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KANT

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Puisque, en effet, la raison n'est pas suffisamment capable de gouverner sûrement la volonté à l'égard de ses objets et de la satisfaction de tous nos besoins (qu'elle-même multiplie pour une part), et qu'à cette fin un instinct naturel inné nous aurait plus sûrement conduits; puisque néanmoins la raison nous a été départie comme puissance pratique, c'est-à-dire comme puissance qui doit avoir de l'influence sur la volonté, il faut que sa vraie destination soit de produire une volonté bonne, non pas comme moyen en vue de quelque autre fin, mais bonne en soi-même; c'est par là qu'une raison était absolument nécessaire, du moment que partout ailleurs la nature, dans la répartition de ses propriétés, a procédé suivant des fins. Cette volonté ne peut être l'unique bien, le bien tout entier; mais elle doit nécessairement être le bien suprême, car elle est la condition dont dépend tout autre bien, même toute aspiration au bonheur. Dans ce cas, il est parfaitement possible d'accorder avec la sagesse de la nature le fait que la culture de la raison, indispensable pour la première de ces fins qui est inconditionnée, limite de bien des manières, et même puisse réduire à rien, au moins dans cette vie, la réalisation de la seconde, le bonheur, qui est toujours conditionnée. En cela, la nature n'agit pas contre toute finalité ; car la raison, qui reconnaît que sa plus haute détermination pratique est de fonder une bonne volonté, ne peut trouver dans l'accomplissement de ce dessein qu'une satisfaction qui lui convienne, c'est-à-dire qui résulte de la réalisation d'une fin que seule encore une fois elle détermine, même si cela ne va pas sans porter quelque préjudice aux fins de l'inclination. KANT

« PRESENTATION DE "FONDEMENTS DE LA METAPHYSIQUE DES MOEURS" DE KANT Dans ce premier grand ouvrage consacré à la morale, Kant (1724-1804) se donne pour tâche « la recherche et l'établissement du principe suprême de la moralité » (Préface).

Son objectif n'est pas seulement spéculatif mais surtout pratique : il est nécessaire de trouver le critère permettant à chacun d'apprécier clairement la valeur morale de ses actions, car la moralité est sujette à corruption, souvent confondue avec le calcul de nos intérêts ou la satisfaction de nos inclinations.

La démarche de Kant va consister à s'affranchir de toute considération empirique (psychologie, anthropologie...) pour dégager le fondement rationnel de la moralité.

En montrant que la moralité d'une action se mesure à la soumission de la volonté à la forme universelle d'une loi a priori de la raison et qu'il faut distinguer la conduite morale de la recherche du bonheur, il propose une approche radicalement nouvelle du problème moral.

Accusé de formalisme et de rigorisme, Kant a ici le mérite de fonder une éthique rationaliste à vocation universaliste. "Puisque, en effet, la raison n'est pas suffisamment capable de gouverner sûrement la volonté à l'égard de ses objets et de la satisfaction de tous nos besoins (qu'elle-même multiplie pour une part), et qu'à cette fin un instinct naturel inné nous aurait plus sûrement conduits; puisque néanmoins la raison nous a été départie comme puissance pratique, c'est-à-dire comme puissance qui doit avoir de l'influence sur la volonté, il faut que sa vraie destination soit de produire une volonté bonne, non pas comme moyen en vue de quelque autre fin, mais bonne en soi-même; c'est par là qu'une raison était absolument nécessaire, du moment que partout ailleurs la nature, dans la répartition de ses propriétés, a procédé suivant des fins.

Cette volonté ne peut être l'unique bien, le bien tout entier; mais elle doit nécessairement être le bien suprême, car elle est la condition dont dépend tout autre bien, même toute aspiration au bonheur.

Dans ce cas, il est parfaitement possible d'accorder avec la sagesse de la nature le fait que la culture de la raison, indispensable pour la première de ces fins qui est inconditionnée, limite de bien des manières, et même puisse réduire à rien, au moins dans cette vie, la réalisation de la seconde, le bonheur, qui est toujours conditionnée.

En cela, la nature n'agit pas contre toute finalité ; car la raison, qui reconnaît que sa plus haute détermination pratique est de fonder une bonne volonté, ne peut trouver dans l'accomplissement de ce dessein qu'une satisfaction qui lui convienne, c'est-à-dire qui résulte de la réalisation d'une fin que seule encore une fois elle détermine, même si cela ne va pas sans porter quelque préjudice aux fins de l'inclination." KANT Les Fondements de la métaphysique des moeurs explorent l'élément rationnel propre à l'action humaine, c'est-à-dire ce qui constitue le concept d'une volonté souverainement bonne en elle-même, indépendamment de toute inclination intéressée.

De cette façon, « l'autonomie de la volonté, principe suprême de la volonté » devra, selon Kant, se ranger sous les lois d'une raison pratique, que récapitule le célèbre « impératif catégorique ». Le début de ce texte conteste la capacité de la raison à assurer la conservation, le bien-être, le bonheur de l'homme. En la matière, l'instinct eût été mieux indiqué.

Kant semble verser dans la misologie (ou haine de la raison) telle qu'on peut la rencontrer chez Pascal (« cette belle raison corrompue a tout corrompu », Pensées, Lafuma, 60) ou chez Rousseau, pour qui l'usage de la raison nous éloigne du premier sentiment de l'Humanité. Mais Kant invoque la sagesse de la nature qui nous a doté d'une raison.

Il faudra donc bien que la raison ait une destination supérieure à la simple détermination des moyens de satisfaire nos inclinations sensibles (ce à quoi elle se montre d'ailleurs bien mauvaise conseillère). La raison doit produire la norme universelle de ce qui rend la volonté bonne en elle-même, et non seulement par rapport aux effets ou aux conséquences de l'action.

Cet usage pratique de la raison ne se borne donc pas aux conditions techniques de l'action.

C'est pourquoi Kant parle de la raison pratique comme d'une faculté de l'inconditionné.

La raison pratique est garante de la conformité de l'intention à une loi morale qui s'impose à elle, comme un Fait.

Ce fait n'est pas un fait empirique, ni quelque chose qu'on pourrait établir par des raisonnements à partir de données antérieures de la raison.

La loi morale, affirme Kant, « nous est donnée en quelque sorte comme un fait de la raison pure dont nous avons conscience a priori [...I à supposer même qu'on ne puisse dénicher dans l'expérience aucun exemple où cette loi fût exactement suivie » (Critique de la raison pratique, Déduction des principes...).

La raison pratique ne se prévaut donc pas des exemples de moralité.

Rien ne distingue, empiriquement, un acte simplement conforme au devoir, qui témoigne de bonnes moeurs, et un acte accompli par devoir, à l'exception de tout autre mobile, et qui est donc moralement bon : « quand il s'agit de valeur morale, l'essentiel n'est point dans les actions, que l'on voit, mais dans les principes intérieurs des actions, qu'on ne voit pas ».

C'est la représentation de la loi morale dans l'être raisonnable, et non des effets qu'on peut attendre de l'observance de la loi (récompense, bonheur, etc.) qui doit être le principe déterminant de la volonté.

La volonté, débarrassée de la représentation des avantages, des intérêts sensibles, peut alors être appelée bonne absolument et sans restriction.

Elle vise directement l'universel, et ne connaît qu'un impératif : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle ». Le critère de l'action moralement bonne, consisterait donc à placer cette action dans la perspective d'une recevabilité universelle.. »

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