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KANT

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Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur le plan incliné par un degré d'inclinaison qu'il avait lui-même choisi, ou que Torricelli fit porter à l'air d'un poids qu'il savait d'avance égal à une colonne d'eau de lui connue, [...] ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après son propre plan, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui commandent ses jugements selon des lois fixes et forcer la nature à répondre à ses questions, mais ne pas se laisser mener par elle comme à la lisière ; car, sinon, les observations, faites au hasard, sans plan tracé à l'avance, ne se rattacherait pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige. La raison doit se présenter à la nature, avec, dans une main, ses principes selon lesquels seule la concordance des phénomènes peut avoir l'autorité des lois, et, dans l'autre, l'expérimentation qu'elle a conçue d'après ses principes, certes pour être instruite par elle, non pourtant à la façon d'un écolier qui se laisse souffler tout ce que le maître veut, mais à celle d'un juge en fonction, qui force les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose. [...] Telle est la voie par laquelle la science de la nature pour la première fois s'est engagée sur le chemin sûr d'une science, alors que pendant tant de siècles elle n'avait pas dépassé de simples tâtonnements. KANT

« "Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur le plan incliné par un degré d'inclinaison qu'il avait lui-même choisi, ou que Torricelli fit porter à l'air d'un poids qu'il savait d'avance égal à une colonne d'eau de lui connue, [...] ils comprirent que la raison n'aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après son propre plan, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui commandent ses jugements selon des lois fixes et forcer la nature à répondre à ses questions, mais ne pas se laisser mener par elle comme à la lisière ; car, sinon, les observations, faites au hasard, sans plan tracé à l'avance, ne se rattacherait pas à une loi nécessaire, ce que la raison pourtant recherche et exige.

La raison doit se présenter à la nature, avec, dans une main, ses principes selon lesquels seule la concordance des phénomènes peut avoir l'autorité des lois, et, dans l'autre, l'expérimentation qu'elle a conçue d'après ses principes, certes pour être instruite par elle, non pourtant à la façon d'un écolier qui se laisse souffler tout ce que le maître veut, mais à celle d'un juge en fonction, qui force les témoins à répondre aux questions qu'il leur pose.

[...] Telle est la voie par laquelle la science de la nature pour la première fois s'est engagée sur le chemin sûr d'une science, alors que pendant tant de siècles elle n'avait pas dépassé de simples tâtonnements.

" KANT. QUESTIONNEMENT INDICATIF • La raison produit-elle des objets physiques (par exemple produit-elle les sphères qui roulent sur le plan incliné, l'air dont la pression agit sur la surface de l'eau) ? Que produit-elle alors ? Que signifie ici « voir » ? • En quoi les expériences de Galilée et Torricelli nous éclairent-elles sur ce qui est à l'œuvre dans l'expérimentation ? • Les « lois immuables » sont-elles les fois physiques ? • Qu'est-ce qu'une loi « nécessaire »? Pouvez-vous donner une définition de « nécessaire » et de « contingent » ? • Qu'est-ce qu'avoir « l'autorité de lois » ? • Pourquoi, selon Kant, seuls les principes (de la raison) peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l'autorité de lois ? • En quoi l'expérimentation » est-elle nécessaire, selon Kant ? • Quelle est la fonction de la métaphore « filée » « écolier» « juge », « maître », « témoin » ? • Qu'est-ce qui doit être « premier » dans l'expérimentation ? • Ce texte a-t-il un intérêt simplement « épistémologique » ou se situe-t-il dans le domaine de la philosophie des sciences ? Comment la physique s'est-elle engagée dans la voie sûre de la science ? Cette question invite Kant à examiner la méthode utilisée par les physiciens.

Cette analyse de la méthode scientifique fera apparaître une relation entre la raison et la nature, entre la théorie et l'expérience, ou encore entre le sujet et l'objet tout à fait révolutionnaire à son époque.

En effet, contrairement à l'opinion commune, Kant démontrera que le sujet pensant n'est pas soumis au spectacle du monde, niais qu'il en est le législateur, faisant advenir.

par l'usage de sa raison, la structure objective du monde qu'il énoncera dans des lois.

Ainsi, par-delà son intérêt historique, ce texte aura, en outre.

une portée épistémologique décisive puisque Kant v expose les fondements de la théorie moderne de la connaissance. La physique accède au rang de science à partir de deux expériences cruciales et décisives accomplies par Galilée et par Torricelli, son élève. En 1602, à Florence, Galilée imagina de faire rouler des houles dans une « rigole » inclinée.

Il utilisa les trois variables possibles : la matière des boules, leur poids, l'angle d'inclinaison du plan.

Il mesura la durée du roulement sur les six mètres de son dispositif avec une horloge à eau et put formuler ainsi la loi de la chute des corps. Malgré le caractère encore rudimentaire de l'expérience et l'imprécision des résultats de Galilée, ce qui est décisif; c'est qu'il « a choisi lui-même » d'étudier la chute des corps en fonction du paramètre de l'accélération.

C'est la raison qui construit l'expérience en faisant varier l'angle d'inclinaison du plan et c'est en modifiant les conditions naturelles de la chute des corps que Galilée en conclut que, quelle que soit l'inclinaison et le poids des boules, l'accélération de la vitesse est toujours la même.

Ainsi, Galilée rompt avec la physique aristotélicienne qui expliquait la chute des corps à partir de la pesanteur, perçue comme une propriété inhérente à certains corps. L'expérience de Torricelli consiste à plonger, dans une cuvette de mercure, l'extrémité ouverte d'un tube de mercure, . long d'un mètre et fermé à l'autre bout.

Il constate alors que, dans cette colonne de mercure.

le niveau du métal descend .

jusqu'à la hauteur de 76 cm.

Les 24 cm au-dessus de ce niveau constituent le vide. Ainsi, la découverte de la pression atmosphérique ruine entièrement l'idée admise jusque-là que « la nature a horreur du vide ». Kant ne s'attache pas aux résultats, mais à la méthode, c'est-à-dire à la démarche intellectuelle de Galilée et de Torricelli qui se caractérise par le libre choix du degré d'inclinaison pour l'un et le libre choix de la densité du mercure pour l'autre.

Ce qui est décisif, c'est leur initiative, et à travers eux, l'initiative de la raison, laquelle en imposant ses règles aux phénomènes de la chute des corps et de la pression atmosphérique a permis l'énonciation des lois scientifiques de ces deux phénomènes.

Ces deux expériences sont en réalité des expérimentations. Ce concept d'expérimentation n'invite-t-il pas à repenser le rapport entre la théorie et l'expérience ? Ces deux expériences ont ceci en commun qu'elles invitent à repenser le rôle de la raison dans l'élaboration de la. »

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