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KANT

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La philosophie n'est que la simple idée d'une science possible qui n'est donnée nulle part in concreto, mais dont on cherche à s'approcher par différentes voies jusqu'à ce qu'on ait découvert l'unique sentier qui y conduit, mais qu'obstruait la sensibilité, et que l'on réussisse, autant qu'il est permis à des hommes, à rendre la copie jusque-là manquée, semblable au modèle. Jusqu'ici on ne peut apprendre aucune philosophie ; car où est-elle, qui la possède et à quoi peut-on la reconnaître ? On ne peut qu'apprendre à philosopher, c'est-à-dire à exercer le talent de la raison dans l'application de ses principes généraux à certaines tentatives qui se présentent, mais toujours avec la réserve du droit qu'a la raison de rechercher ces principes eux-mêmes à leurs sources et de les confirmer ou de les rejeter. KANT

« "La philosophie n'est que la simple idée d'une science possible qui n'est donnée nulle part in concreto, mais dont on cherche à s'approcher par différentes voies jusqu'à ce qu'on ait découvert l'unique sentier qui y conduit, mais qu'obstruait la sensibilité, et que l'on réussisse, autant qu'il est permis à des hommes, à rendre la copie jusque-là manquée, semblable au modèle.

Jusqu'ici on ne peut apprendre aucune philosophie ; car où est-elle, qui la possède et à quoi peut-on la reconnaître ? On ne peut qu'apprendre à philosopher, c'est-à-dire à exercer le talent de la raison dans l'application de ses principes généraux à certaines tentatives qui se présentent, mais toujours avec la réserve du droit qu'a la raison de rechercher ces principes eux-mêmes à leurs sources et de les confirmer ou de les rejeter." KANT Introduction Qu'est-ce que la philosophie ? 1.

Il n'y a pas « in concreto » de philosophie déjà constituée. 2.

Aussi on ne peut apprendre la philosophie ; on ne peut « qu'apprendre à philosopher ». Développement 1.

Qu'est-ce que la philosophie ? Telle est la question à laquelle tente de répondre Kant.

La réponse suggère la simplicité : la philosophie « n'est que », au sens de seulement, qui fait penser à un « pas plus compliqué que ça »... La forme négative écarte, sans les nommer, des réponses au positif, du type : la philosophie c'est (ceci ou cela), réponses au positif qui présupposeraient qu'il y ait une (ou des) philosophies déjà constituées comme (un ou des) objets qu'il suffirait alors de désigner. Le texte le dit : la philosophie n'est pas un objet (comme une chose produite par la culture) mais une idée (« une simple idée »).

Mais que la philosophie ne soit pas donnée comme une chose existant quelque part « in concreto », n'implique pas qu'elle n'existe pas.

Elle est un projet rigoureux (rigoureux comme « une science ») à construire (le contraire du donné), non pas chimérique (puisqu'il est « possible ») mais sans la certitude de le mener à terme — car le possible n'est pas le certain. Que la philosophie soit un projet va avec l'idée de son relatif éloignement : un projet constitué par l'homme, mais qu'il semble difficile de constituer ou d'atteindre.

Projet qui implique un effort (« chercher à s'approcher ») — et pour lequel Kant emploie le langage métaphorique d'un parcours qui se déploie dans un espace.

Comme si la philosophie était quelque part située loin de là où nous sommes, avec d'abord une diversité de « voies », puis un « sentier » déjà plus étroit, plus sinueux, plus écarté, que l'on peut rater, dans la mesure où il est « unique » et qu'une fois trouvé on ne peut parcourir qu'au prix d'un obstacle de taille à surmonter. S'appuyant sur la métaphore, Kant fournit, indirectement, une réponse, non pas à ce qu'est la philosophie, mais à sa condition.

La philosophie ne peut se constituer qu'à condition que l'homme ne s'appuie pas sur la « sensibilité », c'està-dire ce qui relève des sensations.

La démarche empirique est un obstacle pour la progression du cheminement — cheminement qui est l'image même de toute quête. Il faut se mettre en chemin.

Mais, pour que la démarche philosophique ait une chance d'aboutir, elle doit être rationnelle.

Et c'est bien parce que la philosophie est de l'ordre de la pensée, de l'ordre des conceptions ou des idées, qu'elle est nécessairement abstraite.

Non pas qu'elle n'ait pas d'existence, mais cette dernière est de l'ordre, non pas du concret, mais de l'idéalité. La philosophie est encore seulement de l'ordre du projet.

Comme telle elle est encore à constituer.

Car pour exister il faut, dit Kant, qu'on « réussisse » une entreprise qui, malgré les nombreuses tentatives déjà esquissées n'a jusqu'à présent jamais encore abouti.

L'image est alors celle du « modèle », ce qui renforce l'idée d'une perfection difficile à imiter et de la « copie ».

Encore que ce modèle soit un idéal de la raison, qui n'a d'existence que dans l'exercice parfait de la raison.

Le thème de la copie, pour sa part, suggère une imperfection, liée au caractère second de la copie, par rapport au modèle qui, lui, est premier et parfait. Mais jusqu'à présent, estime Kant, toutes les copies, (malgré leur nombre !) ont été ratées (« la copie, jusque-là manquée »).

Qui d'ailleurs (mais la question n'est pas posée) nous garantit qu'une bonne copie voit le jour ? Et s'il était de la nature humaine, par principe, de ne pouvoir jamais faire un bon usage de la raison ? Kant ne pose pas le problème, ce qui laisse entendre que, de son point de vue, la tâche n'est pas impossible, qu'elle appartienne à un futur proche ou plus lointain.

Ou encore, mais la question n'est pas posée non plus, comme telle à l'horizon sans cesse repoussé de l'humanité marchant sans fin vers la raison. 2.

Toujours est-il que, par le passé, la constitution d'une philosophie, copie réussie d'un modèle rationnel n'a jamais eu lieu.

Les hommes ne peuvent donc, aujourd'hui, se retourner sur leur passé pour contempler une philosophie déjà constituée, ou même pour l'apprendre. D'où la formulation, à la limite de l'ironie, selon laquelle si une philosophie existait, ça se saurait sûrement.

Et de renforcer la désignation de l'absence d'une telle philosophie par la série de questions : « où », « qui », « à quoi », questions auxquelles bien évidemment personne n'est capable de répondre ! Toujours est-il (et c'est peut-être notre chance) que, puisqu'il n'y a pas encore de philosophie constituée, on ne peut. »

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