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La beauté est-elle dans le regard ou dans la chose regardée ?

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« Problématique: Soit, en face de moi, un objet qui me procure une jouissance esthétique.

Je dirai par exemple: "cette fleur est belle" ou "ce tableau est beau".

Ce jugement, par lequel j'attribue la beauté à un objet, est moins clair qu'il n'y paraît.

Dois-je penser que la beauté est une propriété intrinsèque à cette fleur ? Mais alors, comment expliquer que cette fleur (ou ce tableau) peut très bien ne pas plaire à un autre que moi ? La beauté n'aurait-elle qu'une existence pour moi, se réduirait-elle à ce que je sens en face de la fleur ? Peut-être, mais cependant, je ne dis pas: "cette fleur m'est agréable", mais bien: "cette fleur est belle". Ces contradiction révèlent que nous ne savons pas si le jugement: "Ceci est beau" a ou non une valeur objective.

Pour le savoir, il faudra analyser le sentiment du beau et se demander s'il autorise à accorder au jugement esthétique une valeur objective. Quelle est la nature du sentiment du beau ? Il est clair qu'on ne peut parler de beauté que si un objet est perçu par les sens, ici en l'occurrence la vue.

Je n'éprouve le sentiment du beau qu'à l'occasion de sensations causées par un objet extérieur à moi.

Ce sentiment est un plaisir qui accompagne la perception. Mais le plaisir esthétique est d'une nature particulière ; il est très différent des plaisirs des sens.

Le plaisir sexuel, par exemple, est caractérisé par une montée progressive du plaisir, suivie d'une décroissance ; il est éphémère et se produit en rendant celui qui en jouit incapable de renouveler immédiatement cette jouissance.

Le plaisir alimentaire consomme son objet et détruit donc la source même de la jouissance. Le plaisir esthétique est tout autre; il ne concerne aucun organe déterminé, et nous savons que la beauté n'est qu'improprement appelée "plaisir des yeux".

Les yeux ne sont qu'un moyen de donner une satisfaction à l'esprit.

De plus, le plaisir esthétique est capable de se maintenir au même niveau pendant une durée prolongée; il ne cesse que sous l'influence de facteurs extérieurs (fatigue, attention détournée).

Du plaisir sensuel au plaisir esthétique, il y a donc une différence de nature.

Le premier me fait dire : "C'est agréable", le second : "C'est beau." Je ne ferai aucune difficulté à reconnaître que l'agréable dépend de chacun d'entre nous.

Le goût agréable de la glace n'est pas une propriété de la glace, et j'accepte bien que mon ami préfère un autre parfum que moi, ou n'aime pas les glaces. En revanche, j'aurai beaucoup plus de mal à accepter que cet ami ne trouve pas beau un coucher de soleil ou un paysage devant lesquels je m'extasie. KANT: Lorsqu'il s'agit de ce qui est agréable, chacun consent à ce que son jugement, qu'il fonde sur un sentiment personnel et en fonction duquel il affirme d'un objet qu'il lui plaît, soit restreint à sa seule personne.

Aussi bien, disant : « Le vin des Canaries est agréable il admettra volontiers qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : cela m'est agréable.

Il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour tout ce qui peut être agréable aux yeux et aux oreilles de chacun.

La couleur violette sera douce et aimable pour celui-ci, morte et éteinte pour celui-là.

Celui-ci aime le son des instruments à vent, celui-là aime les instruments à corde.

Ce serait folie que de discuter à ce propos, afin de réputer erroné le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il lui était logiquement opposé ; le principe : « A chacun son goût (s'agissant des sens) est un principe valable pour ce qui est agréable. Il en va tout autrement du beau.

Il serait (tout juste à l'inverse) ridicule que quelqu'un, s'imaginant avoir du goût, songe en faire la preuve en déclarant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement que porte celui-ci, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre appréciation) est beau pour moi.

Car il ne doit pas appeler beau, ce qui ne plaît qu'à lui. Beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément ; personne ne s'en soucie ; toutefois lorsqu'il dit qu'une chose est belle, il attribue aux autres la même satisfaction ; il ne juge pas seulement pour lui, mais pour autrui et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété des choses.

C'est pourquoi il dit : la chose est belle et dans son jugement exprimant sa satisfaction, il exige l'adhésion des autres, loin de compter sur leur adhésion, parce qu'il a constaté maintes fois que leur jugement s'accordait avec le sien.

Il les blâme s'ils jugent autrement et leur dénie un goût, qu'ils devraient cependant posséder d'après ses exigences ; et ainsi on ne peut dire : « A chacun son goût Cela reviendrait à dire : le goût n'existe pas, il n'existe pas de jugement esthétique qui pourrait légitimement prétendre à l'assentiment de tous. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 La beauté est-elle une propriété des choses ? 2 Le principe du « A chacun son goût est-il acceptable lorsqu'il s'agit de l'agréable ? 3 Les objets beaux font-ils l'unanimité ? Réponses: 1 - Non : la beauté n'est pas dans les choses, mais dans le jugement sur ces choses.

Cependant ce jugement est tel que tout se passe comme si la beauté était une propriété de l'objet. 2 - Oui, parce qu'il n'y a aucune contradiction logique dans le fait que ce qui est agréable pour quelqu'un ne le soit pas pour quelqu'un d'autre. 3 - Non : lorsque l'on interroge plusieurs personnes sur une oeuvre d'art, on ne constatera rien de tel.

L'universalité est ici une exigence du jugement esthétique, nullement la constatation sociologique d'une unanimité. Dans le Phèdre, Platon fait bien remarquer que l'expérience de la beauté engendre le désir de communiquer; ce que j'ai trouvé beau, je veux que l'autre en jouisse aussi.

Kant, dans la première partie de la Critique de la faculté de juger, explique que nous attribuons au jugement : « C'est beau » une valeur universelle.

Nous voulons que la satisfaction, esthétique soit liée par une relation nécessaire à l'objet considéré. Universalité et nécessité du jugement esthétique : ces deux caractères ne m'autorisent-ils pas à le tenir pour objectif ? Conclure immédiatement à l'objectivité du jugement de goût serait oublier de sérieuses objections.. »

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