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KANT: argent et liberté

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Celui qui renonce à sa liberté et l'échange pour de l'argent agit contre l'humanité. La vie elle-même ne doit être tenue en haute estime que pour autant qu'elle nous permet de vivre comme des hommes, c'est-à-dire non pas en recherchant tous les plaisirs, mais de façon à ne pas déshonorer notre humanité. Nous devons dans notre vie être dignes de notre humanité: tout ce qui nous en rend indignes nous rend incapables de tout et suspend l'homme en nous. Quiconque offre son corps à la malice d'autrui pour en retirer un profit — par exemple en se laissant rouer de coups en échange de quelques bières — renonce du même coup à sa personne, et celui qui le paie pour cela agit de façon aussi méprisable que lui. D'aucune façon ne pouvons-nous, sans sacrifier notre personne, nous abandonner à autrui pour satisfaire son inclination, quand bien même nous pourrions par là sauver de la mort nos parents et nos amis. On peut encore moins le faire pour de l'argent. Si c'est pour satisfaire ses propres inclinations qu'on agit ainsi, cela est peut-être naturel mais n'en contredit pas moins la vertu et la moralité; si c'est pour l'argent ou pour quelque autre but, on consent alors à se laisser utiliser comme une chose malgré le fait qu'on soit une personne, et on rejette ainsi la valeur de l'humanité. KANT

« « Celui qui renonce à sa liberté et l'échange pour de l'argent agit contre l'humanité. La vie elle-même ne doit être tenue en haute estime que pour autant qu'elle nous permet de vivre comme des hommes, c'est-à-dire non pas en recherchant tous les plaisirs, mais de façon à ne pas déshonorer notre humanité.

Nous devons dans notre vie être dignes de notre humanité: tout ce qui nous en rend indignes nous rend incapables de tout et suspend l'homme en nous.

Quiconque offre son corps à la malice d'autrui pour en retirer un profit — par exemple en se laissant rouer de coups en échange de quelques bières — renonce du même coup à sa personne, et celui qui le paie pour cela agit de façon aussi méprisable que lui.

D'aucune façon ne pouvons-nous, sans sacrifier notre personne, nous abandonner à autrui pour satisfaire son inclination, quand bien même nous pourrions par là sauver de la mort nos parents et nos amis.

On peut encore moins le faire pour de l'argent.

Si c'est pour satisfaire ses propres inclinations qu'on agit ainsi, cela est peut-être naturel mais n'en contredit pas moins la vertu et la moralité; si c'est pour l'argent ou pour quelque autre but, on consent alors à se laisser utiliser comme une chose malgré le fait qu'on soit une personne, et on rejette ainsi la valeur de l'humanité.» KANT. NOTIONS EN JEU Le devoir et le bonheur; la liberté. THÈSE ADVERSE Il n'est pas immoral de se livrer délibérément à autrui ou de lui abandonner son corps, si c'est à la fois dans son intérêt et dans le sien, pourvu que cela ne porte préjudice à personne. PROCÉDÉS D'ARGUMENTATION Kant énonce sa thèse, qu'il justifie par une définition négative de la vie humaine, laquelle consiste à ne pas « déshonorer (son) humanité ».

II illustre alors cette conception par des exemples montrant, a contrario, ce que c'est qu'agir « contre l'humanité ».

De ces exemples, il tire pour finir une analyse de ce qui est moral, c'est-à-dire conforme à la dignité humaine, et de ce qui ne l'est pas. DÉCOUPAGE DU TEXTE ET IDÉES PRINCIPALES Dans la première partie du texte ( depuis le début jusqu'à « aussi méprisable que lui »), Kant énonce sa thèse : « Celui qui renonce à sa liberté et l'échange pour de l'argent agit contre l'humanité.

» Il l'étaye alors sur une idée : la vie humaine n'a de valeur que pour autant que nous ne déshonorons pas notre humanité.

Pour le montrer, l'auteur évoque le cas de celui qui « offre son corps à la malice d'autrui pour ln retirer un profit », et qu'il renvoie dos à dos avec celui qui le paie, « aussi méprisable que lui ». Dans la seconde partie (depuis « D'aucune façon...

« jusqu'à la fin), l'auteur affirme que la règle selon laquelle on ne doit pas sacrifier sa dignité, donc sa personne, pour satisfaire « l'inclination » c'est-à-dire le désir d'un autre, vaut absolument, est une règle absolue : « ...

quand bien même nous pourrions par là sauver de la mort nos parents et nos amis ».

Comme telle, elle vaut dans tous les cas, a fortiori dans celui, particulier, où l'on sacrifie sa dignité contre de l'argent. REMARQUES ET DIFFICULTÉS Il convient de bien analyser les exemples donnés dans la première partie du texte, et de les rapporter éventuellement à d'autres, pour mettre en valeur la thèse et en montrer le caractère intemporel : s'il n'est pas courant de « se laisser rouer de coups en échange de quelques bières », en revanche, on peut penser à la commercialisation d'organes, dans les sociétés modernes, ou encore aux diverses formes de prostitution, lesquelles consistent bien à aliéner son droit à agir ou à penser librement pour en tirer un profit. La conception de la vie « humaine » proposée en début de texte par Kant mérite une attention particulière : vivre « comme des hommes » ce n'est pas « rechercher tous les plaisirs», mais « ne pas déshonorer son humanité ».

C'est donc une définition négative, qu'il s'agit de développer en analysant les termes et expressions du texte qui y renvoient : renoncer à sa liberté, comme le dit Kant ici, c'est « agi(r) contre l'humanité », ce qui peut paraître choquant, car après tout, celui qui renonce à sa liberté sans nuire à personne, peut ne pas sembler immoral.

Que signifie donc « l'humanité » qu'il s'agit de ne pas « déshonorer »? Kant dit ensuite que nous devons être « dignes de notre humanité », refuser tout ce qui « suspend l'homme en nous » : l'humanité qui est visée, ce n'est donc pas une entité abstraite et extérieure mais celle qui réside en chacun de nous, et doit faire l'objet de notre respect.

D'où la nécessité de ne pas « se laisser utiliser comme une chose malgré le fait qu'on soit une personne » : « l'homme doit respecter l'humanité en lui, se traiter comme "une fin en soi" », comme le dit Kant par ailleurs, non comme une « chose », un simple moyen ou. »

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