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La beauté d'une oeuvre d'art résulte-t-elle de l'application des règles de l'art ?

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« Analyse du sujet : Notre sujet prend la forme d'une question à laquelle il s'agit de répondre par « oui » ou « non » (question fermée). Il fait intervenir les notions de « beauté », d' « art » et de « règle », qu'il s'agit d'articuler. La notion qui semble poser le plus de difficultés est la « beauté » : en effet, sa signification a largement évolué dans l'histoire de l'art et de la philosophie.

Dans le langage courant, sa signification est aujourd'hui quasiment vide : le beau semble avoir été reconduit à « ce qui me plait », impression totalement subjective. La notion d'art fait également problème, puisque personne ne s'accorde sur une définition : le désaccord touche même certaines oeuvres dont d'aucun diront qu'elles ne sont pas de l'art.

Il suffit de penser à l'art contemporain pour s'en convaincre. Notre point de départ le plus solide est donc la notion de règle : elle se différencie de celle de loi.

En effet, une loi est contrainte absolue (penser aux lois de la nature par exemple) alors qu'une règle peut ou non être suivie.

Est-elle même contrainte ? Que dire par exemple des règles de l'improvisation musicale ? L'improvisation, par définition, semble échapper à toute règle.

Pourtant, l'improvisateur ne fait pas n'importe quoi.

Des règles peuvent être dégagées, au moins a posteriori, de telle ou telle improvisation. Problématisation : Si la beauté résulte d'une application, pour ainsi dire mécanique, des règles de l'art, alors ne doit-on pas affirmer que ces règles sont, non plus celles de l'art, mais celles du beau ? I – Y a-t-il des règles du beau ? Par ailleurs, l'évolution de l'art, notamment au 20ème siècle, nous invite à nous demander s'il y a même des règles de l'art. II – Y a-t-il des règles de l'art ? Proposition de plan : I – Y a-t-il des règles du beau ? Kant, dans la Critique de la faculté de juger , montre que le beau n'est pas affaire de connaissance mais de sentiment : le beau « plait universellement sans concept ».

La beauté ne résulte donc pas de la reconnaissance de telle ou telle règle mais d'un jeu infini de l'entendement et de l'imagination qui s'opère à la faveur d'une rencontre.

Le beau, d'ailleurs, n'est pas réservé aux oeuvres d'arts, mais est également et avant tout naturel : une belle fleur, un beau paysage, etc.

Il n'y a pas de règle du beau. Qu'en est-il de l'artiste ? Ne peut-il pas tout de même appliquer des règles (celles de son art) pour susciter le sentiment du beau ? L'oeuvre d'art n'est pas affaire de science mais d'habileté.

A ussi l'artiste qui produit de belles oeuvres est-il ce que Kant appelle un génie.

Sa faculté est innée, non apprise.

Appliquer les règles scrupuleusement ne sert à rien sans le talent.

Le génie cependant ne s'affranchit pas des règles.

A u contraire, il impose à l'art ses règles.

Il renverse les règles admises et affirme les siennes au travers des belles oeuvres. Transition : Si le talent de l'artiste est inné, qu'il impose ses règles, il est pourtant difficile de prétendre qu'il y a beauté ou art dès que de nouvelles règles sont imposées.

A utrement dit, il nous manque un critère permettant de décider quelle règle peut s'imposer ou non.

S'il suffit d'imposer de nouvelles règles pour qu'il y ait art et beauté, alors, le sentiment de beauté est tout simplement le sentiment de la nouveauté.

En d'autres termes, si toute règle nouvelle suffit, par le simple fait qu'elle est nouvelle, à produire de la beauté et de l'art, alors, la règle en elle-même n'a aucune importance.

A utant dire que l'art n'a pas de règle.

D'où notre question : II – Y a-t-il des règles de l'art ? C'est le rapport des nouvelles règles aux anciennes que notre question invite à penser.

La nouvelle règle est-elle un simple renversement de l'ancienne ? Partons de l'exemple de l'art contemporain : il semble s'affranchir totalement des règles traditionnelles de l'art.

L'urinoir de Duchamp, par exemple, n'est plus une production d'artiste, mais une production industrielle.

Il ne semble mériter le titre d'oeuvre d'art que parce qu'il est placé dans un musée ! Certains nient même le caractère artistique de l' « art » contemporain. Pourtant, nous pouvons toujours affirmer ceci : s'affranchir de toutes les règles de l'art, c'est déjà prendre position contre elles.

Duchamp, lorsqu'il se propose de nier les règles, entre nécessairement en dialogue avec elles.

Si bien que les oeuvres de Duchamp ne sont compréhensibles que si l'on connaît déjà l'histoire des règles de l'art.

Elles ne prennent sens que par rapport à elles.

Une règle de l'art contemporain pourrait alors se formuler de la manière suivante : « tenter de se passer de toutes les règles passées ».

Cela constitue déjà une règle. Il est donc impossible de se passer de règles pour parler d'art.

Les nouvelles règles s'inscrivent toujours dans la continuité des règles passées.

Plus précisément, toute oeuvre d'art est nécessairement une prise de position par rapport à l'histoire des oeuvres d'art. III – Les oeuvres d'art doivent-elles être belles ? Notre seconde partie tisse un lien fort entre l'art et la règle.

Rien n'invite alors à penser qu'une oeuvre, pour être dite artistique, doive être belle.

Au contraire, pour reprendre l'exemple de l'art contemporain, il est possible de produire des oeuvres d'art qui méritent ce titre et qui pourtant sont laides. L'exemple de l'Urinoir est convaincant.

On peut également penser à 4'33'' de John Cage, silence de 4 minutes 33 secondes qui invite le public à penser les bruits habituellement parasites, accidentels (quinte de toux, grincement de chaise, sonnerie de portable), comme constitutifs de l'oeuvre.

Cette oeuvre n'est ni belle, ni laide, mais est pourtant une oeuvre d'art. Le caractère artistique d'une oeuvre et sa beauté semblent alors complètement indépendants.

Or l'oeuvre d'art n'entretient un rapport à la règle qu'en tant qu'elle est artistique et non en tant qu'elle est belle.

Si bien que la règle et la beauté éventuelle d'une oeuvre sont également indépendants. Conclusion : Nous avons, avec Kant, montré qu'il n'y avait pas de règles en-soi de la beauté.

Une oeuvre d'art ne le devient qu'en prenant position par rapport à l'histoire des règles de l'art, mais n'a pour cela aucun besoin d'être belle.

Beauté et art sont disjoints, voire autonomes.

Par conséquent, la beauté d'un oeuvre d'art ne résulte en aucune manière dans l'application des règles de l'art.. »

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