ai formé moi-même intentionnellement », et « il n'est pas d'autres concepts qui se prêtent à la définition que ceux qui renferment [ainsi] une synthèse décisoire pouvant être construite a priori ». Ainsi, « les définitions mathématiques ne peuvent jamais être fausses », tandis que les définitions portant sur des concepts empiriques sont analytiques et peuvent donc être fausses, soit parce qu'on y fait entrer des éléments qui n'appartiennent pas au concept, soit surtout parce qu'on n'est « jamais entièrement certain de l'intégrité de son analyse ».

C'est dans le même sens que L. LIARD dira plus tard que les définitions géométriques « sont absolues, immuables et inflexibles » parce qu'elles énoncent « la loi de construction propre à chaque figure ».

— Les autres principes mathématiques : postulats, hypothèses, sont explicitement énoncés, et on n'a pas le droit de faire entrer dans la démonstration un principe qui n'aurait pas été ainsi formulé. B.

A partir de ces principes, les Mathématiques procèdent par déduction.

Or, la déduction est le raisonnement rigoureux par excellence (sujet 5), et la conclusion y apparaît comme la conséquence logiquement nécessaire des principes posés.

— Ainsi s'explique le caractère de certitude des Mathématiques. II.

Limites de la.

certitude mathématique. Deux observations sont cependant nécessaires. A.

Comme on l'a dit ci-dessus, les Mathématiques sont certaines en tant qu'elles s'appliquent à des notions idéales.

Dès qu'on essaye de les appliquer à des réalités concrètes, elles perdent ce caractère de parfaite certitude, la complexité des conditions empiriques y réintroduisant une certaine marge d'approximation, donc de probabilité : « Pour autant que les propositions de la Mathématique se rapportent à la réalité, elles ne sont pas certaines, dit EINSTEIN, et pour autant qu'elles sont certaines, elles ne se rapportent pas à la réalité». B.

Même dans le domaine des notions idéales, la certitude mathématique ne saurait être qualifiée d'absolue, comme on l'a affirmé tant qu'on a cru que la nécessité des propositions mathématiques était apodictique et inconditionnelle et qu'un seul système de géométrie, de mécanique, d'arithmétique, etc., était possible.

Nous savons aujourd'hui qu'il n'en est rien.

Les Mathématiques constituent un système hypothético-déductif et la nécessité des conclusions dépend des principes (hypothèses, postulats, etc.) posés à la base.

Nulle certitude n'est plus hypothétique que la certitude mathématique. Conclusion.

Il est donc bien vrai que les -Mathématiques sont « certaines ».

Mais, aujourd'hui où nous assistons, comme a dit G. BOULIGAND, au « déclin des absolus mathématico-logiques », nous ne pouvons plus attribuer à cette certitude une valeur absolue.. »

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