Justice et liberté ?
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«
VOCABULAIRE:
Justice:
a) Juste reconnaissance du mérite et des droits de chacun.
b) Caractère de ce qui est conforme au droit positif (légal) ou au droit naturel (légitime).
Chez Platon et Aristote, la justice est la vertu essentielle qui permet l'harmonie de l'homme avec lui-même et avec
ses concitoyens.
De façon plus moderne, la justice se confond tantôt avec l'idéal du droit naturel, tantôt, comme institution d'un
État, avec le droit positif.
LIBERTÉ:
Ce mot, en philosophie a trois sens :
1° Libre arbitre.
Pouvoir mystérieux de choisir entre les motifs qui me sollicitent sans être déterminé par aucun
d'eux.
2° Liberté de spontanéité.
S'oppose non plus au déterminisme mais à la contrainte : état de celui qui agit sans être
contraint par une force extérieure.
3° Liberté du sage.
État de celui qui est délivré des passions et agit à la lumière de la raison.
Contre le sens commun, qui définit la liberté par la possibilité de l'assouvissement des désirs, Kant montre qu'il n'y a
de liberté que dans l'autonomie, c'est-à-dire l'obéissance à la loi morale, qui, issue de la raison, assure notre
indépendance à l'égard de tout motif extérieur et pathologique.
La liberté est alors non pas tant un fait qu'une exigence dont l'homme doit se montrer digne.
On considère généralement Hobbes comme le penseur politique fondateur de la modernité, dont la théorie du
contrat social jette les bases de la démocratie, alors même qu'il fut l'ardent défenseur de l'absolutisme.
Comment
est-ce possible ? C'est que Hobbes opère une véritable révolution copernicienne par rapport à l'idée traditionnelle du
droit et de la justice.
Il définit en effet le droit non plus comme la norme du juste, s'imposant à tous, qu'ils le
veuillent ou non, mais comme l'attribut d'un sujet, le droit d'un individu.
Le droit n'est plus alors la juste part qui
revient à chacun dans la répartition des charges et des fonctions qui contribue à l'harmonie et à la bonne marche de
la Cité.
Le droit n'est plus un « droit à...
».
Au contraire, le droit est posé comme pouvoir et liberté d'un individu,
c'est-à-dire comme un « droit de...
» que chacun est également fondé à revendiquer.
Par conséquent, ce droit
naturel d'agir de son propre gré, nul ne peut contraindre personne à l'abandonner, fût-ce au nom d'une compétence
ou d'une sagesse prétendues.
Le renoncement au droit et à la liberté d'agir de son propre chef ne peut être que
volontaire et doit trouver sa contrepartie.
Si les hommes, par contrat mutuel, acceptent de s'en dessaisir au profit
d'un tiers, détenteur du pouvoir, c'est que cette liberté est pour eux mortelle.
Faute d'un pouvoir fort qui les
protège et leur garantit la sécurité, les hommes dans l'état de nature, c'est-à-dire dans un état sans lois, se livrent
une guerre de tous contre tous, car, nous dit Hobbes dans son Léviathan, « l'homme est un loup pour l'homme ».
Une fois ce renoncement accepté, seul le pouvoir peut établir des lois, auxquelles chacun doit se soumettre.
II est
juste alors d'obéir aux lois, et seules les lois déterminent le juste et l'injuste.
Le juste est ce que dit la loi.
Cette construction rigoureuse a été critiquée.
Ne reprend-elle pas d'une main, ce qu'elle accordait de l'autre ? A
peine la liberté est-elle posée qu'elle est confisquée par un pouvoir fort qui ne tolère aucune critique.
Or cela est
injuste.
La liberté est en effet le propre de l'homme, son bien et son dû.
Elle est un droit inaliénable.
Dans des
perspectives différentes, Locke, puis Rousseau, reprenant l'idée de contrat social, tenteront de maintenir l'exigence
conjointe de justice et de liberté.
Pour Rousseau, la liberté est garantie par la souveraineté populaire.
Le pouvoir législatif appartient au peuple et
c'est lui qui vote les lois.
En obéissant aux lois, il n'obéit par conséquent qu'à lui-même.
Or nul ne peut être injuste
envers soi-même.
Le pouvoir n'a par conséquent nul besoin de garantie.
Pourtant la majorité ne risque-t-elle pas
d'imposer, au nom de l'intérêt général, des sacrifices qui lèsent le droit des individus ? Comment évaluer la légitimité
d'une telle demande et jusqu'où peut aller le sacrifice
réclamé ? C'est la question des limites du pouvoir de l'État qui se trouve posée.
Cette limite, Locke, le penseur du libéralisme*, la trouve dans ce qu'on a appelé ensuite les « droits de l'homme »,
c'est-à-dire les droits inaliénables de la personne humaine : liberté d'aller et venir, liberté de posséder, ou droit de
propriété, liberté de penser et de communiquer, droit à la sécurité, droit de résistance à l'oppression.
Tout pouvoir
qui prétendrait confisquer ces droits serait injuste et illégitime.
C'est que la fin ultime, la valeur suprême est
l'individu.
L'État est pour l'individu et non l'individu pour l'État.
S'il faut limiter la liberté, cette limite ne peut être que
celle qu'impose le respect de la liberté d'autrui.
C'est pourquoi Kant, dans sa Philosophie du droit, proposera cette
définition de la justice : « Est juste toute action qui permet ou dont la maxime permet à la liberté de l'arbitre de tout
un chacun de coexister avec la liberté de tout autre suivant une loi universelle.
» A travers l'idée de loi, c'est l'idée
d'égalité qui est ici affirmée comme constitutive de l'idée de justice.
Chaque homme possède un droit égal, c'est-àdire une même liberté.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », affirme le texte de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Liberté, égalité, tels sont les principes qu'aucune justice
ne doit pouvoir contredire.
Mais s'en tenir aux principes, c'est s'en tenir à un niveau de généralité, ou à un formalisme* qui ne livrent pas de
réponse à la question de leur mise en oeuvre concrète.
Or, la justice concrète, la justice sociale pose de
redoutables problèmes et semble difficilement pouvoir faire l'économie d'une réflexion qui tâche d'en résoudre les
contradictions..
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