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KANT et les rois-philosophes

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On ne doit pas s'attendre à ce que des rois se mettent à philosopher, ou que les philosophes deviennent roi... elle ne peut être suspectée d'être accusée de propagande. KANT


« "On ne doit pas s'attendre à ce que des rois se mettent à philosopher, ou que les philosophes deviennent roi...

elle ne peut être suspectée d'être accusée de propagande." KANT. Introduction 1.

Kant sépare les fonctions de la politique de celle de la philosophie. 2.

Mais le politique a le devoir de donner au philosophe le libre exercice de son activité. Développement 1.

D'une part, pour partir du réel, les rois sont cités en tête ; d'autre part, cités en second, les philosophes.

Comme si la fonction des philosophes était de seconder les rois.

Sorte de constat de ce qu'on pourrait appeler une division des tâches, sinon une séparation des pouvoirs.

Et Kant de faire allusion à cette rêverie qui consisterait à abolir la distinction des fonctions, selon un double mouvement : les rois devenant philosophes, les philosophes devenant rois.

Simple allusion, sans doute (" on ne doit pas s'attendre ») impossible dans l'ordre du fait. Mais à examiner aussi selon l'ordre du droit (de la raison), c'est-à-dire philosophiquement.

Confusion des fonctions que Kant, parlant non seulement en son nom propre, mais plutôt au nom de la raison, ne juge guère souhaitable : « ce n'est pas non plus désirable ».

Et d'en donner les raisons : « parce que ». Reprenons la division des fonctions : les rois (ou les peuples) exercent le pouvoir.

Les philosophes jugent librement, au nom de la raison.

A supposer que les rois deviennent philosophes ils n'en continueront pas moins à exercer le pouvoir.

A supposer que les philosophes de-viennent rois, ils seront amenés, eux aussi, à exercer le pouvoir.

Cette fonction de l'exercice du pouvoir ne s'abolit pas, elle se maintient.

Et la thèse de Kant est explicite, même si elle semble exprimée en passant : le pouvoir corrompt. Thèse au sens multiple.

Elle ne met pas en cause la bonne volonté des personnes en jeu, mais la fonction du pouvoir (« inévitablement »).

Thèse qui affirme que dans tous les cas le pouvoir est plus fort que la raison (en fait, mais non en droit).

Et surtout thèse violente — et dont la violence théorique répond à la violence pratique — qui stigmatise le pouvoir comme un mal capable de briser, de rompre, de « corrompre » tout ce qu'il touche.

Ainsi, dans tous les cas, « l'homme nouveau » qui naîtrait de cette alliance impossible (de fait et de droit) entre les rois et les philosophes, ne saurait être qu'un monstre corrompu.

De l'hybride ne naîtrait qu'un fruit avarié... On voit quel est le réalisme de Kant, qui pense la situation plutôt en terme de conflit que d'alliance, et qui reconnaît que le pouvoir, par nature (par essence) est limitation de la liberté (de jugement).

Nous sommes loin d'un angélisme affirmant en paroles que le pouvoir pourrait ou même devrait se plier devant les exigences de la raison. A l'opposé, et de manière symétrique, il y a une autre position possible.

Puisque dans tous les cas le pouvoir l'emporte, c'est-à-dire les rois (ou les peuples), il y a une tentation : celle d'étendre le pouvoir jusqu'à supprimer (faire « disparaître ») ou juguler (« réduire au silence ») les philosophes.

Dans la confusion des rois et des philosophes, le libre exercice des jugements rationnels ne pourrait s'exercer : les philosophes seraient étouffés.

Dans l'ex-tension sans limite du pouvoir, ils n'auraient qu'à disparaître.

Le sort de « la classe des philosophes » n'est pas plus enviable dans un cas que dans l'autre. Reste une troisième voie : maintenir la séparation (contre la confusion), figure dans laquelle se maintient la classe des philosophes (ce qui limite par la même l'extension abusive du pouvoir). 2.

Certes, Kant ne dit pas expressément que là se trouve la tentation du pouvoir.

Par contre il évoque discrètement la possibilité pour des conseillers du prince de suggérer.

C'est au pouvoir de décider.

Aussi Kant, au nom de la raison, y va de sa requête, sinon de sa supplique (« que les rois ne permettent pas », ne supportent pas, ne tolèrent pas). Ce qui pose, sans la résoudre clairement, la question du pouvoir de la raison.

C'est au nom de la raison que Kant intervient, dans une question générale, mais aussi sans doute d'actualité.

Mais comment être assuré que les rois suivront la recommandation raisonnable du philosophe.

Ils peuvent agir comme êtres raisonnables, mais le pouvoir ne risque-t-il pas de leur monter à la tête (toute couronnée qu'elle soit, ou justement parce qu'elle est couronnée) ? Quelle certitude avons-nous que la raison l'emporte, et est-ce seulement en termes de conflit qu'il faut entendre le rapport entre la raison et le pouvoir ? Si c'est en termes de conflit, alors tout est déjà joué et perdu.

La raison (puisqu'elle n'a pas le pouvoir) ne saurait triompher d'un pouvoir (qui ne peut être raisonnable). Le propos de Kant est de réaffirmer l'autonomie de la raison, autonomie sans laquelle il n'y aurait pas de liberté de jugement.

Les philosophes n'ont pas à s'inféoder aux rois, à se soumettre au pouvoir.

De réaffirmer aussi l'indispensable publicité de la parole des philosophes.

Certes rien, pas même le pouvoir le plus excessif, ne peut les empêcher de penser, qu'ils soient en prison ou libres d'aller et venir.

Mais ce que Kant revendique c'est que la parole soit publique (« laissent [...] s'exprimer librement ») — sans, par conséquent, qu'une censure s'exerce. Et ceci pour deux raisons.

D'une part, pour les philosophes, considérés par Kant comme une classe, autrement dit un groupe social homogène, quelle que soit la philosophie particulière que chacun d'entre eux peut avancer.

Mais au-delà des divergences et même des antagonismes doctrinaux, il y a entre eux une communauté née d'une exigence. »

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