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KANT: l'agréable et le beau

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Pour ce qui est de l'agréable chacun se résigne ce que son jugement, fondé sur un sentiment individuel, par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand il dit : le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun. L'un trouve la couleur violette douce et aimable, un autre la trouve morte et terne ; l'un préfère le son des instruments à vent, l'autre celui des instruments cordes. Discuter à ce propos pour accuser d'erreur le jugement d'autrui, qui diffère du nôtre, comme s'il s'opposait à lui logiquement, ce serait folie ; au point de vue de l'agréable, il faut admettre le principe : à chacun son goût (il s'agit du goût des sens). Il en va tout autrement du beau. Car il serait tout au contraire ridicule qu'un homme qui se piquerait de quelque goût, pensât justifier ses prétention en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le vêtement qu'un tel porte, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre jugement) est beau pour moi. Car il ne suffit pas qu'une chose lui plaise pour qu'il ait le droit de l'appeler belle ; beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, personne ne s'en soucie mais quand il donne une chose pour belle, il prétend trouver la même satisfaction en autrui ; il ne juge pas seulement pour lui mais pour tous et parle alors de la beauté comme si elle était une propriété d'objets ; il dit donc : la chose est belle, et s'il compte sur l'accord des autres avec son jugement de satisfaction, ce n'est pas qu'il ait constaté diverses reprises cet accord mais c'est qu'il l'exige. Il blâme s'ils jugent autrement, il leur dénie le goût tout en demandant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas dire : chacun son goût. Cela reviendrait à dire : il n'y a pas de goût, c'est-à-dire pas de jugement esthétique qui puisse légitimement prétendre l'assentiment universel. KANT

ANALYSE FORMELLE DU TEXTE « En ce qui concerne l'agréable, chacun consent à ce que son jugement... soit restreint à sa seule personne. Il admet donc quand il dit : ... qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : Il m'est agréable; il en est ainsi non seulement pour... mais aussi pour... Il en va tout autrement du beau; ce serait (précisément à l'inverse) ridicule si quelqu'un se piquant de bon goût, pensait s'en justifier en disant : ...beau pour moi. Car... mais quand il dit... il ne juge pas seulement pour lui, mais au nom de tous et parle alors de la beauté comme d'une propriété des objets ; il dit donc... et ne compte pas pour son jugement de satis­faction sur l'adhésion des autres parce qu'il... mais il exige cette adhésion..., et ainsi on ne peut pas dire que chacun ait son goût particulier. Cela reviendrait à dire... »

QUELQUES DIRECTIONS DE RECHERCHE

     De quoi part le raisonnement (et l'analyse) de Kant aussi bien dans le premier paragraphe que dans le second?

     Différence entre « goût » et « bon goût »?

     Pourquoi la notation :   « précisément à l'inverse »?

     Pourquoi « on ne peut pas dire que chacun ait son goût particulier »?

     Quelle(s) fonction(s) ont ici les raisonnements par l'absurde?

 

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« PRESENTATION DE LA "CRITIQUE DE LA FACULTE DE JUGER" DE KANT Dans cette troisième et dernière Critique, Kant (1724-1804) obéit à des motifs apparemment disparates.

Un objectif interne de complétude architecturale : il s'agit de trouver un moyen terme de liaison entre le monde nouménal de la liberté transcendantale constitué par la raison dans son usage pratique et le monde naturel de la nécessité mécanique constitué par l'entendement, moyen terme qui permettrait de saisir dans le monde les effets de la liberté. Ce moyen terme, Kant va le trouver dans le concept de finalité, concept privilégié d'une faculté de juger, intermédiaire entre raison et entendement.

L'harmonie présente dans ce qui nous frappe par sa beauté ou dans les êtres vivants, et qui semble obéir à une volonté, paraît établir un pont entre le monde physique et le monde nouménal.

De manière plus large, Kant prend ici en charge certains des débats majeurs et des innovations du siècle : la naissance de l'esthétique comme réflexion sur le jugement de goût qui date du milieu du siècle et qui accompagne l'autonomisation concomitante du champ artistique, mais aussi les controverses scientifiques sur la spécificité du vivant par rapport à la nature purement mécanique, débat lui plus ancien et qui remonte au moins au mécanisme du xviie siècle. « Pour ce qui est de l'agréable, chacun consent à ce que son jugement, fondé sur un sentiment particulier, et par lequel il affirme qu'un objet lui plaît, soit restreint à sa seule personne.

Il admet donc quand il dit: le vin des Canaries est agréable, qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : il m'est agréable ; il en est ainsi non seulement pour le goût de la langue, du palais et du gosier, mais aussi pour ce qui plaît aux yeux et aux oreilles de chacun.

[ ...

] Il en va tout autrement du beau.

Ce serait ridicule, si quelqu'un, se piquant.

de bon goût, pensait s'en justifier en disant : cet objet (l'édifice que nous voyons, le concert que nous entendons, le poème que l'on soumet à notre appréciation) est beau pour moi.

Car il ne doit pas appeler beau ce qui ne plaît qu'à lui.

Beaucoup de choses peuvent avoir pour lui du charme et de l'agrément, il n'importe; mais quand il dit d'une chose qu'elle est belle, il attribue aux autres la même satisfaction ; il ne juge pas seulement pour lui, mais au nom de tous et parle alors de la beauté comme d'une propriété des objets ; il dit donc que la chose est belle et ne compte pas pour son jugement de satisfaction sur l'adhésion des autres parce qu'il a constaté à diverses reprises que leur jugement était d'accord avec le sien, mais il cette adhésion.

Il les blâme s'ils en jugent autrement, il leur refuse d'avoir du goût et il demande pourtant qu'ils en aient ; et ainsi on ne peut pas.

Cela reviendrait à dire: le goût n'existe pas, c'est-à-dire le jugement esthétique qui pourrait à bon droit prétendre à l'assentiment de tous n'existe pas. » KANT ANALYSE FORMELLE DU TEXTE « En ce qui concerne l'agréable, chacun consent à ce que son jugement...

soit restreint à sa seule personne.

Il admet donc quand il dit : ...

qu'un autre corrige l'expression et lui rappelle qu'il doit dire : Il m'est agréable; il en est ainsi non seulement pour...

mais aussi pour...

Il en va tout autrement du beau; ce serait (précisément à l'inverse) ridicule si quelqu'un se piquant de bon goût, pensait s'en justifier en disant : ...beau pour moi.

Car...

mais quand il dit...

il ne juge pas seulement pour lui, mais au nom de tous et parle alors de la beauté comme d'une propriété des objets ; il dit donc...

et ne compte pas pour son jugement de satisfaction sur l'adhésion des autres parce qu'il...

mais il exige cette adhésion..., et ainsi on ne peut pas dire que chacun ait son goût particulier.

Cela reviendrait à dire...

» QUELQUES DIRECTIONS DE RECHERCHE • De quoi part le raisonnement (et l'analyse) de Kant aussi bien dans le premier paragraphe que dans le second? • Différence entre « goût » et « bon goût »? • Pourquoi la notation : « précisément à l'inverse »? • Pourquoi « on ne peut pas dire que chacun ait son goût particulier »? • Quelle(s) fonction(s) ont ici les raisonnements par l'absurde? Ce texte est extrait de la « Critique de la faculté de juger » ou « Critique du jugement » (1791).

La faculté de juger est faculté de penser le particulier comme contenu dans l'universel.

Lorsque je dispose d'une règle, d'un principe, d'une loi sous laquelle je peux subsumer le cas particulier, le jugement est dit déterminant.

Ainsi, par exemple, les lois de l'optique me permettent d'affirmer que le ciel doit paraître nécessairement bleu lorsqu'il n'y a pas d'humidité en suspension dans l'air.

Lorsque je remonte du particulier en général sans disposer au préalable d'une règle générale, le jugement est dit réfléchissant. JUGEMENT RÉFLÉCHISSANT ET JUGEMENT DÉTERMINANT Le jugement déterminant part de l'universel pour l'appliquer au particulier.

A l'inverse du jugement réfléchissant qui. »

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