Aide en Philo

Kant: L'expérience conditionne-t- elle la connaissance ?

Extrait du document

Que toute notre connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n'est par des objets qui frappent nos sens et qui, d'une part, produisent par eux-mêmes des représentations et d'autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle, afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations, et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle qu'on nomme l'expérience ? Ainsi, chronologiquement, aucune connaissance ne précède en nous l'expérience et c'est avec elle que toutes commencent. Mais si toute notre connaissance débute AVEC l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive toute DE l'expérience, car il se pourrait bien que même notre connaissance par expérience fût un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître (simplement excité par des impressions sensibles) produit de lui-même : addition que nous ne distinguons pas de la matière première jusqu'à ce que notre attention y ait été portée par un long exercice qui nous ait appris à l'en séparer. C'est donc au moins une question qui exige encore un examen plus approfondi et que l'on ne saurait résoudre du premier coup d'oeil, que celle de savoir s'il y a une connaissance de ce genre, indépendante de l'expérience et même de toutes les impressions des sens. De telles connaissances sont appelées a priori et on les distingue des empiriques qui ont leur source a posteriori, à savoir dans l'expérience. Cette expression n'est pourtant pas encore suffisamment déterminée pour marquer tout le sens contenu dans la question proposée. Car on dit bien - et l'usage le veut - de maintes connaissances sorties de sources expérimentales, que nous en sommes capables ou que nous les avons a priori, parce que ce n'est pas immédiatement de l'expérience que nous les dérivons, mais d'une règle générale, que nous avons toutefois elle-même empruntée à l'expérience. C'est ainsi qu'on dit de quelqu'un qui a sapé les fondements de sa maison, qu'il pouvait bien savoir a priori qu'elle s'écroulerait, c'est-à-dire qu'il n'avait pas besoin pour le savoir d'attendre cette expérience, l'écroulement réel. Il ne pouvait pourtant pas le savoir entièrement a priori. En effet, que les corps sont lourds et que, par suite, ils tombent quand on leur enlève ce qui les soutient, c'est ce qu'il fallait que l'expérience lui eût auparavant fait connaître.

« VOCABULAIRE: EMPIRIQUE (adj.): Qui découle de l’expérience ou qui ne se règle que sur elle.

Le savoir empirique découle largement de l’habitude, qui lui permet de repérer des régularités dans l’expérience (par exemple, telle plante soulage toujours telle douleur).

Ce savoir s’obtient par tâtonnements, par essais et erreurs, mais ce n’est pourtant pas un savoir scientifique ou expérimental.

En effet, il ne sait pas vraiment expliquer ce qu’il observe, il ignore les causalités réellement agissantes (par exemple, l’action physique-chimique de la plante dans l’organisme). A priori: Ce qui précède l’expérience, et n’est tiré que de l’esprit ou de la raison. Chez Kant, les formes a priori de la sensibilité (l’espace et le temps) et de l’entendement (les catégories) rendent possible l’expérience (l’a priori est ici transcendantal).

Les marques de l’a priori sont l’universalité et la nécessité. L’expérience, quant à elle, n’offre que des généralisations et du contingent. A posteriori: Ce qui découle de l’expérience ou d’une vérification empirique. Pour que la philosophie commence, il faut que l'opinion devienne une question pour elle-même.

Elle doit s'interroger, s'expliquer, devenir consciente de son propre contenu.

Ceci ne peut s'effectuer sans désagrément, sans douleur, puisque cela signifie que l'opinion cesse d'être elle-même, qu'elle accepte de s'effacer.

Sans quoi elle reste ignorante de ce qui la constitue, de ses origines, de son fondement. Doit alors se poser à l'opinion la question de la vérité, question qui, au lieu d'un vain jeu de la persuasion ou de la séduction, devient une véritable épreuve.

La vérité nous met mal à l'aise, nous tient en échec, nous ébranle dans notre être.

Nous souhaiterions presque ne pas penser, mais cette vérité fait partie de nous. On peut se demander si le concept même de vérité est réellement indispensable, s'il ne s'agit pas d'une idée dont il vaudrait mieux se débarrasser.

En effet, elle ne semble pas s'imposer dans la pratique courante, dans l'expérience quotidienne de la vie, où nous usons d'autres critères de réussite et d'efficacité. La perception sensorielle, l'expérience, sont-elles les garanties fiables ou exclusives de la vérité ? La vérité a-t-elle besoin de preuves pour être vérité ? Ne risque-t-on pas de confondre certitude et vérité ? La vérité intervient dans notre existence la plus quotidienne, même si elle reste en elle-même un sujet d'interrogations, même si elle semble parfois nous empêcher d'agir.

Nous ne pouvons en produire une définition rationnelle précise, néanmoins nous l'apercevons souvent au détour de préoccupations qui semblaient l'exclure. On s'accorde en général à définir la vérité comme une concordance ou une conformité : de la pensée avec elle-même, de la pensée avec les choses, du réel avec l'idéal, autant de rapports qui peuvent coïncider ou s'opposer. La problématique de la connaissance, quant à elle, met plus spécialement en jeu le rapport entre l'esprit et les choses. Ce rapport est moins simple qu'il n'y paraît lorsque l'on prend conscience de la diversité des éléments qu'une telle connaissance implique, en particulier des articulations complémentaires ou conflictuelles entre les concepts et les sensations, l'imagination et les sentiments.

Nous pouvons aimer, craindre, ou imaginer le réel.

Faut-il en tout cela valoriser plus particulièrement l'objectif par rapport au subjectif ? Le réel n'est pas le fondement unique de toute connaissance, ainsi la seule présence des choses ne peut suffire pour définir la connaissance.

Ne produisons-nous pas nous-mêmes nos idées ? On peut donc se poser la question critique, celle du critère, grâce auquel on reconnaît la connaissance véritable.

Faut-il privilégier son caractère universel et abstrait, ou singulier et concret ? Serait-ce son utilité ou son efficacité pratiques ? Ou est-ce plutôt sa valeur ? Ou encore le rapport harmonieux qui peut s'instaurer entre nos facultés subjectives ? Diverses vérités ou formes de vérité, relativement arbitraires, guident notre existence ; ne sommes-nous pas obligés d'avouer leur fragilité, et de ce fait notre ignorance ? D'autant plus que chaque forme de savoir est limitée par sa nature même : elle ne sait que ce qu'elle peut savoir. On ne peut concevoir une connaissance sans critique, une connaissance qui ne se pose pas des questions sur ellemême.

Elle doit s'interroger principalement sur ses origines, sur la rationalité de ses fondements, et sur ses limites. N'est-ce pas la seule façon d'échapper, si on le peut, aux pièges de l'opinion comme à ceux de la connaissance ? Nous sommes menacés par les illusions du dogmatisme naïf, par les facilités du conformisme, par les tentations de l'influence, ou celles de la séduction, voire par les délices de la sujétion et de l'aliénation.

Dans l'absolu, nous pouvons penser ce que nous voulons, mais pour cela, faut-il encore savoir ce que nous pensons, pourquoi nous le pensons, et vouloir encore vraiment le penser.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles