KANT
Extrait du document
«
"On pose la question de savoir si l'homme est par nature moralement bon ou
mauvais.
Il n'est ni l'un ni l'autre, car l'homme par nature n'est pas du tout un être
moral ; il ne devient un être moral que lorsque sa raison s'élève jusqu'aux concepts
du devoir et de la loi.
On peut cependant dire qu'il contient en lui-même à l'origine
des impulsions menant à tous les vices, car il possède des penchants et des
instincts qui le poussent d'un côté, bien que la raison le pousse du côté opposé.
Il
ne peut donc devenir moralement bon que par la vertu, c'est-à-dire en exerçant
une contrainte sur lui-même, bien qu'il puisse être innocent s'il est sans passion.
La plupart des vices naissent de ce que l'état de culture fait violence à la nature et
cependant notre destination en tant qu'hommes est de sortir du pur état de nature
où nous ne sommes que des animaux." KANT.
Questions
1.
Dégagez l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.
2.
Expliquez ce que signifie :
a.
« l'homme par nature n'est pas du tout un être moral ».
b.
« il possède des penchants et des instincts qui le poussent d'un côté bien que la raison le pousse du côté opposé ».
c.
« l'état de culture fait violence à la nature ».
d.
« innocent » dans le contexte.
3.
Être moral, est-ce contrarier ou suivre sa nature ?
Question 1
• Idée directrice : L'homme n'est pas originairement moral Kant pose ici la question de l'origine de la morale en l'homme
: est-elle innée ou acquise ? L'homme naît-il avec la connaissance spontanée du bien et du mal, ou doit-il l'acquérir par
la culture ?
• Les trois étapes de l'argumentation : — « On pose la question [...] concepts du devoir et de la loi » : Kant, dès la
première phrase, énonce l'enjeu de ce texte.
Le «on» indique
l'opinion commune.
Kant veut montrer que la question est mal posée.
La moralité est déterminée par la raison libre de
l'homme qui ne devient un être moral qu'en obéissant à la loi par devoir.
La nature est amorale, c'est-à-dire qu'elle
n'est ni bonne, ni mauvaise.
— « On peut cependant [...] sans passion » : cependant, l'homme possède « des penchants et des instincts » qui
empêchent sa raison morale de se manifester.
Cette raison morale ne surgit que dans le conflit qui existe en l'homme et
qui constitue sa double dimension : la passion et la raison.
C'est seulement lorsqu'il a réussi à surmonter volontairement
ses passions que l'homme devient un être moral.
— « La plupart des vices [...] animaux » : la vocation de l'homme est de s'élever vers la moralité, de passer du vice à
la vertu.
La fin du texte est en ce sens significative : si les vices sont inhérents à la nature humaine, ils naissent
davantage de la culture que de la nature.
Mais c'est pourtant hors de cet état de nature que l'homme peut achever sa
vocation d'homme : la liberté et la moralité.
Question 2
a.
La nature obéit à des déterminismes physiques.
La moralité ne surgit qu'avec la prise de conscience de la valeur de
la loi, du devoir.
C'est pourquoi la moralité n'est ni de l'ordre de la nature ni de l'ordre de la culture : elle est un
caractère de la raison perfectible.
b.
L'homme est un être de raison et de passion.
Par la raison, il connaît le devoir, la loi ; par la passion, l'homme est
soumis « aux instincts et aux penchants ».
Il y a donc conflit en l'homme.
c.
Kant insiste sur la double nature de l'homme (comme nous l'avons expliqué en b.) et s'inspire de Rousseau (Contrat
social, livre I, chap.
8) : si la vie en société développe davantage les vices, l'état de culture peut seul transformer les
hommes en êtres moraux.
Le passage de l'état de nature à l'état de culture est un progrès qui permet d'instaurer le
règne de la raison.
d.
Dans ce contexte, « innocent » signifie l'enfant ou l'homme à l'état de nature, c'est-à-dire celui qui n'a pas encore
mis en oeuvre les ressources, les possibilités de sa raison qui lui permet de s'élever aux « concepts de devoir et de la
loi », et qui ignore la moralité en lui.
Question 3
• Les deux verbes « contrarier » et « suivre » soulignent, pour le premier, l'action et, pour le second, la passivité.
Être
moral, serait-ce de s'opposer à tout ce qui en nous relève de la nature ou, au contraire, se conformer à la nature en
chacun de nous ?
• La question posée par le sujet est paradoxale :
– si je contrarie ma nature, je ne peux pas progresser puisque le propre de la nature humaine est d'être perfectible ;.
»
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