Aide en Philo

KANT: l'unité de la conscience

Extrait du document

Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne : et grâce a l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise : et ceci, même lorsqu'il ne peut pas dire Je. car il l'a dans sa pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher. etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense. KANT


« « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment audessus de tous les autres êtres vivants sur la terre.

Par là, il est une personne : et grâce a l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise : et ceci, même lorsqu'il ne peut pas dire Je.

car il l'a dans sa pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier.

Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher.

etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler.

Auparavant il ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense.

» KANT. Ce texte est extrait du tout début de "Anthropologie du point de vue pragmatique" (Livre 1.

De la faculté de connaîtreDe la connaissance de soi-même, $1).

Cette oeuvre, regroupe, comme l’indique Kant dans une note de sa préface, des cours professés pendant les semestres d’hiver "depuis plus de trente ans". L’ "Anthropologie du point de vue pragmatique" contient toutefois des analyses subtiles sur les sujets les plus divers: la vie sociale, le rôle des sens et de la mémoire, le suicide.

On y trouve des anecdotes, des conseils sur l’art de vivre et une sorte de "traité des passions" qui fait songer à celui de Descartes. Le texte que nous allons commenter se rapporte à la conscience de soi.

Notons que dans un passage difficile de la "Critique de la raison pure", Kant affirme que pour qu’il y ait conscience de soi, deux choses sont requises: le déroulement successif de la diversité (le flux des phénomènes intérieurs ou états de conscience) et la compréhension de ce déroulement, acte qu’il nomme synthèse de l’appréhension.

Autrement dit, sans le "je pense" qui accompagne toutes mes représentations, "serait représenté en moi quelque chose qui ne pourrait pas du tout être pensé, ce qui revient à dire ou que la représentation serait impossible, ou que du moins, elle ne serait rien pour moi".

Kant distingue donc l’aperception empirique qui est l’état intérieur toujours changeant & l’aperception transcendantale, conscience pure, originaire et synthétique qui assure la liaison et donc la connaissance réflexive de ce flux intérieur, permettant ainsi la constitution d’un "moi" fixe & permanent.

Pouvoir dire je, c’est donc avoir conscience d’être un & identique pardelà la multiplicité des états de conscience internes et des expériences vécues. Ce texte est difficile.

Il convient de relever les termes essentiels et de leur accorder un moment de réflexion.

"Posséder en je", c’est pouvoir se dédoubler ou plus précisément s’appréhender soi-même comme objet.

"La personne" signifie le sujet porteur de la loi morale qui, en tant que tel, a une valeur absolue, une dignité et ne saurait donc être traité comme un simple moyen mais toujours en même temps comme une fin en soi.

"L’unité de la conscience" (aperception transcendantale), c’est le pouvoir de réaliser la synthèse de la diversité, de lier les éléments divers de la représentation.

"Les choses" sont tout ce qui relève du règne de la nature (donc aussi les animaux).

"L’entendement" est la faculté des concepts, faculté qui légifère dans le domaine de la connaissance et qui permet d’unifier le divers donné dans l’intuition sensible.

"Se sentir" signifie se saisir de manière concrète, sensible & immédiate.

"Se penser", c’est avoir conscience de soi comme sujet pensant. Introduction. Dans ce texte: 1) Kant montre que la conscience de soi ou le pouvoir de dire JE constitue un privilège qui fait de l’être humain une personne ayant une dignité et une valeur absolue, par opposition aux autres êtres qui ne sont que des choses. 2) Soulignant que l’enfant parle de soi à la première personne assez tardivement, Kant affirme l’importance décisive de l’acquisition du JE.

Que manifeste cet éveil de la conscience de soi? 1) Le premier moment de ce texte est consacré à l’analyse du pouvoir de dire JE. Kant commence par qualifier de privilège ce pouvoir de dire JE que possède l’homme.

"Posséder le je dans sa représentation", c’est être capable de se saisir soi-même par un retour sur soi comme un être unique & identique à soimême dans le temps, autrement dit accéder à la conscience de soi.

Le "je" utilisé comme substantif désigne donc le sujet capable de totaliser le divers dans la représentation, de se rendre présent aussi bien ce qui se déroule en la conscience que ce qui lui est extérieur.

C’est la possession de ce pouvoir qui caractérise l’homme.

Seul il peut dire je, cad se prendre soi-même comme objet et se représenter le monde.

C’est là, dit Kant, un pouvoir qui "élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants".

Par ce retournement de la conscience sur elle-même, l’homme peut transcender l’ordre naturel auquel il appartient.

Il dépasse infiniment le règne de la nature. Kant explicite ensuite le sens de ce privilège par lequel l’homme dépasse le règne de la nature: l’homme est une personne, par opposition aux autres êtres qui ne sont que des choses.

Une personne, cad un sujet moral responsable et, en tant que tel, possédant une dignité, une valeur relative et qui peuvent être utilisées comme simple moyen, l’homme constitue une fin en soi.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles